Gerardmer 2024 - Week-End

Samedi matin, la petite ville est couverte de givre et le soleil pointe enfin après deux jours de brume et de pluie. Nous sommes à 11h à l'Espace Lac pour un film en compétition : The Seeding, premier film de l'américain Barnaby Clay. Un homme est perdu dans le désert après avoir aidé un enfant qui semblait égaré. Il se retrouve coincé dans une étrange ferme avec une femme silencieuse et harcelé par un groupe d'enfants sauvages qui semblent le garder prisonnier. C'est bien filmé, légèrement angoissant et bien raconté. La situation se dévoile sans jamais trop en révéler tandis que le clavaire du héros s'accentue. J'ai aimé l'ambiance et l'univers et bien apprécié ma séance.

Nous avons un peu de temps après le film et profitons des bords du lac ensoleillés et d'un déjeuner au Neptune. Puis nous revoilà à 15h à l'Espace Lac pour les courts métrages. Cette année, cinq films sont présentés et tous sont de qualité. Le premier, Au prix de la chair, me marque par originalité de sa forme : filmé dans le reflet d'une pupille. Le dernier me touche aussi, Transylvania est une jolie petite histoire où une enfant est convaincue qu'elle est un vampire. La jeune actrice est dans la salle pour voir le film.

Nous n'avons pas de réservation pour le film suivant (on ne peut pas en avoir plus de 3 le samedi à l'espace Lac) mais décidons d'attendre dans la file "Dernière minute, hors réservation". Chaque année, des festivaliers se plaignent du système de réservation car les séances principales partent très rapidement. Nous avons l'habitude et arrivons en général à avoir la majorité de nos films. Surtout, ceux qui râlent n'ont pas connu l'ancien système où l'on attendait des heures dans le froid pour parfois ne pas pouvoir rentrer. Aujourd'hui, je n'étais pas du tout sûre qu'on pourrait voir la séance de 17h30 un samedi après-midi. Mais finalement, la file hors réservations est encore assez courte quand nous sortons des courts métrages et nous n'avons aucune difficultés.

Le film en question est It's a wonderful Knife du réalisateur américain Tyler MacIntyre qui avait déjà réalisé Tragedy Girls. C'est un pastiche du classique américain It's a wonderful life avec un serial killer en plus. L'histoire suit la même trame : une jeune femme se sent déprimée et fait le vœu un soir de Noël de n'avoir jamais existé. Son vœu est exaucé mais elle découvre un monde très triste en particulier car le serial killer qu'elle avait arrêté dans la vraie vie sévit toujours et a tué une partie de sa famille. Le film est plaisant, mélangeant conte de Noël et film d'horreur. Cependant, il ne se prend pas très au sérieux et reste assez superficiel même pour le genre décalé dans lequel il s'inscrit.

Pour la séance de 20h, en compétition, nous avons bien des réservations et c'est avec plaisir que nous découvrons le premier film du réalisateur coréen Jason Yu : Sleep. Un jeune couple se voit perturbé par les inquiétantes crises de somnambulisme du mari. Unis face à la difficulté, ils cherchent des solutions pratiques mais la jeune femme commence à paniquer après la naissance de leur bébé et se persuade que son mari est possédé par un fantôme qui veut du mal à son enfant. Le réalisateur l'a décrit comme un "feel good horror movie" et c'est assez vrai car au final, c'est un joli film sur le couple et les deux protagonistes sont très touchants. Le film est aussi très bien construit, parfois drôle et émouvant, bien rythmé avec une belle montée en puissance. Le fantastique n'est jamais explicite : c'est un de ces films qui laisse le doute et parle tout autant de folie que de fantômes. En tout cas, c'est mon coup de cœur de la sélection cette année où il fait la course en tête !

Il nous reste une séance ce samedi soir : l'avant première du Mangeur d'Ame des réalisateurs Julien Maury et Alexandre Bustillo. Encore une fois sans réservation, nous rentrons sans difficulté. L'équipe du film est sur scène pour le présenter. Il a été tourné dans le coin et est sponsorisé par la région. Ce n'est pas vraiment un film fantastique mais plutôt un thriller, une enquête (menée en particulier par Virginie Ledoyen), sur des crimes sordides et des enfants disparus. Ambiance froide et glauque dans la brume des forêts vosgiennes, il sait poser son décor. L'histoire tient à peu près la route et nous accroche assez même à cette heure tardive. On rentre au chalet contents de notre journée.

Dimanche matin, nous terminons le festival avec le dernier film en compétition : La Damnée de Abel Danan. C'est encore un premier film, comme beaucoup cette année et le discours du tout jeune réalisateur est assez touchant car le film a en partie été tourné près de Marrakech dans un village plus tard détruit par le tremblement de terre. Avec tous ces premiers films, un de nos jeux a été de se demander lesquels des réalisateurs et réalisatrices étaient assez âgés en 2004 pour assister au festival alors que c'était notre première année : Abel Danan n'avait que 8 ans...

Son film raconte l'histoire d'une jeune femme marocaine arrivant à Paris pour ses études et se trouvant confinée dans son appartement à cause d'une épidémie (qui n'est pas le Covid mais visiblement largement inspirée). Le film ne fait pas l'unanimité au sein même de notre couple mais moi j'ai plutôt apprécié. Je trouve l'histoire intéressante, la folie de l'héroïne qui s'enferme de plus en plus, bien montrée. On retrouve de nouveau la thématique de la sorcellerie dans la culture musulmane et de la chasse aux sorcières. J'ai bien accroché.

Voilà qui clôture notre festival ! Après un déjeuner à discuter des films dans notre resto préféré La Géromoise, nous reprenons la route d'abord vers Nancy puis en train vers Paris. Là nous allons retrouver l'enfant qui, pour la première fois, est resté à Paris avec sa mamie, ce qui nous a permis de reprendre notre rythme très soutenu de films avec 15 séances en 3 jours + 1 le dimanche. Le palmarès devrait être annoncé ce soir alors que nous arriverons chez nous, je parie sur Sleep et When the evil lurks mais sans aucune certitude, la sélection étant de bonne qualité cette année et les avis variés.

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Gerardmer 2024 - Vendredi

Vendredi, nous partons pour une nouvelle grosse journée de films en commençant dès 11h avec l'italien Resvrgis du réalisateur Francesco Carnesecchi. Un groupe de jeunes gens fait une partie de chasse en forêt et se trouve attaqués par une méchante bête. Rien de révolutionnaire mais efficace slasher avec une intrigue et des personnages bien construits. Le genre de films qu'on apprécie en festival même si on risque de l'oublier.

Après notre pause déjeuner, nous découvrons la pépite du festival cette année : le film québécois hors compétition Vampire humaniste cherche suicidaire consentant de la réalisatrice Ariane Louis-Seize. On suit une jeune vampire qui fait le malheur de sa famille car elle se refuse à tuer pour se nourrir. L'histoire est racontée avec finesse et humour comme quand on suit son initiation avec sa cousine qui choisit comme victimes des mecs relous à la sortie des boîtes de nuit. La jeune vampire se lie d'amitié avec un garçon suicidaire qui se propose comme victime consentante. Le film tient ses promesses jusqu'au bout entre humour noir et amour adolescent.

Notre séance suivante est un film argentin When evil lurks de Demián Rugna. Deux fermiers sont confronté à un cas de "possession" qui prend la forme d'une maladie purulente. Tout au long de l'histoire, ils se battent contre le mal qui menace d'envahir la ville et sans doute l'humanité. Il y a un aspect grand guignol mais c'est surtout très sombre et violent. J'apprécie l'originalité du récit et l'imaginaire lié à cet étrange démon, comme ces groupes d'enfants maléfiques et meurtriers. Je ne sais cependant que penser de la noirceur quasiment nihiliste qui s'abat petit à petit sur l'histoire. Le film, que le réalisateur lui même annonçait que nous allions détester, ne fait pas l'unanimité. Si certains festivaliers ont adoré, d'autres le rejettent en bloc. Ça reste une des meilleures propositions cette année.

On continue notre soirée avec le film français en compétition En attendant la nuit de la réalisatrice Céline Rouzet. Une famille vient d'arriver dans une nouvelle ville et tente de s'intégrer tout en cachant un secret inquiétant : le fils aîné est un vampire. Le fantastique est ici un prétexte pour parler d'adolescence et de différence, comme c'est souvent le cas. L'histoire est touchante, bien portée par ses acteurs. Il lui manque peut-être un petit quelque chose pour vraiment se démarquer mais ça reste un beau film.

On termine notre journée avec un autre film français, hors compétition cette fois, Roqya de Saïd Belktibia. L'héroïne, jouée par Golshifteh Farahani, pratique différentes sortes de sorcellerie moderne en s'aidant d'une inquiétante ménagerie illégale tout en élevant seule son fils dans un quartier populaire de banlieue. Un jour, tout bascule, et la voilà pointée du doigt et poursuivie dans une chasse aux sorcières alimentée par les réseaux sociaux. J'ai aimé cette façon de filmer cette traque moderne et quasi surréaliste. Il y a une ambiance de cauchemar et une belle réflexion sur la croyance et la superstition.

Cela clot notre deuxième journée, on approche déjà de la fin !

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Gerardmer 2024 - Jeudi

Nous revoilà dans la petite ville couverte de brume pour ce nouveau festival. Arrivés hier soir, nous avons tenté de rejoindre la séance du film d'ouverture, The Forbidden Play de Hideo Nakata, qui rejouait à 20h au Casino. Mais la salle est largement pleine et nous passons la soirée au restaurant le Grizzly à manger des Flamenkuche.

Le festival commence donc pour nous le jeudi matin à la séance de 11h de l'espace Lac pour notre premier film en compétition : Perpetrator de la réalisatrice américaine Jennifer Reeder. Je suis assez emballée pendant le visionage. L'héroïne est une jeune fille un peu marginale qui vit seule avec son père. Alors qu'elle va avoir 18 ans, elle est envoyée vivre chez sa tante et découvre qu'elle possède un étrange pouvoir. Le film foisonne d'idées, ça part un peu dans tous les sens avec, je trouve, beaucoup de créativité et un propos intéressant. Il y a de l'humour comme dans ces scènes d'exercice intrusion absurdes dans un lycée américain. Malheureusement, il y a un peu trop de choses en même temps et même si je passe un bon moment je dois reconnaître que ça manque de cohérence.

On a le temps ensuite de déjeuner à notre chalet et de faire quelques provisions avant de retourner à l'espace Lac pour le premier film de l'après-midi. C'est un film français hors compétition : La Morsure premier film de son réalisateur Romain de Saint-Blanquat. On suit deux jeunes filles qui s'enfuient d'un pensionnat à la fin des années soixante pour rejoindre une fête clandestine dans les bois. Il y a de bonnes idées, de belles images à l'aspect onirique. Mais l'histoire n'est pas vraiment au rendez-vous. On attend tout du long que quelque chose se déclenche et on reste un peu sur sa faim.

On enchaîne ensuite avec le film turc The Funeral de Orçun Behram. Un croque-mort tombe amoureux de la jeune femme assassinée qu'il transporte et qui s'avère être un zombie. Il y a de jolies choses, les beaux paysages turcs. Mais je dois dire que j'ai du mal à m'accrocher car le rythme est très lent. Certes, l'héroïne étant déjà morte, elle n'est pas très bavarde mais le héros, qui lui est vivant, n'a pas beaucoup plus d'énergie.

Le film suivant, en compétition aussi, nous réveille un peu. Amelia's Children du réalisateur portugais Gabriel Abrantes raconte une histoire de famille déglinguée pas forcément très originale mais plutôt efficace. Un jeune homme retrouve sa mère et son frère jumeau à qui il a été enlevé à la naissance. Le film est surtout vu du point de vue de sa compagne qui l'accompagne dans ses retrouvailles. Derrière le tableau idyllique, elle décèle rapidement le malaise et essaie autant qu'elle peut de les tirer de ce marasme. Le film ne se prend pas complètement au sérieux et nous offre de très jolies scènes.

Enfin, on termine notre soirée avec un film de 2010, Monsters, présenté dans le cadre de l'hommage au réalisateur Gareth Edwards. La frontière entre le Mexique et les États-Unis est infectée par une forme de vie extra-terrestre. Il y a de grosses bestioles qui ressemblent à des pieuvres géantes et font de gros dégâts. Un photographe de presse doit aider une jeune femme, la fille de son patron, à rentrer aux États-Unis. Mais ça ne se passe pas comme prévu et les voilà dans un périple de plus en plus dangereux. Le film me plaît assez. Il a beaucoup de qualités et fait une belle allégorie sur la question de la frontière. Les bêbettes sont par ailleurs très jolies, entre monstres effrayants et touchantes créatures. Le seul défaut, mais qui m'a dérangée est la complète nullité du personnage féminin qui n'a à peu près aucun élément de personnalité.

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