Minshugu et Onsen

Nous quittons Tokyo le lundi matin. Nous nous rendons d’abord avec tous nos bagages à la station de Shinagawa où nous trouvons, relativement facilement, le loueur de voitures chez qui nous avons réservé. Tout se passe très vite et nous voilà, lâchés dans les rues de Tokyo. Le GPS est en Japonais mais une petite notice explique comment régler les instructions en anglais et comment définir la destination à l’aide des numéros de téléphone. C’est ainsi que nous arrivons à sortir de la ville, en suivant aveuglément le GPS à travers les voies rapides et les grattes ciels. Nous sommes sur la bonne autoroute, roulant vers l’ouest, et petit à petit, les grands immeubles laissent la place à la campagne.

Nous prenons la direction du sud vers la péninsule d’Izu Hanto. L’océan apparaît soudain devant nous et la voie rapide se transforme en petite route longeant le littoral. Nous voici à Atami, première ville de la péninsule. On y retrouve l’ambiance d’une station balnéaire avec sa jolie plage et son petit port. Le soleil brille et les familles se prélassent sur le sable. Très accessible depuis Tokyo, elle doit être prise d’assaut le week-end. Nous mangeons dans un grand snack bar avec vue sur la mer avant de repartir.

La route est agréable, entre mer et montagne, de jolis panoramas apparaissent à chaque circonvolution. Il est un peu plus de 16h quand nous arrivons à Kawazu petite ville au sud de la péninsule dans laquelle nous souhaitons passer la nuit. Il n’est pas aussi évident d’arriver à l’improviste, sans réservation, au Japon que ça pouvait l’être en Corée par exemple. Le principal mode d’hébergement sont les auberges traditionnelles : les ryokan et les minshugu. Tenus par des particuliers, ce sont des sortes de B&B japonais. Mais il faudrait déjà savoir les reconnaître et ensuite, ils n’apprécient pas forcément les visiteurs non annoncés (sans compter que peu parlent l’anglais). La solution : se rendre à l’office de tourisme. Là bas, tant bien que mal, on arrive à se faire comprendre et à réserver une chambre à ce qui nous semble être un prix correct. On suit ensuite le petit plan, quittant un peu la côte pour s’avancer dans la montagne.

Notre minshugu se situe le long d’une magnifique route au milieu de la forêt le long d’une gorge. On nous y accueille chaleureusement. Comme dans beaucoup de lieux japonais, on enlève ses chaussures à l’entrée de l’auberge. Puis on nous amène à notre chambre : pas de lit, le sol est recouvert de tatamis (nattes en bambous) et dans le placard on trouvera les futons qui nous serviront de matelas. On nous a donné un petit sac chacun avec un drap et plusieurs serviette ainsi qu’un kimono pour porter à l’intérieur de l’auberge. Celui qui m’a été donné est taillé pour les japonaises, c’est à dire qu’il est beaucoup trop petit pour moi. J’ai l’air tellement à l’étroit dedans que, dès qu’elle me verra le porter, l’hôtesse m’en proposera un de la taille au dessus qui lui s’avérera très confortable.

Nous n’avons pas de salle de bain dans la chambre et il n’y a pas non plus de salle de bain commune comme on les connaît en Europe. Il y a des bains, les fameux « onsens ». Derrière un rideau rouge pour les femmes, bleu pour les hommes, une première pièce avec casiers pour se changer. Puis on entre dans la salle avec les bassins : un bassin intérieur et un extérieur aussi bien chez les hommes que chez les femmes, plus un sauna chacun. On ne se baigne pas directement, d’abord on se lave avec les douches disposées autour des bassins qui proposent aussi savon et shampoing. Mais attention pour les pudiques : on se douche et on se baigne nue devant les autres femmes. A vrai dire, les deux fois où je me rendrai dans le petit onsen de l’auberge, je serai toujours seule et aurai donc une salle de bain géante uniquement pour moi !

Après avoir goûté aux plaisirs du bain, nous nous rendons, habillés de nos kimonos, au dîner servi à 18h. J’ai réussi à expliquer un peu plus tôt que je ne mangeais ni poisson, ni fruits de mer grâce à ma phrase apprise par coeur en japonais : «watachi wa sakana to shifudo arerugi desu». Ca a bien fonctionné, même si j’ai quand même un soufflé aux crustacés, mais au moins, l’hôtesse me prévient ! Par ailleurs, je ne manque pas de nourriture : on nous sert plein de petits plats, petites soupes, salades, légumes avec du riz à volonté et du thé vert. Le minshugu semble tenu par deux femmes, l’une, plus agée est peut-être la mère de l’autre. La plus jeune se promène partout avec sur son dos un bébé placide qui accepte sans sa situation sans se plaindre, véritable gardien zen de ce lieu qui s’appelle d’ailleurs « zen » quelque chose.  Il est très tôt par rapport à nos habitudes tokyoites quand nous remontons dans notre chambre pour finir la soirée à lire tranquillement sur les tatamis. Mais comme demain, le petit déjeuner sera servi à 7h30 autant essayer de prendre un rythme moins couche tard.

Le lendemain matin, je vais avec un peu de crainte au petit déjeuner. La nourriture est assez proche de celle du dîner avec cependant plus de fruits et du poisson grillé pour Sébastien ! Un pays assez vicieux pour servir d poisson au petit-déjeuner n’est certainement pas fait pour moi sur le long terme. Mais je ne me plains pas car tout est très copieux et on m’a remplacé le poisson par une soupe de pois assez épaisses. Pour ceux qui ne supportent que le café-croissant, il faut faire un peu d’efforts. Mais ayant déjà un peu voyagé, je suis habituée à manger des choses étranges le matin : du riz et de la soupe, pourquoi pas ?

Nous profitons encore un peu des bains et reprenons un peu de sommeil sur nos futons avant de partir. Nous allons encore vers le sud pour rejoindre la ville toute proche de Shimoda. La route entre Kawazu et Shimoda est magnifique. Nous sommes retournés sur la côte et longeons la mer le long d’abruptes falaises. Ce sont des paysages qui sont assez rares au Japon qui n’est pas réputé pour son front de mer. La route descend ensuite et nous arrivons sur une plage. Nous nous arrêtons là pour profiter d’une baignade dans le pacifique. De jolies vagues viennent mourir sur une côte rocailleuse mais il est difficile d’en profiter car, justement, il y a trop de rochers et on s’érafle les pieds et les genoux. Il faut nous rabattre sur la petite baie artificielle protégée de l’océan par une digue : il y a moins de rochers, mais aussi moins de vague. Mais la baignade reste un moment délicieux et le lieu est si joli qu’il fait oublier les quelques inconvénients.

Arrivés à Shimoda, pointe sud de la péninsule, nous reprenons la route du nord et quittons la côte pour passer par l’intérieur montagneux : adieu Océan ! Nous remontons une jolie et étroite vallée. Le long de la rivière, poussent quelques rizières quand le fond est assez large. Mais souvent la gorge se resserre et nous roulons à flanc de montagne. Nous descendons voir une cascade, plus loin des gens se baignent. Des échoppes vendent une grosse racine verte que nous supposons être du wasabi. Nous goûtons de drôles de sucreries, sortes de chips sucrées au wasabi.

Nous quittons à présent à la péninsule ainsi que le joli paysage. Aux abords de la ville de Mishima, nous retrouvons les zones industrielles présentes au Japon comme ailleurs. Notre but ce soir est d’arriver au mont Fuji ou plutôt sur l’un des lacs qui s’étendent au nord de la montagne. A 16h, nous sommes à celui Yamanaka mais, du mont, nous n’avons rien vu car la brume est tombée et il est invisible. Une nouvelle fois, nous baragouinons à l’office du tourisme et réussissons à nous faire indiquer une auberge. Comme la dernière fois, c’est un minshugu, il est tenu par un couple dont le mari parle un peu anglais. Nous n’avons pas le repas inclus ce qui fait d’ailleurs que c’est moins cher. L’auberge est plus simple que la nuit dernière : nous avons une chambre tatami sans salle de bain, mais il n’y a pas non plus de bel onsen, simplement une petite salle de bain à partager avec une douche et un petit bassin comme chez de nombreux japonais (on se douche toujours avant d’aller dans la baignoire). Cependant, on nous donne un bon de réduction pour le grand et luxueux onsen à cinq minutes de l’auberge. Nous allons avec joie profiter de tous ces bassins à diverses température et depuis lesquels on peut admirer le mont Fuji qui apparaît derrière la brume.

Le soir, nous mangeons dans un restaurant italien au bord du lac. La ville me fait penser à Gerardmer : même paysage montagneux avec un lac, même ambiance de petite station touristique familiale. Nous sommes les seuls touristes étrangers dans le restaurant qui n’a d’ailleurs même pas de carte en anglais !

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Week-end tourisme à Tokyo

Ce week-end, nous faisons ce que nous n'avons pas encore vraiment eu l'occasion de faire : les touristes ! Première destination : Asakusa. C'est dans ce quartier que l'on trouve ce qu'il reste du "vieux" Tokyo, car entre les tremblements de terre, les incendies, les bombardements de 1945, la ville est pratiquement entièrement récente. Quand on descend à la station cependant, rien ne saute aux yeux, nous sommes toujours au milieu de ces grandes rues avec de hauts immeubles inesthétiques, mais en tournant la tête, voilà qu’apparaît la magnifique porte du quartier sous laquelle se presse une foule dense. De l'autre côté, ce sont des maisons basses dans un style plus anciens (même si en fait, peu sont réellement anciennes) et surtout des tas de petites boutiques de souvenirs divers et une affluence digne de la Tour Eiffel. Nous quittons la rue principale, bondée, pour profiter du reste du quartier plus agréable. C'est là que nous trouvons un restaurant pour ce midi.

Nous choisissons, exceptionnellement un restaurant de suchis. Pourquoi aller là alors que je n'aime pas le poisson ? Déjà, je ne voudrais pas priver Seb et puis, c'est tout de même typiquement l'expérience à faire quand on est au Japon. Les cuisiniers sont au centre de la pièce et déposent les petits plats sur un tapis roulant autour duquel les clients sont assis. Chacun se sert comme il veut sur le tapis. La couleur des assiettes correspond au prix des plats et on garde donc toutes ses assiettes vides pour que le serveur puisse à la fin du repas nous apporter l'addition. En fait, un code magnétique est incrusté sous l'assiette et le serveur n'a qu'à passer son appareil à côté de la pile pour qu'immédiatement l'addition se fasse toute seule ! Sur un autre tapis roulant en dessous du tapis principal, on peut attraper de petites tasses, qu'on remplit alors du thé vert en poudre "macha" disponible sur notre table et de l'eau chaude qui nous arrive directement par un robinet. Voilà donc une première chose dont je peux me nourrir : le thé vert à volonté. Pour le reste, au moins, je peux voir les plats et en conclure que je ne peux pas les manger. Le seul qui est à mon goût est le "tamago", c'est à dire de l'omelette. En regardant la carte, je commande au chef le seul autre plat qui me convient : "Inari" qui se compose uniquement de riz et de tofu. Il y aurait bien aussi tous les petits rouleaux au concombre mais mon  intolérance aux fruits de mer s'étend aussi aux algues.

Après ce frugal repas, nous reprenons notre visite du quartier. Nous allons voir son principal attrait : le temple qui est en son centre et qui attire autant les japonais que les touristes. La rue principale, si pleine de monde, mène directement à l'entrée du temple. Là, une immense file de japonais se forme depuis la cabane à encens jusqu'à l'autel pour que chacun puisse aller faire sa prière. Le temple lui même est assez joli, il a été reconstruit après la guerre à l'identique, il est décoré de peintures chatoyantes et de dorures. Autour du temple principal, d'autres temples plus petits ainsi que des statues de Bouddha.  Nous marchons encore un peu dans le quartier mais il souffre un peu trop du syndrome "Mont Saint-Michel" (lieu intéressant rendu artificiel par un trop grand nombre de touristes) pour que nous ayons envie d'y rester.

Nous reprenons donc le métro pour aller à la station voisine de Ueno. C'est que j'étais la veille, mais cette fois, plutôt que de visiter le parc, nous allons au musée national de Tokyo. Il est dans un grand et beau bâtiment au milieu du parc et expose l'art japonais de l'antiquité jusqu'au XIXème siècle. Il y a aussi beaucoup d'artisanat mais nous avons du mal à nous extasier devant des assiettes, même très anciennes. Les estampes par contre et les sculptures attirent notre attention. Le musée est très bien fait, il y a beaucoup d'explications. Les sculptures religieuses sont très intéressantes, elles représentent des personnages aux visages souvent abracadabrants. De nombreuses estampes sont liées au bouddhisme mais on en trouve aussi dans l'art populaire, liées au monde du spectacle. On peut y voir alors, par exemple, les comédiennes enfilant leur costume ou d'autres scènes de ce genre. C'est ces dernières que j'ai particulièrement appréciées. Je découvre aussi une petite exposition temporaire sur les femmes artistes au Japon souvent oubliées par l'histoire, étant "femme de" ou "fille de". L'une d'elle a retenu mon attention par son destin étonnant : après avoir étudié l'art japonais, Kiyohara Tama a épousé un artiste italien à la fin du XIXème siècle et a vécu à Palerme où elle a produit des peintures de type occidentale, comme les peintures murales de la Villa Caruso Valenti.

Nous avons beaucoup marché, et nous écroulons épuisés sur les bancs du parc du musée. Le soir tombe sur le parc Ueno, devant nous une jolie fontaine bruisse doucement. Nous cherchons où aller ce soir. Finalement, nous décidons de rester dans les alentours et d'aller explorer Yanaka juste au nord du parc. Ce petit  quartier semble assez méconnu. Nous y croisons peu de touristes et marchons seuls dans la lumière du crépuscule. Il est fait de maisons basses de style ancien, particulièrement mignonnes pour Tokyo. Derrière les murets, se cachent de jolis petits temples. Il y a de petites boutiques et des cafés attrayants. Difficile cependant de trouver un restaurant. Celui dans lequel nous mangeons est très simple. La dame qui le tient ne parle pas un mot d'anglais mais a trouvé au fin fond d'un tiroir un menu traduit. Nous lui donnons les numéros des plats et elle fait la correspondance avec son menu en japonais.

Le dimanche, nous partons à l'assaut du quartier Ginza. C'est l'endroit le plus chic de Tokyo. Le long de la grande avenue rendue piétonne le dimanche se succèdent les façades contemporaines et les architectures étonnantes. On trouve toutes les boutiques de luxe internationale : Prada, Tiphany's, Cartier, Vuiton, ... Certaines boutiques sont plus abordables comme le japonais Uniqulo où Sébastien s'achète d'ailleurs quelques vêtements. Nous trouvons dans une rue adjacente un restaurant étonnement peu cher pour le quartier  qui sert essentiellement deux plats : un curry indien ou des pâtes italiennes. Je dois dire que je ne suis pas vraiment accoutumée à la nourriture locale et je trouve les pâtes absolument délicieuses !

Pour finir notre après-midi, nous repartons de l'autre côté de Tokyo dans le quartier de Shinjuku. Sébastien a eu l'occasion de s'y rendre pour ses rendez-vous mais moi, je n'en ai vu que la gare. Pour ceux qui ont peur de certains aspects du Japon : la foule, l'immensité de la ville, la multitudes de signes incompréhensibles, Shijuku peut certainement ressembler à l'enfer. La gare elle-même est un immense carrefour où l'on se perd très facilement, elle possède des dizaines de sorties et de lignes différentes. A l'extérieur, nous cherchons vainement le magasin "Don Quijote" dont tout le monde nous a parlé. Nous errons à travers les rues et nous retrouvons dans le quartier coréen que nous reconnaissons immédiatement car nous pouvons lire ce qui est écrit. Nous n'avons pas trouvé notre boutique et revenons vers la gare. Le quartier est grouillant d'une foule animée et bruyante (ne pas croire que les japonais sont silencieux, devant chaque boutique un(e) gentil(lle) vendeur(euse) crie d'une voix suraiguë des choses incompréhensibles). Les murs sont comme des mosaïques multicolores et illuminées de tous leurs néons clignotants.  Nous croisons des jeunes hommes en costumes noirs et coupes de cheveux ahurissantes. Ce sont des "male host". A Shinjuku, hommes et femmes peuvent louer les services de jeunes personnes pour les accompagner en soirée. Parfois, c'est directement de la prostitution mais pas toujours : on trouve tous les degrés en terme de pratique ainsi que les choses les plus étranges.

Nous avons marché toute la journée et sommes épuisés. Tokyo est une ville particulièrement fatigante et aussi, assez angoissante. Pendant ces quelques jours, j'ai eu l'impression d'apprendre à la connaître un peu mieux mais elle me paraît surtout de plus en plus insaisissable comme une folie collective, un mouvement perpétuel dont je ne saisis pas le sens. Pour notre dernier soir, nous dînons avec nos amis en partageant le fromage que nous leur avons rapporté de France. Puis nous sortons chanter au karaoke, habitude japonaise qui, elle, me séduit beaucoup !

Demain, nous partons en voiture de location  travers le pays. Encore d'autres surprises nous y attendent. En attendant, j'ai recopié soigneusement en japonais et appris par coeur la phrase "je suis allergique au poisson et aux fruits de mer", j'espère que ça fonctionnera...

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Tokyo, à travers la ville

Jeudi est ma deuxième vraie journée à Tokyo. Sébastien part avant moi le matin pour un rendez-vous de travail. De mon côté, je passe la matinée tranquillement à l'appartement. J'ai une mission aujourd'hui : je dois aller à l'ambassade française pour faire traduire le permis de Sébastien. Le rendez-vous est à 15h, je pars à l'avance avec l'intention de manger près de la station de train. Le quartier où nous sommes regorge en effet de petits restaurants. Mais les cartes affichées à l'extérieur sont toutes en japonais : comment choisir ? Je marche un moment dans les petites rues, scrutant les menus en espérant que la composition des plats m'apparaissent par miracle. Finalement, j'opte pour un panneau qui semble original et sur lequel je peux lire "English ok". C'est un bon choix, je me trouve dans un petit café avec quelques tables à la japonaises où sont installées des mamans et leurs bébés et d'autres tables à l'européenne. On me sert une boisson fraîche locale gratuitement et je commande un steak de tofu tout à fait délicieux. Voilà enfin une réussite culinaire !

Deuxième étape : prendre les transports jusqu'à la station de l'ambassade. Mon expérience d'hier a été instructive : je comprends maintenant plus ou moins le système des transports et arrive à me repérer. Il faut dire que j'ai enfin trouvé une carte avec tous les trains et ça aide beaucoup. Comme une spécialiste, j'effectue les deux correspondance et descends à Hiro-o. J'ai étudié le plan et trouve sans problème le chemin de l'ambassade. Elle se situe dans un quartier sans grand intérêt : hauts immeubles et larges avenues.  Je suis en avance et il fait chaud, je décide d'aller me rafraîchir dans un café en attendant l'heure.  Mon amie m'avait prévenu que les prix étaient prohibitifs. En effet, j'entre dans un établissement qui paraissait quelconque de l'extérieur mais se révèle être un haut lieu de snobisme où les serveur en costume noir et blanc proposent de gros gâteau blanc crémeux à l'américaine. La bouteille de perrier coûte 8euros. Ca me semble tout à fait excessif et j'opte donc pour un jus de fruit : c'est plus cher mais peut-être que ça vaut le coup. La description, "Fruit garden", laissait présager un cocktail original. Ce que l'on m'apporte ressemble tout à fait à du sirop de grenadine dans un grand verre et qui coûte 10 euros...

Le rendez-vous à l'ambassade approche. Je reprends donc mon chemin. Angoisse de dernière minute : je loupe la rue et me perds pendant 10 minutes ce qui me met en retard. On me laisse tout de même rentrer (ouf) et tout se passe très rapidement. Il faut un permis traduit pour louer une voiture au Japon, ce que nous comptons faire à partir de lundi. Je discute de mon itinéraire avec un autre français qui vit lui au Japon depuis 5 ans. Mais ce n'est pas facile, dit-il, pour les étranger de travailler ici. Les conditions sont rudes (2 semaines de vacances par an) et on ne parle jamais assez bien japonais pour les locaux.

Je repars et marche vers le nord où je dois retrouver Sébastien. Le chemin est agréable : zone résidentielle et petits immeubles. Il est toujours amusant de se promener dans les zones non touristiques d'une ville, de surprendre les habitants dans leur vie quotidienne, on a l'impression de faire un peu partie du lieu. Je traverse un joli petit parc où une famille de canard se promène tranquillement entre les gros poissons et les tortues d'eau. Me voilà à Roppongi hills, un grand complexe moderne avec une haute tour. Mon amie m'apprendra que le quartier de Roppongi a une réputation sulfureuse : c'est là qu'on emmène se "divertir" les hommes d'affaires étrangers. Quand la nuit tombe, de grands et beaux africains sortent de nulle part et vantent les mérites de leurs "filles" de toutes les couleurs et origines. Le gouvernement essaie de changer la réputation du quartier en construisant ces grands centres de business et de commerce. Le jour, c'est donc un quartier d'affaire comme un autre.

Roppongi hills fait partie de ces constructions récentes. J'attends, assise sur un banc, sur une large place verdoyante entourée de fontaines et où trône au centre une sculpture représentant une araignée géante (quelle drôle d'idée !).  La température s'est tout d'un coup rafraîchie et il souffle un agréable vent. Le ciel est chargé de nuages mouvants mais la pluie ne se décide pas à arriver. Sébastien me rejoint et nous nous promenons un moment avant de retrouver notre amie qui sort du travail. Nous marchons alors jusqu'au quartier de Shibuya. La nuit est tombée et les rues s'éclairent de milles néons colorés. Shibuya se peuple le soir de la jeunesse tokyoïte venant se dépenser dans ses boites de nuit. L'année dernière, lors du tremblement de terre, le quartier a éteint ses lumières pendant de nombreuses semaines, il est difficile de se l'imaginer à présent. Nous mangeons dans un délicieux restaurant taïlandais avant de rentrer chez nous. Marcher à travers la ville, me déplacer seule dans la mégalopole, j'ai une meilleure notion de l'espace à Tokyo que la veille. La ville me semble plus abordable, moins effrayante.

Le vendredi, je continue mon exploration. Sébastien est à nouveau pris par des rendez-vous de travail. Nous mangeons ensemble dans un café proposant des sandwichs à l'occidentale avant de nous séparer. Aujourd'hui encore, j'ai une mission. Une collègue m'a demandé d'acheter un T-shirt pour sa fille dans une certaine boutique dont elle m'a donnée l'adresse. Elle se trouve à "Electric town", à l'autre bout de la ville mais je n'ai plus peur de me déplacer. C'est dans cette partie de Tokyo que l'on trouve toutes les dernières technologies, tablettes, ordinateurs portables à des prix souvent intéressants. Paradis des gicks et des nerds, c'est aussi le monde de l'univers manga avec des boutiques entières de figurines qui attirent les monomaniaques du monde entier. Je trouve facilement la boutique en question qu vend en effet des T-shirts décorés de personnages ronds aux grands yeux ouverts qui correspondent à différentes BDs que je ne connais pas. Je me promène ensuite dans le quartier, l’intérêt pour moi est plus ethnologique qu'autre chose car je n'ai, en fait, jamais même lu de mangas ! C'est un endroit particulier, cet aspect de la culture japonaise a séduit bien au delà de ses frontières, et spécialement aux Etats-Unis et en Europe. Mais par ailleurs, cet univers lui même est empreint de référence à la culture américaine dont on remarque l'influence ici entre les "doughnut bars" et les "burger restaurants". Dans les cafés, les serveuses sont "déguisées" avec des robes colorées et des petites couettes. Je me suis installée dans l'un d'eux : tous les plats de cartes sont accompagnées de photos de ces jeunes filles avec leur naïf sourire. Sur de grands écrans, des concerts filmés sont diffusés d'autres jeunes filles tout à fait semblables qui chantent des chansons trop sucrées en effectuant des chorégraphies ultra kitch.

Je quitte le quartier et en deux stations de métros me retrouve tout à fait ailleurs. Je suis dans le parc Ueno, et m'approche du vieux Tokyo. Sous la pluie qui ne cesse de tomber depuis ce matin (il fait à peine 20 degrés ce qui, comparé aux jours précédents, est tout à fait froid), je me balade dans le parc avec mon parapluie transparent. J'admire le grand étang recouvert de nénuphars et les jolis temples. Je voudrais aller visiter un musée mais il est en fait trop tard ! Fatiguée de me faire tremper. Je m'installe dans un café où la baie vitrée me permet encore d'admirer le parc peuplé de parapluies et patiente ici plusieurs heures en lisant mon lonely planet et planifiant ainsi le reste du voyage. Etant seule, je me fais plus facilement abordée. Comme je m’escrime à recopier des kanjis sur un petit carnet, ma voisine pense que j'étudie le japonais. Mais non, c'est seulement pour essayer d'être un peu moins perdue dans ce monde de signes et pouvoir reconnaître au moins le nom des villes où nous allons.

Le soir arrive, le parc se fond dans la nuit et je rejoins Sébastien à la station Ebisu. La bas, nous choisissons presque au hasard un restaurant qui se trouve servir des plats indiens.  Voilà presque quatre jours que nous sommes à Tokyo, l'immense capitale nous semble un peu moins mystérieuse. Nous irons avec plaisir visiter ce week-end les quartiers qui nous restent à voir. Mais nous regardons avec crainte filer les billets de notre porte-feuille : on ne nous a pas menti, le Japon est très cher !

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