Montréal en 1 jour

J'arrive à Montréal le samedi soir, je vais rester deux semaines ici mais en vérité, je n'aurai que peu de temps pour visiter étant donné que je viens pour travailler. Mais voilà longtemps que j'avais envie de voir cette ville et je suis impatiente de la découvrir ! Mon hôtel est juste à côté du centre et le bus de l'aéroport me dépose à 5 minutes. Déjà, en tirant mon gros sac, je repère l'animation joyeuse de la rue Saint-Denis. Pour dîner, je vais rue du Prince Edward comme me l'a conseillé l'hôtel et m'installe dans un restaurant coréen pour manger un bibimbab. Un restaurant coréen et des maisons en briques : j'ai l'impression d'être à Dublin. Je suis épuisée par le décalage horaire et rentre me coucher à l'hôtel, demain, j'attaque la ville !

A neuf heures, je suis dehors. Il fait frais mais pas trop froid et avec mon beau manteau d'hiver et mon béret, je suis équipée comme il faut. Dimanche matin, la ville dort encore et les rues sont vides. A part quelques voitures, je n'entends que le cri strident des mouettes. Je croise un écureuil sur un trottoir : je suis bien en Amérique. Dans la rue Saint-Denis, les restaurants sont encore fermés et le vent balaie les feuilles sur le béton. Je tourne dans la rue Sainte-Catherine. Elle mène jusqu'à la place des arts et foisonne de théâtres et de salles de spectacle diverses. Et voilà la place des arts, moderne et spacieuse. Derrière le musée d'art cotemporain, un bâtiment de l'UQAM (Université du Québec à Montréal) où je vais aller travailler à partir de demain. Il y aussi la salle de concert symphonique ainsi que l'opéra : en tout, 5 salles de spectacles et plus de 6000 places, nous sommes vraiment au centre-ville de la culture. Je dépasse la place et continue vers le centre économique. Mon guide indiquait une bonne pâtisserie à la gare mais elle est fermée le dimanche. Je me rabats sur un self spécial petit-déjeuner et peux ainsi compléter celui, très succin, que j'ai pris à l'hôtel. Je ne me prive pas : pain perdu au sirop d'érable, thé, jus de fruit, etc. Il me faut des forces pour affronter la ville !

Je repars et me voilà bientôt au milieu des hauts buildings et des banques. Nous sommes dimanche et le quartier est vide, presque fantomatique. Ses seuls habitants sont les indignés montréalais qui se réveillent dans leurs tentes et partagent leurs idées révolutionnaires et leurs cafés. Ils sont installés devant le centre de commerce mondial. Ce bâtiment a une architecture très particulière : entre deux vieux édifices de la ville, une allée de verre très moderne qui transforme cette ancienne ruelle en magnifique oeuvre contemporaine, une belle réussite de rénovation. Les boutiques sont fermées et la foule est absente. Je me promène seule sur ses balcons et passerelles pouvant admirer pleinement l'architecture. Je continue ma visite avec le palais des congrès, lui aussi bel exemple d’architecture contemporaine. Sa façade vitrée est colorée de rose et bleu, depuis l'intérieur, on voit les arbres d'automne sous des couleurs encore plus incroyables. Il y a d'ailleurs des arbres à l'intérieur même du bâtiment : mais ils ne sont que des troncs et sont peints en rose bonbons. On trouve une allée entière de ces faux arbres, oeuvre d'art moderne qui fait l'identité du bâtiment.

Je continue vers le sud entrant dans le vieux Montréal et visite un autre bâtiment coloré mais de façon très différente : la basilique Notre-Dame.  C'est une église du XIXème siècle en plein dans le néo-gothique dont l'intérieur est décoré de dorures et peintures à en avoir mal aux yeux. Pour visiter, il me faut attendre la fin de la messe qui est en train d'être dite. Les voix des choeurs s'élèvent religieusement au son de l'orgue. Signe du bilinguisme de la ville, la messe est dite d'abord en français puis traduite en grande partie en anglais et le prêtre passe sans arrêt d'une langue à l'autre  (les prières, cependant, ne sont dites qu'une seule fois !). Je sors de la basilique et marche un peu le long de la rue Saint-Paul : cette fois, les boutiques sont ouvertes et l'animation est là, nous sommes dans la partie touristique de la ville. Le vieux Montréal est agréable, un petit côté européen avec son sol pavé et ses vieilles maisons. Je rejoins le vieux port. Il ne ressemble pas du tout à l'image qu'on se fait d'un "vieux port" en Europe mais ne manque pas de charme. Montréal a su rénover l'endroit tout en conservant l'aspect industriel. Une longue balade s'étend sur les rives du Saint-Laurent avec des pistes cyclables, des bancs et des tables de pique-nique dans la verdure. Mais les anciens docks n'ont pas été détruits, il reste encore des hangars et de vieux bâtiments industriels. Certains ont été transformé, on trouve par exemple un labyrinthe à travers d'anciens hangars. D'autres sont en attente de leur destin.  C'est le cas du silo numéro 5 : cette immense bâtisse s'élève au dessus du fleuve et nous toise de sa beauté rouillée, témoignage d'un passé industriel révolu. Des parcs ont été installés là où, autrefois, on chargeait les marchandises et les arbres rouges brillent dans le ciel gris.

Je quitte bientôt le port pour retourner vers la ville et je me retrouve au marché du Bonsecours. Ici a lieu aujourd'hui une grande braderie : des tas de stylistes québécois vendent leurs créations à prix cassés. Dans les longues salles, des centaines d'étals de vêtements se succèdent. Je ne résiste pas et me promène longuement, admirant parfois des oeuvres textiles bien au dessus de mes moyens mais trouvant aussi de belles occasions de dépenser mes dollars canadiens ! Je continue à travers le vieux Montréal et me rend au musée du château de Ramezay en face du bel hôtel de ville. Ce n'est pas vraiment un château, plutôt une belle maison, une des plus anciennes de la ville, qui servit de demeure aux gouverneurs. A l'intérieur, on trouve un musée qui retrace l'histoire du Québec : je suis particulièrement ignorante dans ce domaine et cela me permet donc de comprendre un tout petit peu les différents enjeux qui ont été ceux de la province. Ce qu'on retient, c'est que les francophones se sont battus becs et ongles pour conserver le droit de pratiquer leur langue et leur culture et ils sont d'ailleurs les seuls en Amérique à y être parvenus.

Je marche depuis ce matin et en sortant du musée, je sens que mon corps réclame une pause. Je m'effondre donc dans un café où lovée dans un confortable fauteuil je laisse mes jambes se reposer en buvant un chai latte. Puis courageusement, je remonte le boulevard Saint-Laurent : artère principale de la ville qui marque la frontière entre l'est et l'ouest. Je traverse le petit quartier chinois : petit carré au milieu de la ville délimité par de grandes portes décorées. Puis me voilà rue Sainte-Catherine et bientôt Place des arts, la rue est beaucoup plus animée que ce matin et les boutiques sont ouvertes. Je me dirige droit vers le musée d'art contemporain. Il abrite surtout des expositions temporaires dédiées à des artistes québécois. Fatiguée par ma longue balade, je m'affale devant les installations vidéos, prenant le temps d'apprécier chaque oeuvre, ce que l'on fait rarement habituellement. Je retiens les tableaux vivants de Claudie Gagnon, à la fois absurdes et beaux et L'Etuve de Olivia Boudreau où des femmes lasses apparaissent dans la fumée d'un hammam.

Ma journée touche à sa fin. Je mange un léger sandwich dans un café de la rue Sainte-Catherine et me rend dans un petit théâtre pour un match d'impro. Ce type de performance a été inventé à Montréal et il serait dommage de ne pas en profiter. Détail insolite : le spectacle a lieu en anglais. Les comédiens portent des numéros, il sont appelés sur scène où ils doivent improviser une saynète selon certaines contraintes souvent assez burlesques. Ensuite, le public note à coup d'applaudissement ce qu'il vient de voir ce qui permet d'éliminer  une partie des comédiens, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus que deux qui s'affrontent dans un duel absurde de vol de chapeau. L'ambiance est agréable et l'on rit beaucoup. A savoir que la troupe propose aussi des cours d'impros gratuit plus tôt dans la journée et que si l'on est assez assidu et doué, on peut espérer les rejoindre sur scène : voilà qui me donnerait presque envie de m'installer ici !

Il est 22h quand je retourne à mon hôtel, épuisée et comblée par ma journée. J'ai été séduite par la ville et après avoir arpenté les rues, je m 'y sens presque chez moi. Demain, je commence mon travail à l'université, j'aurai moins le temps de visiter mais tout le loisir d'apprécier...

 

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Carnaval Sainte-Lucie

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La Barbade

Nous arrivons à La Barbade dimanche 14 août dans l'après-midi. Nous devons loger la première nuit chez une coach surfeuse que je ne connais pas, je lui ai envoyé les horaires de notre avion mais n'ai pas eu la confirmation qu'elle venait nous chercher. Nous sommes assises, un peu angoissées, dans le hall de l'aéroport quand nous la voyons arriver. C'est une jeune femme de 29 ans, elle nous conduit dans la magnifique maison qu'elle partage avec son mari dans le nord de l'île. La Barbade a ceci de différent des autres îles qu'elle est entièrement plate, par conséquent l'intérieur est moins sauvage qu'ailleurs et recouvert de champs de canne à sucre. C'est eux que j'observe par la fenêtre tandis que nous roulons. La Barbade est aussi une des îles les plus riches. La jeune femme qui nous accueille est originaire de Tobago et bien qu'elle vive à la Barbade depuis des années, qu'elle soit mariée à un barbadien et qu'elle travaille comme avocat, sa demande de nationalité n'aboutit pas. Elle nous dit que malgré les accords entre les îles qui lui ont permis assez facilement de venir s'installer, les barbadiens sont méfiants vis à vis des immigrants de Trinidad et ont tendance à surprotéger leur île qu'ils perçoivent comme un eldorado. Mais notre amie trouve tout ça un peu ridicule : même si les frontières étaient entièrement ouvertes, les Trinidadiens ne viendraient pas tous en masse vers la riche Barbade, ce n'est tout de même pas les Etats-Unis. Ce qui l'ennuie le plus c'est que n'étant pas barbadienne, elle ne peut pas bénéficier du système de santé gratuit, alors qu'elle vit et travaille dans le pays...

Elle et son mari vivent dans une très belle maison dans un quartier chic du nord de l'île. Elle nous sert de l'eau de coco dans son confortable canapé, nous avons notre propre chambre et même notre salle de bain. Son mari est professeur de tennis, quand il rentre, nous ressortons tous les trois pour aller dîner à l'extérieur. Ils nous emmènent à St-Lawrence Gap, c'est là que nous logerons à partir de demain. C'est dans le sud et donc assez loin de chez eux, mais une grande autoroute traverse l'île et les distances sont courtes et se font rapidement. La Barbade reçoit beaucoup plus de touristes que les autres îles, sans doute que sa nature moins sauvage effraie moins. Dans la belle rue de St-Lawrence, les restaurants étalent leurs terrasses dans la lumière des néons, ils se transforment en night club après 22h et la rue s'anime de sa vie nocturne agitée. Les hôtels sont sur le front de mer et les touristes peuvent profiter de leur soirée sans se sentir trop dépaysés : on est bien loin des rues de Port-of-Spain si inquiétantes après la tombée de la nuit. Nos hôtes nous détaillent tous les restaurants, nous donnant de nombreux conseils. Ce soir, nous nous contentons d'un burger acheté à un marchand ambulant, puis nous prenons un verre dans un petit bar encore très calme.

Le lendemain, Damien (c'est son nom) vient nous chercher après ses leçons matinales pour nous déposer à notre hôtel, sa femme est déjà partie travailler. Nous arrivons à Rio Guest House aux alentours de midi et sommes très satisfaites. La vie à La Barbade est assez chère, surtout pour les touristes, mais il existe tout de même beaucoup de possibilités abordables pour se loger en dehors des grands hôtels "All inclusive". Nous ne payons qu'environ  30 euros par nuit pour deux et avons une chambre à l'intérieur d'un joli appartement : nous partageons la cuisine, le salon et la salle de bain avec les quelques autres chambres sans avoir l'impression de nous marcher dessus. Une grande terrasse brûle sous le soleil et nous permet de laver et étendre notre linge. Les restaurants que nous avons vus hier sont à quelques minutes et la plage est au bout de la rue. J'avoue que j'ai du mal à comprendre l'intérêt de payer un prix exorbitant pour loger au même endroit, juste de l'autre côté de la rue, le luxe ne me semble pas nécessaire quand on a le confort.

Nous sortons pour déjeuner, St-Lawrence Gap est bien différent en journée. Tout y semble endormi, la rue se repose, fatiguée de son agitation nocturne. Les touristes sont partis en excursions, quelques vendeurs proposent des bijoux d'un air las. Les terrasses des restaurants sont vides, nous mangeons seules nos burgers et notre riz, face à la mer. Dans l'après midi, nous irons profiter de la belle plage sur laquelle donnent tous les hôtels : l'eau y est tiède et turquoise mais nous y décelons des méduses et sortons apeurées. Le mardi, le soleil brille sur la Barbade. Dès le matin, il nous assomme de sa chaleur éreintante. Voilà bientôt un mois que nous voyageons et nous sommes toutes les deux très fatiguées. Nous n'avons pas la force et l'énergie de luter contre cette puissance démoniaque qu'est le soleil et languissons, fiévreuses, sous le ventilateur. Il est bien 15h30 quand nous nous décidons à sortir, c'est l'heure à laquelle le déclin de l'après-midi est enfin engagé vers la fraicheur du soir.

Nous quittons la réserve à touriste, traversons les rues, pourtant si proche, où des mamies nous regardent depuis leurs petits jardins et où des poules se promènent tranquillement, et rejoignons la grande route pour prendre le bus. Nous allons à la capitale, Bridgetown. La ville est assez différente de celles que j'ai vues jusqu'alors, s'il ne faisait pas si chaud je la trouverais agréable, à mi-chemin entre les caraïbes et les Etats-Unis. La rue principale est large, bordée par des boutiques de luxe. On croise parfois un beau bâtiment de style colonial, avec d'élégantes colonnades colorées. Nous sommes arrivées au sud et rejoignons le second terminal de bus qui se trouve au nord, de là bas, nous pouvons monter vers la côte caraïbe. Nous traversons d'abord des faubourgs plus pauvres de Bridgetown avec de petites maisons très modestes, puis nous arrivons sur la fameuse côte ouest. C'est un enchainement d'hôtels de luxe, c'est ici que l'on vient si l'on est fortuné. La plage est publique mais les hôtels s'arrangent de telle manière qu'ils en bloquent l'accès sur une grande partie de la côte. Descendues un peu n'importe où, nous devons nous faufiler entre deux murs et escalader des rochers pour enfin atteindre le sable. Les terrasses avec piscine jouxtent la mer de si près qu'il ne reste qu'un ou deux mètres de plage pris d'assaut par les transats où s'étalent des Paris Hilton en bikini. Intruses, nous posons nos sacs de pouilleuses dans un coin et allons nous baigner : l'astuce, dis-je à Rébecca, c'est de cacher son maillot et ses affaires pourries dans un sac à main Chanel et de venir à la plage en robe de luxe en passant comme une princesse par l'entrée principale.

De ce côté-ci de l'île, la mer est très calme. Le sol n'est pas tout à fait sablonneux, il semble rocailleux et recouvert de petites algues. Quand nous plongeons avec nos masques, nous découvrons la vie sous-marine. Je n'ai pas besoin de nager bien loin pour profiter d'un des meilleurs lieux de plongée que j'ai eu jusqu'alors : il est étonnant de penser que tous ces poissons coexistent avec tous ces touristes. Ceux qui ne prennent pas le temps d'aller regarder sous l'eau n'ont aucune idée de cette vie incroyable qui est là, à quelques mètres de leur transat-pina-colada. Nous voyons un poisson très amusant : au début on ne le repère pas car il ressemble au rocher, ou alors on croit qu'il est mort. Mais si l'on remue un peu au dessus de lui, alors il se déplace et on le voit enfin. Il est tout plat et toujours de profil, il ne bouge que d'une dizaine de centimètres pour de nouveau se plaquer immobile contre le sol et prendre la couleur de circonstance : brun vert sur les rochers, beige et gris sur le sable, un poisson caméléon !

Nous quittons bientôt la plage et reprenons nos différents bus pour rentrer à l'hôtel. Le soir, nous sortons pour profiter un peu de l'animation. Il y a toutes sortes de restaurants, on trouve un peu de cuisine locale et des choses plus mondialisées comme les burgers, les pâtes ou les pizzas. Nous sommes assises à une terrasse, le bar qui jouxte le restaurant va bientôt se réveiller. Plus loin on entend un karaoke où des amateurs plein d'énergie chantent du Bob Marley. Partout, des soirées sont organisées mais nous sommes souvent trop fatiguée le soir pour avoir envie d'y participer. Il ne faut pas croire que cette vie nocturne est réservée aux touristes, nous croisons de nombreux locaux, en particulier de jeunes filles qui profitent des entrées gratuites souvent offertes par les clubs à la gent féminine. Elles sont habillées de robes à la mode aux coupes extravagantes et souvent beaucoup trop courtes. Tandis qu'une averse soudaine nous inonde, nous nous abritons à l'entrée d'un night club et pouvons voir le défilé de ces jeunes minettes fardées pour la soirée.

Le mercredi, la chaleur est revenue après la pluie et nous n'avons pas plus d'énergie que la veille. Notre état semble même s'être détérioré, nous sommes plus ou moins malades sans avoir une maladie en particulier. J'ai le nez qui coule et Rébecca a mal à la tête. Nous laissons filer le temps mais quand arrive 15h, elle ne se sent pas mieux et je décide de partir seule à l'assaut de l'île : j'ai envie de voir les plages de la côte Atlantique. Sur les conseils Paula, la gérante de l'auberge, je prends un bus qui descend jusqu'à la pointe sud avant de remonter le long de la côte sud est. Le bus roule lentement dans de petites rues bordées de maisons : pas d'hôtels de ce côté ni de grandes villas. Je pensais m'arrêter dès que je verrais la plage, mais nous roulons toujours à une certaine distance de la mer et je ne sais pas quand descendre. Je finis par arriver au terminus mais je me retrouve plus ou moins au milieu de nulle part. Les autres passagers veulent m'aider et se disputent un peu pour savoir quelle est la plage la plus proche, l'un d'eux finit par prendre le dessus et commence à m'indiquer la route. Il fait mieux que ça et m'accompagne sur une partie du chemin, s'assurant plusieurs fois que je saurais retrouver l'arrêt de bus. La plage n'est pas tout près, il faut marcher environ 10 minutes le long de la route principale, puis tourner sur une route plus petite et marcher à nouveau 10 minutes. Je ne suis pas du tout dans une partie touristique de l'île, on parle à peine de ces plages dans les guides et je marche dans des ruelles clames, bordées de maisons fleuries sous le soleil plus doux de l'après-midi. La route se transforme finalement en petit chemin de terre et voilà que j'arrive sur une falaise à pic lisse et sombre. En contrebas, la plage apparait comme comme un morceau de sable oublié par la mer, j'entends déjà le bruit des vagues. Je descend le petit escalier, je n'ai vu presque personne et j'ai un peu peur de me retrouver seule ce qui n'est jamais prudent. Mais non, la plage n'est pas déserte : une ou deux familles de touristes sont installées paisiblement sur les transats loués par les deux vendeurs assis patiemment à l'ombre. Il règne une atmosphère douce, le temps semble arrêté comme sur une vieille carte postale.

Je regarde les vagues et j'ai du mal à me retenir et à ne pas m'y jeter toute habillée. Les rouleaux ont pour moi un charme inexplicable. Oui, j'aime les mers d'huiles, les eaux turquoises dans lesquelles on peut s'allonger et presque s'endormir, mais l'agitation des vagues fait naitre chez moi un désir et un plaisir que je ne retrouve pas ailleurs. Je suis seule et sais qu'il me faut être prudente, les vagues sont puissantes et je ne m'avance pas au delà de la ligne de brisure ne sachant pas quels courants se cachent dans les eaux plus profonde. Je me contente de me battre contre ces montagnes d'eaux qui s'élèvent comme des murs juste devant moi et dans lesquelles je plonge avec délice. Parfois, je me laisse surprendre et emporter comme un cailloux roulant dans le sable et les algues. Cette plage n'a pas la beauté parfaite des longues étendues de sable pleines de palmiers, ni même des petites baies magnifiques de Tobago, mais oh que j'aime son aspect minéral, l'abrupt de ses falaises lissées par les eaux, le rythme régulier et puissant de ses rouleaux et même ses longues trainées d'algues rouges sur le sable et dans l'eau bleue. Après ma baignade, je m'installe sur un tronc de palmier et bois l'eau fraiche d'une noix de coco en regardant la mer. Le vendeur s'est assis à côté de moi et nous discutons. C'est un vieux pêcheur tranquille : sa conversation est très agréable car il n'essaie ni de me vendre quelque chose ni même de me draguer. Il me parle de sa plage et de la vie calme qu'il y mène. Il me dit qu'il a gardé un oeil sur moi alors que je me débattais dans les vagues mais il semble impressionné par cette volonté inflexible que j'ai de me jeter contre elles comme dans une bataille effrénée. Il me rassure cependant : la plage n'est pas particulièrement dangereuse pour qui sait nager, il n'y a pas de courants vicieux pour vous emporter au loin. Il est curieux de savoir ce que je fais ici, seule, sur cette plage lointaine. C'est vrai, quelle jeune touriste prend seule un bus hasardeux vers un lieu inconnu et peu visité, sur la base d'un vague nom sur une carte et de quelques lignes dans un guide qui ne parlait d'ailleurs pas précisément de l'endroit où j'ai atterrit. Cependant, dans le fond, il ne comprend pas très bien ce que quiconque peut faire ailleurs que sur cette plage : le reste de l'île, ses touristes pressés, ses hôtels, ses boutiques lui semblent une folie étrange. Le reste du monde devient vite ridicule aux yeux de quelqu'un qui ne vit que du poisson qu'il pêche depuis la falaise et de quelques bricoles vendues aux touristes hors-circuits qui échouent ici comme moi . Il ne mange que du poisson, me dit-il, la particularité culinaire qui m'accable et veut que je n'en mange jamais lui parait des plus exotiques.

Je dois quitter la plage. Imprudente, plutôt que de suivre scrupuleusement le chemin par lequel je suis arrivée, je marche le long des falaises car le vendeur m'a assuré que c'était plus rapide et qu'on rejoignait l'arrêt de bus. La vue est belle, je découvre d'autres plages cachées au creux de la roche. Mais le chemin se perd dans les herbes au milieu de vaches ébahies. Je retourne sur la route et marche dans la direction qui me semble la bonne. Je finis par demander mon chemin, une jeune femme en voiture avec ses enfants décide de m'accompagner plutôt que de m'expliquer et me dépose à l'arrêt de bus qui était, finalement, tout près. Il me faut maintenant attendre. J'ai plus ou moins l'air d'une extra terrestre à ce terminus devant la petite église blanche où les gens attendent que le bus arrive et fasse demi tour. Les habitants me regardent avec curiosité et me parlent gentiment, je suis au milieu de vieilles mémés qui prennent bien à coeur que je prenne le bon bus. Mais ce bus n'arrive pas. Il devait passer à 18h, mais celui qui arrive à 18h25 me fait signe que non, il ne retourne pas en ville. Ce n'est qu'à 18h40 que je peux enfin monter, et il fait nuit noire depuis longtemps quand j'arrive à l'hôtel. Le soir, nous sortirons à nouveau tester un des restaurant de la rue avant de rentrer nous coucher.

Jeudi est notre dernière journée à la Barbade et nous nous sommes inscrites à un tour organisé, "Island Safari", pour faire le tour de l'île. C'était plus par paresse que par réelle motivation et nous savons à quoi nous attendre. Quand je vois arriver le grand 4x4 qui nous promène sur les bancs de sa plage arrière découverte, je ne suis pas surprise. Assez vite, nous serons cependant déçues : le programme que nous suivons n'est pas celui que nous avions lu sur internet, nous en déduisons alors que le tour que nous voulions faire soi n'existait plus, soi n'était pas disponible. Dans ce nouveau programme, pas le temps de profiter, il faut tout voir. Nous passons la majeure partie de la journée à rouler mais au moins, nous pouvons admirer l'ensemble de l'île. D'abord la côte caraïbe, dont la moindre parcelle coûte des millions de dollars et sur laquelle résistent pourtant quelques petites maisons particulières. Le centre est plus rural, recouvert par les champs de canne à sucre. Puis nous passons par la pointe nord et descendons la côte atlantique. Nous arrivons sur la plage de Bathsheba où sont régulièrement organisées des compétitions de surf. Le temps est maussade, pluvieux même. Les vagues, très longues, semblent moins puissantes que là où j'étais hier et pourtant on dit ces eaux très dangereuses et impropres à la baignade. D'ailleurs, l'eau n'arrive pas sur du sable mais sur de longs rochers plats et rugueux. Ils découpent parfois de petits bassins et c'est le seul endroit où les baigneurs osent s'aventurer. Dans les courants agités, seuls les surfeurs se risquent en pagayant sur leurs planches, se dressant parfois tels des dieux aux dessus des eaux. J'avais hésité à venir ici hier et ne regrette pas mon choix, je ne ressens que la froideur de la pluie et de ses vagues hostiles, je n'aurais pas eu envie de rester.

Le tour continue à travers une forêt, si belle dans l'humidité ambiante. Les panoramas sur l'île encore fraichement mouillée et qui semble s'évaporer et se dissoudre dans l'air sont magnifiques. Quand le 4x4 saute sur les bosses des chemins, les passagers crient et les enfants s'amusent à avoir peur. C'est de la fausse aventure qui nous est vendue pour nous faire croire que ce que nous vivons se rapproche très vaguement d'un véritable safari. Je comprends le père allemand qui y emmène ses enfants, je comprends aussi les deux anglaises, une mère et sa fille, dont je soupçonne qu'elles ont été convaincues comme nous par leur propre paresse. Ceux que je ne comprends pas, c'est ce couple noir américain qui a déjà fait le même tour lors d'un précédent voyage à la Barbade. Espèrent-ils retrouver la joie et la surprise de la première fois ? Et surtout, arrivent-ils à se convaincre eux même que cela est toujours aussi bien ? Nous déjeunons dans un ancienne plantation qui est visiblement spécialisée dans ce genre de chose car il y au moins 6 autres 4x4 "Island Safari" qui s'y arrêtent. Ce qui me dérange le plus dans ces tours organisés est l'infantilisation : il faut s'asseoir où l'on vous dit, revenir à telle heure, ne pas prendre la moindre initiative : vais-je me faire gronder si je reprends du pain à l'ail ? Je le supporte une journée, mais je ne pense pas que je pourrai le faire plus longtemps. Nous retrouvons notre liberté dans l'après midi et dînons le soir avec le couple qui nous a hébergé la première nuit. Ils sont à la fois simples et très sympathiques, curieux de notre expérience de voyageuses, de la situation des antilles françaises et nous même leur posons beaucoup de questions.  J'espère sincèrement que nous garderons contact.

Après avoir fait le tour de l'île, je conclut que la plus belle plage est celle où je me suis promenée (ou peut-être une autre similaire dans la même zone), et cela est étrange car personne ne le dit : un secret bien gardé ? Ce qui est dommage, c'est que cette plage est la seule que j'ai visitée seule et aussi, la seule où j'avais oublié mon appareil photo. Les deux choses sont liées car je suis rarement celle qui pense à prendre des photos. Mais son charme si particulier aurait-il pu transparaitre sur une image fixe et numérique ? Je n'en suis pas sure, le rythme lent et puissant des rouleaux qui frissonnent blanchis sur le sable ne peut pas être capté par l'appareil. La plage restera dans ma mémoire comme une sensation plus que comme une image. Avec le temps, elle perdra son existence matérielle, flottant comme un rêve lointain dans mon esprit. A-t-il vraiment existé, ce lieu que je suis seule à avoir vu ? Je n'ai que mes propres mots comme témoins : la plus belle plage de la Barbade, qui apparait de façon incongrue derrière quelques maisons, en bas d'une falaise, comment retrouver l'escalier qui y mène ? En voulant la chercher, on ne verrait que ces à-pics frappés par les vagues, il n'y aurait plus ni plage, ni rouleaux, seulement cette côte inhospitalière où personne ne va et on dirait : "tu as rêvé".

Le voyage à La Barbade est terminé et c'est aussi le voyage entier qui s'achève. Après plus d'un mois, je suis contente de rentrer, d'abord à Fort-de-France, puis chez moi. Mon sac à dos commence à montrer des signes de faiblesse, mes vêtements me paraissent tous sales, mon corps demande du repos. J'ai visité 15 îles dans 6 pays différents, pris 4 avions et 9 bateaux, me suis baignée sur 30 plages. Je ne compte pas le nombre de poissons volants, ni de pélicans, ni d'ailleurs de tous les autres poissons et oiseaux qui ont égaillés mon voyage. J'ai découvert chacune de ses îles avec curiosité, essayant de déceler leurs similitudes et leurs différences : il y a les grandes îles qui renferment des forêts sauvages et encore pleines de mystères, et les toutes petites, perdues quelque part dans la mer et où le monde semble s'arrêter. Je quitte la sulfureuse caraïbe pour retrouver le climat plus mesuré de l'Europe occidentale. Ma peau est rosie par le soleil, très légèrement brunie par les taches de rousseur, mes cheveux sont encore plein du sable qui trainera pendant encore longtemps dans le fond de mon sac. Je rentre pleine de soleil et de pluie tropicale, comme celle qui tombe aujourd'hui sur Fort-de-France. Mon appétit de voyage est rassasié... pour un moment en tout cas !

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