Blue Lagoon

Samedi 18 juin

Samedi, je commence par dormir. Je n'ai plus la contrainte de la conférence et malgré la lumière du jour, je m'enroule dans mes draps et loupe presque l'heure du petit déjeuner. Puis, nous nous préparons et descendons vers le centre où nous avons donné rendez-vous à une partie du groupe. L'idée aujourd'hui est d'aller au blue lagoon. Il se situe à 40 minutes de la ville et nous devons prendre un bus. Après concertation à l'office du tourisme, nous décidons de prendre celui de 15h et il me reste donc un peu de temps pour me balader dans la ville. Voilà une semaine que je suis ici, mais je n'ai jamais pu voir le centre avant la fermeture des boutiques. Je commence par goûter un hot-dog dans un stand qui est censé servir les "meilleurs du monde". En fait, ils ont été classés meilleur d'Europe il y a quelques années et ont acquis une bonne réputation surtout depuis que Bill Clinton est venu en prendre un. Ils sont en effet plutôt bons, même si je ne suis pas une grande fan des hot-dogs qui restent toujours assez gras.

Après mon rapide repas, je vais parcourir les rues du centre avec une collègue. Reykjavik a beau être une toute petite ville, les boutiques sont assez incroyables. Dans les vitrines, on admire des créations originales de jeunes designers. La mode est plutôt hivernale mais dans un style très travaillé : beaux pulls aux coupes seyantes, robes longues en laine, etc. Petit hic, tout ça est tout à fait hors de prix. Nous nous contentons donc d'admirer et j'abandonne petit à petit l'idée de 'acheter quelque chose. Jusqu'à ce que je tombe sur une boutique où les prix semblent d'un seul coup dix fois moins chers. Et pour cause, ce sont des vêtements d'occasion ! Voilà qui fait mon bonheur et j'aurai bien du mal à tout faire rentrer dans ma valise.

Nous nous baladons encore un peu dans les rues colorées de Reykjavik avant de rejoindre le terminal de bus et de partir pour le blue lagoon. Nous roulons dans la péninsule desséchée, terre de lave recouverte d'un vague lichen. Entre les rochers noirs, coule une eau d'un bleu surnaturel, sortant bouillante de la roche. Le lagon s'étale tel une flaque, à l'une de ses extrémités, une centrale fumante, de l'autre côté la piscine. En effet, on ne peut pas se baigner partout, il faut passer par (et payer) le grand complexe  thermal qui gère le lagon. On a le droit à une vraie installation touristique avec grands vestiaires tout confort et une boutique de souvenir. On a même un bracelet électronique qui nous permet d'acheter des boissons directement à la buvette dans l'eau !

Des petites planches de bois ont été posées sur la roche pour ne pas qu'on s'arrache les pieds, mais nous nous baignons ensuite directement dans les rochers avec assez peu d'aménagements. L'eau dépose partout une couche minérale lisse et blanche qui fait comme un plancher, parfois, nous marchons aussi dans la vase sablonneuse. Le bassin n'est pas vraiment bleu dans cette partie du lagon, il est d'une teinte laiteuse et opaque, très légèrement colorée. On s'y baigne comme dans un bain agréablement tiède. L'eau n'est pas trop chaude et on peut y rester des heures. La foule se masse surtout près de l'entrée, et en s'avançant dans les parties les plus profondes (environ 1m50), on peut facilement s'isoler. Étendue dans l'eau, portée par le sel comme dans un lit douillet, je n'entends plus rien autour de moi et je m'endors presque, laissant mon corps se détendre et mon esprit s'évader.

Nous avons d'abord exploré le lagon en groupe, excités par la nouveauté, nageant dans l'eau chaude, exprimant notre joie à tout bout de champs. La plus grande attraction vient des gros pots de crème blanche qui sont mis à disposition du public. Ce sont des masques à base de boue du lagon, et suivant la tradition locale, nous nous "beurrons le museau" (l'expression n'est pas de moi, elle a été inventée de façon très appropriée par mon prof présent avec nous dans le lagon). Il est amusant de voir les hommes les plus baraqués  attendre patiemment que sèche leur petit masque avant de le rincer pour avoir "la peau toute douce". Outre les masques, nous testons aussi les hammams et saunas, les douches froides, la cascade massage, etc. Enfin, petit à petit, nous nous séparons et nous isolons, profitant chacun de ce moment doux et tranquille. Arrivés à 16h, nous ne reprenons le bus qu'à 19h, et encore, nous aurions pu rester plus longtemps.

De retour à Reykjavik, nous nous apprêtons à passer notre dernière soirée en ville. Nous nous sommes donnés rendez-vous au "restaurant Viking" où nous avons déjà mangé dans la semaine. Le décor en bois râpé avec pieux et peaux de moutons est un peu artificiel mais les plats sont copieux et délicieux. Et puis ce qui fait le charme du lieu, c'est le serveur et son style très particulier. Ce grand québecois polyglotte et pince sans rire porte son costume ridicule en peau de bête comme si c'était le plus chic des costards avec un air de valet anglais. Il parle d'une voix chic et légèrement accentuée pour dire des choses comme : "Ah mais non, ce chocolat Viking, c'est n'importe quoi, ils l'ont mis sur la carte mais ça ne veut rien dire et je n'ai même pas de quoi le préparer, vraiment, prenez autre chose..." ou bien "Les pièces de 10, elles sont laides, elles sont énormes et elles ne valent rien, le procès est vite fait !". Nous nous régalons et trainons tard dans le resto puis dans la ville avant de rentrer à l'hôtel : ce n'est pas comme si on pouvait être surpris par la nuit !

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Reykjavik, les Geysers et le reste

Vendredi 17 juin

Je ne vais pas raconter la conférence en détail, car ça n'est pas vraiment l'objet du blog et je perdrais mes lecteurs ! Mais voici un petit condensé de ma semaine. La journée commence par le trajet hôtel-université, et mon hôtel n'était pas du tout à côté de l'université. Les premiers jours, Sébastien me déposait en voiture mais comme il est parti mardi soir, ensuite il a fallu marcher ! 45 minutes, c'est le temps que cela nous prend. C'est un peu embêtant mais pas désagréable, nous marchons un peu à l'extérieur de la ville sur un chemin entouré de verdure, de lupin bleu, d'arbres et même de lapins. L'université elle même n'est pas dans le centre, et dans l'herbe qui l'entoure, il y a tout un tas d'oies avec leurs petits ! Reykjavik est beaucoup plus jolie que ce que j'imaginais. Pour aller vers le centre, on passe au bord d'un très joli lac peuplé de toutes sortes d'oiseaux. Les maisons sont colorées, mignonnes comme des maisons de poupées. Elle a un aspect de petite ville de province tranquille : évidemment, c'est sans doute un peu problématique que ce soit la capitale et la plus grande ville de pays. Le soir, nous choisissons des restaurants au hasard,  cherchant juste à ne pas se ruiner complètement. Il y a beaucoup de poisson, mais j'arrive tout de même à me nourrir  à coup de plats d'agneaux et de sauce champignon. Certains essaient la baleine, un goût entre "le boeuf et le thon rouge". Les restaurants sont chers mais agréables, le service y est assez lent : personne ne semble jamais pressé. Le soir, il nous faut à nouveau remonter vers l'hôtel et nous admirons la ville qui brille sous le soleil couchant (le soleil est couchant pendant toute la nuit, donc c'est très pratique pour admirer le crépuscule).

La journée la plus intéressante est sans doute le mercredi, car c'est ce jour là qu'est organisée l'excursion officielle de la conférence. Les 200 mathématiciens sont divisés en 4 cars de tourisme gérés par des organisatrices pleines de l'énergie nécessaire pour gérer cette bande de doux rêveurs qui se perdent, n'écoutent pas, oublient, etc.  Premier arrêt, le lac du parlement. C'est un lieu important pour l'histoire de l'Islande car c'est là que se réunissaient les grandes assemblées pour gérer les problèmes qui n'avaient pas pu l'être au niveau local. Géologiquement, c'est aussi un lieu impressionnant. Nous sommes en plein sur la faille qui sépare l'Islande en deux entre la plaque américaine et la plaque européenne. Les deux s'éloignent petit à petit, formant de grands gouffres dont ce fameux lac. Nous pouvons voir la faille de nos propres yeux et marcher entre deux grandes falaises de croûte terrestre. C'est d'ailleurs une balade très agréable surtout qu'il fait particulièrement beau. Le second stop est sans doute le plus impressionnant : nous allons voir le fameux geyser. Le lieu lui même est déjà surnaturel. Des panaches de fumée s'échappent directement de la grande plaine de roche, dans les creux des flaques d'eau bouillent naturellement. L'une d'entre elles est un peu plus grande, c'est le geyser. On a beau avoir lu des descriptions, on n'imagine qu'une sorte de grosse fontaine et on ne se rend pas compte de l'effrayante force de la nature. Alors que je me tiens prête avec mon appareil photo, fixant les grosses bulles qui se forment à la surface, l'eau jaillit si brusquement et si haut que j'en pousse un cri et recule de plusieurs pas. Puis je suis assaillie par la vapeur à l'odeur soufrée alors que l'eau semble aspirée dans un puits sans fond. Je reste pour observer encore plusieurs éruptions, même répété, le spectacle reste extraordinaire. Enfin, nous reprenons le bus et nous nous rendons à la chute d'eau de Gullfoss, terminant ainsi le cercle d'or : le "must see" des touristes en Islande.

C'est simple, j'adore les chutes d'eau ! Là encore, la force de la nature apparaît dans toute sa beauté. Je suis fascinée par ces litres d'eau bouillonnante qui tourbillonnent et se jettent dans le vide.  J'adore la vapeur magique qui s'en dégage, le choc sur les pierre, les arcs en ciel autour de la chute, la violence du mouvement. Gullfoss ne me déçoit pas et je me laisse décoiffée par le vent et l'eau, profitant pleinement de la visite. La rivière est large de plusieurs dizaines de mètres, l'eau est trouble car elle vient de la fonte du glacier. Elle se précipite en rapides terrifiants avant de dégringoler. Nous pouvons voir la chute de très près, l'admirant de tous les points de vue. Nous revenons le visage plein de gouttelettes dans le bus, comparant nos photos de la belle sauvage. Avant d'arriver au restaurant, nous avons le droit à un arrêt surprise près d'un ancien volcan. Un lac s'est formé au fond du cratère d'un bleu magique sur la roche rouge. Décidément, nous avions déjà vu la lune et nous voici sur Mars (où il y a de l'eau visiblement).

Le restaurant prévu par la conférence est en bord de mer et ils servent surtout du homard et des langoustines. Heureusement, quelque chose est prévu pour les non mangeurs de poissons et j'ai le droit à un délicieux plat d'agneau. Je me trouve à une table plutôt sérieuse où les gens boivent avec modération mais une partie de mes compagnons français un peu plus loin ne sont pas si avisés et quittent le repas assez éméchés. Le retour dans le bus est joyeux et chantant même si certains se remettent mal de l’excès langoustine / vin blanc.

Le mercredi fut donc le jour le plus mémorable. Il y eut aussi le vendredi, jour de fin de conférence, où nous essayons de partir tôt pour attraper un bus et aller à la piscine. Mais il se trouve que c'est aussi le jour de la fête nationale et nous avons à peine le temps d'entrer dans l'eau qu'il nous faut sortir car la piscine ferme ! Dans le centre, tous les habitants semblent dans les rues et il y a beaucoup d'animation. Assis à la terrasse d'un restaurant, nous écoutons les groupes de musique locaux qui ne sont pas très convaincants : le rap en islandais est tout de même une expérience particulière ! A 22h, tout semble terminé et les gens rentrent chez eux. Il faut dire qu'ils ne peuvent pas faire de feu d'artifice car ils n'ont pas de nuit ! Nous marchons sur le port, admirant le coucher du soleil. Puis nous nous séparons après avoir organisé la journée du lendemain et nos plans pour la suite du séjour...

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Les icebergs

Samedi 11 juin

Dernier jour au camping, après la nuit venteuse nous partons en excursion avec le reste du groupe. Aujourd'hui, nous allons voir un lac formé par la fonte du glacier un peu plus au nord. Une partie du groupe y est déjà allé hier matin pendant que nous paressions mais tout le monde accepte d'y retourner. Nous suivons la route numéro 1 jusqu'à ce que le lac apparaisse sur notre gauche et nous comprenons l'engouement que provoque le lieu. La langue de glace large de plusieurs centaines de mètres se termine par de hautes falaises gelées qui tombe dans l'eau bleue. Le lac lui même est large et profond, il est parsemé d'icebergs tombés du glacier ce qui lui donne cet aspect incroyable. Nous nous approchons de la rive et commençons doucement notre balade.

Il fait un temps magnifique, nous sommes protégés du vent par de gros monticules  caillouteux et profitons pleinement du soleil. L'eau claire et glacée brille sous le ciel. Certains petits glaçons flottent à proximité et le nouveau jeu du groupe consiste à les noyer à coup de pierre. Plus loin, dérivent les immenses icebergs bleutés aux formes improbables. Et quelle est cette petite boule noire qui sort de l'eau ? Mais c'est un phoque bien sûr ! Ils sont plusieurs à pointer du museau avant de plonger gracieusement et de disparaître. D'autres animaux peuplent le lac. Les canards d'abord : les femelles grises ressemblent aux colverts mais les mâles sont blancs et noirs avec une très légère teinte vert doré sur le cou. Ils se promènent en groupe et émettent de drôles de grognements quand nous les dérangeons. Et puis nous croisons des familles d'oies avec leurs petits. Le ciel est peuplé de plus petits oiseaux aux formes harmonieuses et de grandes mouettes noires nous observent depuis leurs perchoirs de cailloux. La promenade est si agréable que nous n'avançons que très lentement, s'arrêtant tous les deux pas pour admirer le glacier qui semble émerger de l'eau sous le soleil.

C'est ici que nous prenons notre pique-nique, installés devant cette vue splendide, assis contre de gros cailloux. Nous restons longtemps à profiter simplement du moment, du paysage, de la douceur de l'air sous le soleil. C'est très tranquillement que nous retournons vers les voiture. Mais avant de repartir, quelqu'un a l'idée de traverser la route pour aller voir la mer. Nous découvrons alors une immense plage de sable noir qui semble s'étendre jusqu'à l'horizon. Les vagues se brisent avec tant de grâce que l'on a qu'une envie, c'est de s'y baigner. Cependant, les énormes glaçons déposés par la mer qui jalonnent la plage telles des sculptures modernes et scintillantes nous rappellent que la température n'est pas tout à fait supportable. Je ne résiste pas tout à fait et retire mes chaussures et les jambes de mon pantalon (qui a cette étonnante capacité à se transformer en short)  pour marcher pieds nus. Le sable noir, chauffé par le soleil, est tiède et doux sous le pas. Je m'aventure dans l'eau mais ne reste pas plus de quelques secondes tant le froid est mordant. Marcher pieds nus sur une plage couverte de glaçons, voilà qui est original. Surtout que, frileuse, j'ai gardé mon bonnet et mon écharpe ce qui me donne une allure assez incohérente. Tandis que les autres jouent à la pétanque avec des cailloux, je vais m'allonger sur le sable. Je sens le soleil sur mon visage, l'odeur de la mer, le sable chaud sur mes jambes et le vent qui me rafraîchis,  je pourrai me croire à Granville. Mais je n'ai pas envie d'être ailleurs, l'endroit est trop exceptionnel.

L'après midi est déjà quelque peu avancée quand nous repartons pour aller voir l'autre lac, plus petit mais plus sauvage, qui se trouve un peu plus loin. En effet, l'effet de départ est moins impressionnant. Mais nous sommes plus près du glacier et pouvons mieux observer ces falaises de glace si fascinantes. Elles ont cela de frustrant que l'on ne peut jamais les atteindre. D'abord, elles semblent toujours plus près que ce qu'elles sont réellement. Ensuite, alors qu'on croit les atteindre, une rivière infranchissable que nous n'avions pas vue nous en sépare toujours. En effet, les lacs, larmes du glacier, s'effilochent toujours en plusieurs cours d'eau qui partent vers la mer dans la longue plaine. Parfois, une de ces falaises s'effondre avec grand fracas dans le lac, mais si nous l'entendons toujours, il est souvent trop tard pour admirer le spectacle.  Attirés par le glacier, nous marchons sans y faire attention le long du petit lac, gravissant les monticules de cailloux, redescendant sur la rive, avançant comme nous le pouvons... Quand nous prenons le chemin du retour, le parking semble d'un seul coup beaucoup plus loin et la balade impromptue se transforme en véritable marche de deux heures. Il faut dire qu'ici, les heures passent sans que l'on s'en rende compte, le soleil n'est plus un repaire et le jour ne se termine jamais.

Le soir, épuisés mais heureux, plein du soleil de cette journée, le visage un peu trop rouge, nous rentrons au camping pour notre dernière soirée. Nous partageons un repas fait de nos dernières provisions et entamons des parties de loup garou animées. Nous avons réussi à trouver un consensus pour l'heure du départ du lendemain : pas toujours facile de s'arranger quand on est si nombreux mais heureusement, chacun est assez conciliant. Partis à 10h le dimanche, nous ferons presque d'une traite le trajet du retour pour être à l'heure à l'inauguration de notre conférence. Enfin, nous aurons tout de même le temps de prendre un pique-nique aux rillettes d'agneaux sur une plage près de Vik, sur le sable noir bien sûr !

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