Week end et Corée du Nord
Le week-end commence par un vendredi tranquille, férié pour cause de fête nationale (libération de l’occupation japonaise), que nous passons à visiter le palais Changgyeongung. Mais c’est le samedi que nous attendons vraiment, car nous avons au programme la visite de la DMZ. La DMZ, c’est la zone « démilitarisée » qui entoure la frontière entre la Corée du Nord et la Corée du Sud. Il n’est possible d’approcher la frontière qu’en un seul point, la Joint Security Area située à une cinquantaine de kilomètre au nord de Séoul : c’est là que nous allons. On ne peut y aller qu’avec un tour organisé. Nous avons donc réservé notre excursion auprès d’une agence de voyage en ligne « Good Morning Tours ». Nous arrivons vers 11h au Lotte Hotel où nous attendons le départ du bus à 11h30. La guide est coréenne mais le tour est en anglais, il n’y a d’ailleurs que des étrangers. Dès le départ, on sent que ce n’est pas une visite comme les autres, la guide nous parle rapidement de la guerre de Corée et de ses conséquences actuelles.
Après la seconde guerre mondiale, la Corée a été divisée en deux parties selon le 38em parallèle : le nord sous influence soviétique, et le sud sous influence américaine. Assez rapidement, deux gouvernements distincts se forment et deux pays émergent : La République de Corée (au sud) et la République populaire démocratique de Corée (au nord). En 1950, le nord attaque le sud : en quelques jours la grande majorité de la péninsule est occupée par les soldats nordistes. Alors que les troupes sudistes étaient retranchées dans le sud-est, l’armée américaine avec le soutient de l’ONU débarque à Incheon, près de Séoul, à quelques kilomètre au sud du 38eme parallèle. L’offensive marque la débâcle de l’armée nord coréenne et en octobre 1950, la majeure partie de la péninsule est aux mains des sudistes. Mais la Chine entre alors dans le conflit, envoyant 500 000 de ses soldats et repoussant ainsi les troupes américaines. La ligne de front se stabilise au niveau de la frontière actuelle (assez proche du fameux parallèle). Il faudra attendre trois ans pour qu’un cessez le feu soit enfin signé mettant fin aux combats meurtriers. C’est à cette date que se crée la zone démilitarisée, chaque camp se retranchant de deux kilomètres à partir de la frontière.
Cette bande de 4 kilomètres de larges et 248 kilomètres de long est surveillée des deux côtés par leurs armées respectives. Elle est aussi recouverte d’un million de mines, ce qui en fait une des frontières les plus difficile à traverser.
Notre bus part de Séoul et monte vers le nord. Depuis l’autoroute, nous longeons la rivière Imjin et pouvons apercevoir la Corée du nord sur son autre rive. A marée basse, la rivière peut se traverser à pied et servit terrain à de nombreux défecteurs nord-coréens mais aussi à des commandos d’attaques. D’ailleurs, la rive sud est bardée de barbelés. Nos observons, étonnés, des pylônes électriques traversant la frontière et semblant apporter l’électricité du sud vers le nord. Ils sont en fait là pour alimenter un centre touristique pour sud coréens installés au nord et employant des nord coréens : un signe d’espoir d’entente entre les deux pays.
Après le déjeuner pris dans un restaurant au milieu de nulle part, nous rejoignons le parc Imjingak, point le plus proche de la frontière accessible sans autorisation spéciale. Nous pouvons alors marcher sur une petite partie du « Freedom Bridge », pont reliant les deux Corées et qui servit à échanger des prisonniers après la guerre. Evidemment, le pont est rapidement coupé. Sur les murs, d’émouvantes photos de coréens originaire du nord et qui n’ont jamais pu revoir leur terre natale. Certains viennent chaque année dans le parc pour rendre hommage à leurs ancêtres selon les cérémonies traditionnelles.
Nous reprenons ensuite le bus et continuons vers le nord. Bientôt, un soldat sud-coréen vient vérifier nos passeports dont il a reçu à l’avance les numéros. Nous arrivons au camp Bonifas, nommé en l’honneur d’un soldat américain mort lors d’un incident à JSA. Après une présentation sur la visite que nous allons effectuer, nous changeons de bus. Le nouveau bus est conduit par un militaire sud coréen. Nous entrons enfin la « Joint Security Area ». Les règles sont très strictes, nous ne pouvons rien porter dans nos mains à part un appareil photo. Nous devons laisser tous nos sacs dans le bus. Les photos ne sont d’ailleurs permises que dans certaines zones. Il nous est interdit de faire un signe quelconque en direction de la Corée du Nord et de toucher quoi que ce soit. A savoir que ces règles ne sont pas celles suivies par les touristes visitant JSA depuis la Corée du nord (oui, oui, c’est possible !) qui eux ont le droit de faire des signes et de toucher ce qu’ils veulent. Mais aujourd’hui, nous n’en croiserons pas.
Le premier monument que nous visitons est aussi l’un des plus impressionnant. C’est la salle de conférence placée pile entre les deux corées. C’est une des seules zones neutres de la JSA et nous pouvons traverser la frontière et mettre le pied en Corée du Nord ! La salle est gardée par les militaires sud coréens qui sont là pour assurer notre protection : très sérieux et effrayants, en position de Tae Kwaen Do.
Nous rejoignons ensuite une petite pagode depuis laquelle nous avons une meilleure vue de l’ensemble de la zone. Nous pouvons voir en particulier les soldats nord coréens sortir de leur bâtiment et nous observer avec des jumelles… Après cela, nous reprenons le bus et descendons un peu plus loin, au niveau d’un point d’observation stratégique côté sud. Pendant un temps, un arbre coupait la vue entre ce point et le pont de « non retour » un peu plus bas. C’est à cause de cet arbre qu’à eu lieu un des plus important incident de la JSA : alors que les soldats américains voulaient en couper les branche, les soldats nord coréens ont voulu les en empêcher. Deux soldats américains perdirent la vie, dont Bonifas qui donna son nom au camp. Après l’incident, les militaires des deux camps n’eurent plus l’autorisation de circuler à travers JSA librement et la salle de conférence devint la seule zone neutre.
Depuis notre observatoire, nous voyons la frontière à quelques mètres marquée par de petites bornes blanches. Nous voyons aussi le bâtiment dans lequel fut signé le cessez-le-feu, qui se trouve maintenant au nord. Il est difficile d’imaginer que la paisible forêt qui s’étend devant nous sur fond de montages idylliques est en fait un champ de mine et la plus infranchissable des frontières…
De l’autre côté, nous apercevons un village nord coréen duquel s’élève un gigantesque drapeau (le plus haut du monde). Ce village, à l’intérieur même de la DMZ, fut pendant longtemps une simple façade. Il est à présent habité par des travailleurs nord coréens. Côté sud aussi, il y a un village à l’intérieur de la DMZ (drôle d’endroit). Sur la route, nous avons pu voir les panneaux l’indiquant. Ses habitants sont des cultivateurs qui ont leurs rizières à l’intérieur de la zone et qui n’ont pas voulu quitter leur terre. Ils sont plutôt riches car ils ne payent pas de taxe mais leur vie n’est pas très drôle. Ils vivent tout de même à l’intérieur d’une zone militaire et leurs mouvements sont très contrôlés. Ils subissent un couvre feu et doivent être rentrés chez eux avant minuit chaque soir, le village est sous surveillance constante de l’armée pour éviter les attaques et enlèvements menés par les nord coréens…
Nous remontons dans notre bus et rejoignons le fameux pont de « non retour ». Simple petit pont de bois qui marque la frontière à cet endroit et qui, depuis l’incident Bonifas, n’est plus traversé. Il est trop dangereux de descendre du bus et nous devons nous contenter de l’observer depuis les fenêtres. Enfin, le dernier arrêt est le magasin de souvenirs, où l’on peut se détendre et les soldats sud coréens nous accompagnant aussi… C’est là que nous reprenons notre bus initial pour rentrer à Séoul. Fin de cette visite si impressionnante !
Notre dimanche est beaucoup plus classique : balade dans les rues de Samjongil avec la collègue de Sébastien Sunghee et sa sœur Sanghee. Puis marche le long des berges du fleuve Han sur l’île de Yeoido où Sanghee travaille. C’est là qu’a été tourné le film « The Host » que nous avons vu et nous reconnaissons les lieux avec amusement. Le dimanche soir, nous mangeons avec Lois et Sunghee : Lois nous a préparé un délicieux repas !
Jeudi spirituel
Jeudi, je suis allée visiter le temple Bogheunsa, seul temple bouddhiste de Séoul (les autres ayant été chassés lors de la montée du Confucianisme). J’ai suivi le programme proposé « temple life » de deux heures, sorte de « Bouddhisme pour les nuls ». D’abord, on visite le temple avec un guide qui nous explique au passage les grands principes du bouddhisme et de la vie de Buddha.
Puis, on rejoint le centre de méditation où l’on apprend à faire des fleurs de lotus en papier : la fleur de lotus est le symbole du bouddhisme, car elle naît magnifique de l’eau impure de l’étang tout comme le nirvana peut venir du monde des hommes. On s’assoie ensuite sur des petits coussins et l’on assiste à la cérémonie du thé (à ce moment là, on boit du thé avec des petits gâteaux, c’est très bien !). Puis arrive le moine qui nous fait un discours sur la méditation et la recherche de la vérité absolue bouddhiste. Il y a trois pêchés dans le bouddhisme : l’envie, la colère et l’ignorance, la méditation doit aider à s’en défaire (surtout les deux premiers, pour le troisième il y a d’autres méthodes !). Commence ensuite la vraie séance de méditation qui, heureusement, ne dure pas longtemps. J’atteins mon plus gros problème avec le bouddhisme, la position de méditation me fait très rapidement souffrir et je n’arrive plus à me concentrer sur mon vraie moi mais uniquement sur les crampes dans mes jambes. C’est vrai que je ne suis pas très souple mais quand même. Peut-être que quand mon esprit sera libéré de la colère et l’envie ce sera plus facile, mais comme pour cela il fait passer par la méditation, ça tourne en boucle ! Ma visite terminée, je rejoins Sébastien et nous sortons avec deux de ses collègues : Michelle et Songran. Elles choisissent pour nous un restaurant japonais et il est beaucoup plus simple de commander les plats lorsqu’on est avec des coréens. On termine ensuite la soirée dans le classique Noraebang (karaoké coréen) : nous avons une petite pièce juste pour nous et on peut donc chanter sans complexes ! Malheureusement, il n’y a pas de chansons en français mais on massacre tout de même Nirvana et Guns and Roses pour se consoler…
Deuxième semaine
Namsan
Le lundi, je me retrouve à nouveau seule et décide d’aller voir Namsan, la grande colline qui domine Séoul. Je descend à la station Myong dong et monte encore un peu (un peu qui semble beaucoup vue la chaleur) pour rejoindre le téléphérique, car c’est le meilleur moyen de monter au sommet de la colline ! Dans la petite cabine, beaucoup de familles dont les enfants s’émerveillent de la vue qui se dégage petit à petit. Le voyage est très court et nous voilà au pied de la grande « tour de Séoul ». Malheureusement, aujourd’hui le temps est lourd et brumeux et il est difficile de prendre des photos où l’on voit quelque chose.
Je me balade dans le joli parc à la recherche d’un endroit d’où je pourrai peindre une vue globale de la ville. Elle s’étend à l’infini de tous les côtés de la colline et parait disparaître dans le brouillard et les montagnes. Finalement, je m’installe debout contre une rambarde dont l’angle et la largeur conviennent exactement. Il est difficile de peindre cette grande mer urbaine d’immeubles et de gratte-ciels mais je cherche surtout à rendre l’impression de brouillard et de couleur qui s’en dégage. La ville happée par les montagnes, les montagnes happées par le ciel. Je suis dans un coin reculé du parc, face au vide et donc dos aux gens, si bien que je suis plutôt discrète : on pourrait croire que je ne fais que regarder le paysage (certes en prenant mon temps).
Ma peinture terminée, je décide de descendre à pied. Un long escalier entouré de verdure mène au pied de la colline. Il fait une chaleur moite et humide qui petit à petit se transforme en lourdeur presque insoutenable. Au bruit des grillons et des oiseaux et devant la densité de la végétation, on pourrait se croire dans la forêt tropicale, mais nous sommes au milieu d’une gigantesque ville et l’on devine les gratte-ciel derrière les branches des arbres.
Arrivée en bas, je n’ai aucune idée de l’endroit où je suis et dois encore marcher un certain temps pour trouver une station de métro. Lorsque la pluie se décide enfin à tomber, c’est un soulagement !Petite anecdote du soir : La nourriture coréenne est très bonne mais il est très frustrant de ne rien comprendre ! On finit par choisir a hasard quand on aimerait le faire en connaissance de cause. Lundi soir, nous sommes rentrés dans un restaurant qui s’est avéré être spécialisé dans le poisson (ceux qui me connaissent savent que ce n’est pas pour moi). Je me suis sentie très stupide quand j’ai demandé un plat sans poisson… J’ai finalement pris des nouilles japonaises qui trempaient tout de même dans un bouillon où flottaient des fruits de mers. Ca n’avait pas mauvais goût, donc j’ai réussi à manger mon plat. Cependant, le dégoût des fruits de mer et du poisson doit être tellement ancré en moi que je me suis sentie mal plus tard dans la soirée. J’ai vomi tout mon repas et ai souffert de nausée pendant le reste de la soirée.
Repas français
Mardi, Lois a invité les collègues de Sébastien à venir manger chez elle mais c’est nous qui allons faire la cuisine ! C’est Sébastien qui a eu l’idée de proposer un repas « français ». En fait, il a décidé de faire du Risotto (au moins comme ça, on a l’ingrédient principal !). Ma mission aujourd’hui est de trouver ce qu’il nous manque : en particulier le parmesan !
Lois est censée vivre prêt d’un quartier français et m’a dessiné un plan pour que je trouve le « marché français ». J’ai déjà acheté une partie de ce que je cherchais dans le super marché « orga » prêt de la station de métro (du pain en particulier), mais il me manque toujours le parmesan. Je pars donc à la recherche de ce magasin français. A l’endroit indiqué, je trouve bien une boutique « sommet France », mais ils ne vendent que des meubles ! Je tente tout de même ma chance et les deux jeunes filles à l’intérieur se décarcassent pour me trouver une solution. Elle m’imprime un plan et m’écrivent des trucs en coréen à montrer à un chauffeur de taxi. Une fois dehors, au bout du deuxième essai (je n’ai pas compris pourquoi mais le premier taxi n’a pas voulu), ça a l’air de fonctionner. Après m’avoir beaucoup parler en coréen (il faut garder espoir, un jour je comprendrai !), le chauffeur me dépose devant un grand magasin qui se trouve être juste à côté d’une station de métro que je connais (et qui est très proche de la notre).
Il y a dix étages et les 7 premiers sont réservés au vêtements (et je commence à me demander pourquoi on m’a envoyé ici), le 8eme est dédié à la décoration d’intérieur mais l’espoir renaît au 9eme lorsque j’aperçois une grande boutique de vins. Et, oh miracle, à l’intérieur ils vendent aussi des fromages ! C’est un tout petit stand mais il y a du parmesan, ainsi que du « Camobaireu » et du boursin. Je prends le boursin, même s’il coûte 10 euros… Je laisse de côté les appéricubes qui sont encore plus chers. En redescendant, je craque aussi sur une boite de macarons à un prix raisonnable.
Voilà donc le menu pour ce soir :
Apéritif / entrée : pain au boursin et dés d’emmental (plus du camembert et du bleu que les coréens nous ont apporté, achetés au même magasin que moi) Plat : Risoto aux olives de Sébastien – très apprécié Dessert : Crumble aux nectarines et macaron, digestif au calva (le calva venait de France)
En résumé, un repas très réussi ! Encore de la peinture
Mercredi, je suis retenue à la maison par la fin de mon roman policier. Il faut dire que lire à l’ombre sur le bois humide de la terrasse, une tasse de thé glacé à la main, c’est vraiment le paradis.
Je sors tout de même aux alentours de 15h et prend le métro pour aller visiter un des palais que je n’ai pas encore vu. Ce n’est qu’en arrivant que je me rends compte qu’il faut obligatoirement suivre la visite guidée. Or, j’ai pris mes affaires de peintures et je préfèrerais trouver un joli endroit pour peindre. Je me rabats donc sur un autre palais, plus petit, enfoncé dans un joli parc boisé. Il y a plein de vieux coréens assis par terre qui joue à un jeu de plateau avec des pions noirs et blancs.
Finalement, je me mets sur un banc à côté d’un petit étang et je dessine les vieux assis sur leurs bancs en face de moi. J’attire beaucoup de curieux, tous les vieux du coin s’approchent de moi et regardent mon dessin, commentant en coréen. L’un deux me prends même pour une muette car je ne lui réponds que par des gestes et des sourires. Ils ont l’air de trouver très amusant que je les prenne pour modèle.
En partant, je leur dis au revoir en coréen et ils me saluent en me souriant. Les gens me sourient beaucoup de façon générale et me saluent aussi. Régulièrement, des gens que je croise me lancent un grand « Hello » ou « Hi ». Vraiment, en tant que touriste occidental en Corée (qui plus est ne ressemble pas un GI), vous êtes vraiment une star !