National Parks 2
Après deux nuits, nous quittons notre "overflow campground" et reprenons la route. Nous dépassons Jasper, puis le mont Edith Cavell en descendant vers le sud. Nous sommes sur la célèbre Icefield Road qui relie Jasper à Banf. Des deux côtés de la route, la forêt impénétrable forme une couverture sombre qui monte vers les sommets. Un ours noir apparaît de derrière les fourrés et traverse à quelques mètres devant nous. Souvent, nous longeons des rivières houleuses dont les eaux ont gardé la couleur laiteuse de la glace. Enfin, après environ une heure de route dans ce paysage sauvage, nous voilà au pied des deux impressionnants glacier Athabasca et Saskatchewan. Leurs langues de glaces descendent jusque dans la vallée. Leurs sommets immaculés font rêver les aventureux.
Nous campons juste en face du glacier, il est encore tôt et nous trouvons facilement de la place. L'air est froid et sec, le soleil caché derrière les nuages. Après avoir déjeuné et monté la tente, nous avons encore tout l'après-midi devant nous et partons en randonnée. Nous entamons la montée du mont Wilcox dont le départ se situe très près du camping. Il fait face aux deux glaciers et promet donc de très jolis points de vue.
Le début de la balade ressemble assez à la précédente. Nous sommes dans une belle forêt de conifères. Au sol, poussent de hautes fleurs colorées et d'étranges champignons. Nous montons ainsi jusqu'à arriver au bord de la falaise. En contre bas : notre camping que nous ne faisons que deviner, puis la route et en face, les glaciers...
Bientôt, nous dépassons la forêt et, comme la veille, atteignons les hautes prairies balayées par les vents. La falaise est déchirée par un torrent que nous surplombons en montant doucement. L'endroit où nous sommes ressemble à un large plateau. On pourrait se croire en Islande, ou même en Irlande si on ne regarde pas le glacier. Le sol est fait de mousse, de fleurs et de roches couvertes de lichen. Petit à petit, la vue s'étire autour de nous en des étendues de montagnes à l'infini. Mes yeux se portent constamment vers le sommet du glacier Athabasca, beaucoup plus visible que depuis la vallée, sa neige éternelle, comme un lit de coton, me fait rêver.
Nous ne voyons pas de marmottes mais de gros écureuils bruns aux reflets roux, au museau court orné de petites oreilles rondes. Ce sont des écureuils des prairies. Ils ne grimpent pas dans les arbres mais se cachent dans des trous sous la mousse. Ils sortent leurs petites têtes amusantes et poussent des cris aigus. Nous avons atteint le torrent en amont, avant qu'il ne commence sa dégringolade à travers la falaise. Sur le plateau, l'eau transparente paraît presque immobile. Nous le traversons facilement en marchant sur quelques cailloux. Le chemin nous mène au sommet d'une petite crête d'où nous admirons à nouveau les glaciers et autres montagnes aux alentours. Le plateau continue encore loin, il semble que l'on pourrait marcher des jours entiers. Sur notre droite, si près mais si loin, la pointe acérée du mont Wilcox nous surplombe avec ses pentes de terre poudreuse. Mais il se fait tard, la randonnée que nous avons prévue se termine ici et nous prenons le chemin de la descente.
Avant de retourner au camping, nous allons faire un tour à l'Icefiel Center tout proche, où j'avais l'espoir de trouver des informations utiles. Lorsque nous entrons dans le bâtiment, nous sommes assaillis par une musique lénifiante accompagnée de photos louant "l'expérience unique" du glacier et du National Park. En fait, tout le but du lieu est de nous vendre des attractions diverses à prix d'or, comme le petit bus qui monte sur la glace, billet que l'on peut coupler avec le bateau sur le lac de Banf et le téléphérique. Ce genre de commercialisation du parc me rappelle Edward Abbey et son Desert Solitaire, je ne suis pas sûre qu'il aurait apprécié l'Icefield Center... Nous, on n'en tire pas grand chose à part une photo entre un faux ours et un faux caribou. En tout cas, je n'y trouve aucune information utile...
De retour à notre modeste campement, nous faisons grésiller un feu pour nous réchauffer. L'air est sec et les flammes prennent rapidement. Même lorsque la pluie froide commence à tomber, mouillant notre dîner, le feu lui résiste bravement. Cachés sous nos imperméables, nous buvons nos nouilles chinoises en nous réchauffant à notre foyer. Tandis que la nuit tombe et que le froid des glaciers imprègne la forêt, nous ajoutons bûches après bûches et les regardons se consumer. Les braises sont encore rouges quand nous retournons à contre coeur sous la tente nous emmitoufler de sacs de couchage, de pulls et de couverture pour la nuit fraîche qui nous attend.
Le lendemain, avant de partir, nous marchons dans les cailloux jusqu'au pied du glacier Athabasca. La balade dure moins d'une heure et est accessible à tous. Autour de nous, des familles tentent d'empêcher leurs enfants de passer sous les barrières et d'aller se casser le cou dans les rochers, se noyer dans un trou d'eau ou encore se coincer dans une crevasse. La glace est toute proche et des expéditions encordées commencent l'ascension du beau lit laiteux. À son pied, l'eau fondue forme un lac blanc et on devine des grottes glacées aux reflets bleutés.
C'est notre au revoir aux glaciers et nous continuons la route vers le sud. Ainsi, nous changeons de National Park, passant de Jasper à Banf. J'avais espéré une borne quelconque permettant de récupérer au moins le plan du parc, mais rien du tout. Un peu plus loin, un autre centre touristique inutile. Le problème est que nous ne savons pas où se situent les campings, en particulier les "non réservables" qui fonctionnent selon le principe "premier venu, premier servi", ce sont les seuls où nous avons une chance de trouver une place... Par ailleurs, on ne sait pas non plus où sont les randonnées les plus sympa et accessibles pour nous. Alors, pour l'instant, nous continuons la route.
Le paysage est toujours aussi impressionnant de beauté. Les rivières blanches se transforment parfois en lac d'un bleu presque surnaturel. Le ciel est bleu lui aussi, le temps est clair et chaud à tel point que l'on aurait envie de plonger dans l'eau pourtant glacée... Nous arrivons à Lake Louise, une des principales villes du parc avec Banf un peu plus loin. Il y a enfin un centre d'information. L'employé du parc m'annonce d'un air blasé que les deux campings de Lake Louise sont pleins (en effet, je verrai plus tard qu'ils sont dans la liste des réservables). Il ne répond qu'à moitié à mes questions, me regardant de haut car je n'ai pas préparé mon voyage 3 mois à l'avance, ou au moins compensé cette négligence en arrivant à 7h du matin. Par ailleurs, le guide officiel du parc ne contient que peu d'informations. Tant pis, laissons tomber le Banf National Park et descendons directement vers le plus petit (et peut-être moins prétentieux) Kootenay National Park.
La route pour tourner vers le Kootenay est juste un peu au sud de Lake Louise et nous passons bientôt la frontière entre les deux parcs retournant par la même occasion en Colombie Britannique et quittant l'Alberta. À quelques kilomètres à peine, se trouve le premier camping marqué clairement sur la carte mais très mal indiqué depuis la route. Je ne sais pas si c'est à cause des mauvaises indications mais il est tellement vide qu'on a peur qu'il soit fermé. Ce n'est pas le cas et on a donc un joli emplacement dans la forêt. C'est le début de l'après-midi, après avoir mangé et monté la tente, nous avons encore le temps de partir en balade.
Nous campons juste en face du Marble Canyon, nous pouvons y aller à pied. On arrive par le bas, face à l'eau puissante de la rivière et son étrange couleur laiteuse, tirant vers le bleu. La balade monte ensuite en haut de l'étroit canyon qui devient de plus en plus profond. Il fait chaud cet après-midi et cette partie de la forêt a brûlé il y a quelques années. Des petits arbres ont recommencé à pousser mais ils sont encore trop jeunes pour faire de l'ombre. La balade n'est pas difficile mais je souffre à cause de la chaleur. Quelle frustration de voir cette belle eau couler si fraîche et puissante au fond de cette route de roche alors que je cuis au soleil... Tout en haut, la rivière qui coule à notre niveau dégringole vers les profondeurs en une impressionnante cascade.
Le tour du canyon ne prend pas beaucoup de temps. Nous continuons ensuite par une jolie promenade en forêt le long de la rivière. C'est moins impressionnant que nos deux randonnées précédentes mais ça reste agréable. Nous rejoignons Paint Creek : une rivière qui coule sur une terre rouge utilisée depuis longtemps comme un pigment naturel. Il nous faut bien deux heures pour faire l'aller-retour. L'après-midi tend vers le soir et nous chantons à tue tête pour éviter de rencontrer des ours.
Il a fait si chaud aujourd'hui que la fraîcheur de la nuit nous surprend, nous rappelant que nous sommes encore en montagne. Le lendemain, nous continuons la route et traversons le parc. Il me semble plus sauvage, moins aménagé que les deux grands Jasper et Banf. Sur la carte, je vois de multiples chemins de randonnée qui partent vers l'intérieur jusqu'à des campings uniquement accessibles après plusieurs heures de marche. Mais nous n'avons pas l'équipement pour ce genre d'expédition. Un jour, peut-être... Pour nous, c'est la fin des National Parks. Notre dernière étape est un bain dans les jolies piscines des Radium Hot Springs au creux des montagnes. Après plusieurs jours sans douches (la dernière remonte aux sources chaudes de Miette, à Jasper), cela fait du bien de se laver puis de paresser dans l'eau chaude.
National Parks 1
L'après-midi est déjà bien avancée quand nous entrons dans le "Jasper National Park", accueillis par les hautes montagnes et les forêts sauvages. Bien sûr, nous n'avons rien réservé, rien prévu, nous sommes samedi et un panneau nous indique que la plupart des campings sont pleins... Notre seule chance se situe au niveau de la Snaring river que nous pouvons situer grâce au guide pris à l'entrée. Il nous faut rouler encore un moment, dépasser la petite ville de Jasper, et encore rouler plus loin vers le nord-est.
Le "Snaring river campground" est plein comme nous pouvons nous en assurer nous même, mais il est suivi du bien nommé "overflow campground". Le lieu se présente comme une série de longs terrains vagues caillouteux sur lesquels s'installent les camping-cars dans une certaine anarchie bien loin de l'organisation proprette habituelle. Il y a aussi des tentes, nichées tant bien que mal dans les coins boisés, repoussant parfois les limites pas très bien définies du terrain. Le camping ne peut pas être plein car il n'y a pas d'emplacements numérotés... Tant qu'on trouve une place, alors on peut s'installer. C'est ce que nous faisons. Nous roulons autour des terrains vagues à camping-cars, repérons un coin de forêt pas trop peuplé, avançons un peu à pied dans les bois et nous décidons sur un coin de mousse recouvert de pommes de pin et entouré de troncs morts. Après avoir nettoyé les pommes de pains, notre emplacement s'avère tout à fait bien. Nous sommes assez isolés des autres campeurs, en pleine nature, en pleine forêt. Des écureuils sautillent dans les bois et les hauts sommets du parc nous surplombent. En terme d'équipement, c'est assez basique : pas de douches, ni même d'eau, simplement des petites cabanes qui offrent des toilettes sèches. On ne peut pas non plus faire de feu. Nous montons la tente, installons nos chaises et grignotons notre repas dans notre petit coin de forêt.
Le lendemain, nous laissons la tente à l'overflow camping et partons en expédition. On s'arrête d'abord à Jasper. Ce fut peut-être une ville autrefois mais maintenant c'est surtout un centre touristique genre Disney Land. Il y a des hôtels, des restaurants et des boutiques de souvenirs partout. On trouve de quoi prendre un bon petit-déjeuner et on dépose notre linge dans une laverie. Nous sommes prêts pour la randonnée !
Notre choix s'est porté sur une balade au sud de la ville dont la difficulté est jugée "moderate" dans le guide. Il faut d'abord conduire 20 minutes pour se rendre au pied du Mont Edith Cavell. Il accueille les visiteurs avec sa crête acérée recouverte de neige et son glacier qui descend presque jusqu'à nous.
La première partie la balade est une petite montée familiale vers le pied du glacier. On peut admirer le mur de glace dont s'échappe une cascade qui descend vers un petit lac d'eau blanche. Nous sommes dans un univers minéral et en observant les pierres, on peut découvrir en plus des petits chipmunks, quelques grosses marmottes qui sortent la tête. Pour beaucoup, venus en familles admirer le glacier, la promenade s'arrête ici. Mais pas pour nous, qui prenons avec les nombreux autres randonneurs le chemin qui s'enfonce dans la montagne. Le but n'est certes pas de grimper sur le Mont Edith Cavel, réservé aux experts, mais d'aller l'admirer de plus haut en se promenant dans des "alpine meadows".
Le chemin grimpe à travers la forêt. Seb est parti devant. Mes muscles encore douloureux de la montée du Chief ont du mal à se mettre en route. Par ailleurs, j'admire la forêt et cherche sur le chemin un bâton de randonnée (que je finis par trouver). En bref, je suis lente. Trop lente. Seb, qui est devant, se lamente que je mets trop de temps à monter et qu'il se fait bouffer par les moustiques (c'est vrai). Pensant qu'il allait faire beau, il n'a pas pris sa veste. Or le soleil s'est caché, il pleuviote, il y a du vent et il a froid. Il fait des allers-retours en courant sur le chemin. Moi ça m'agace un peu. J'ai fait des randonnées avec des marcheurs plus expérimentés qui ne me reprochaient pas mon rythme à ce point. Je finis par lui passer un petit châle que je n'utilise pas et qu'il prend comme écharpe. Cela scelle un compromis boudeur.
Entre temps, les arbres se sont faits plus rares, remplacés par la mousse et les bosquets de fleurs sauvages, eux-mêmes, petit à petit, envahis par les cailloux. Ça et là, la longue traînée blanche d'un névé. Un vent froid souffle, le glacier apparaît dans les nuages, parfois illuminé d'un rayon de soleil. Dans ce monde plus minéral, nous retrouvons nos amies les marmottes, grosses peluches amusantes qui sortent leurs têtes de derrière les cailloux. La présence des humains ne semble pas beaucoup les troubler, certaines sont à moins d'un mètre, grignottant la mousse, et semblent à peine nous remarquer.
Nous arrivons à une bifurcation, on peut soit continuer la boucle et redescendre, soit monter d'abord sur une petite crête. "Montons sur la crête", dis-je d'un air décidé. Et puis comme ce n'est pas du tout abrité et que j'ai tout de même pitié de Seb dans le froid, on se met d'accord pour qu'il n'ait pas à m'attendre.
Je commence lentement mon ascension. Il y a surtout des cailloux à présent, plus du tout de fleurs et assez peu de mousse. Cependant, les marmottes sont toujours là, humant l'air de leurs longs museaux curieux. Au bout d'un long moment, je finis par croiser Seb qui redescend. Il me dit qu'il essaiera de m'attendre au niveau de la forêt mais redescendra peut-être jusqu'à la voiture si je mets trop de temps.
Je pensais être presque arrivée, mais au sommet de la crête, le chemin continue ! Personne ne semble s'arrêter là. Alors bon, je marche encore. Plus j'avance, plus je vois de chemin qui continue et continue encore. Il semble se terminer au sommet d'un petit mont qui me semble très loin et très haut. Je ne suis pas trop sûre de jusqu'où Seb est allé. Il avait l'air de dire que la fin était proche (mais a-t-il vraiment dit ça ?) mais par ailleurs, il a mis beaucoup de temps à redescendre. Et puis surtout, pourquoi se serait-il arrêté ? Et pourquoi ne me l'aurait-il pas dit !
Après une jolie éclaircie, le temps se gâte de nouveau et il commence même à pleuvoir. Je ne fais que penser "j'en ai marre, je fais demi-tour, et d'ailleurs, ce sommet est beaucoup trop loin". Cependant, je continue de marcher. Je ne sais pas trop pourquoi, la volonté d'aller au bout, la vexation due aux remarques de Seb. Et ce qui semblait impossible se rapproche de façon certaine. De toutes façons, il pleut, Seb doit sans doute m'attendre à la voiture.
Je suis maintenant au milieu de cailloux noirs recouverts de névés, dans un monde entièrement minéral, sous la brume humide. Je vois autour de moi, dans les nuages, apparaître petit à petit dans ma montée, des sommets qui jusque là m'étaient cachés. Je suis au pied d'un tas rocheux qui forme le fameux sommet qui était si loin il y a peu. Je croise un couple qui redescend : "ce n'est pas si difficile", me disent-ils. N'empêche que cette dernière montée me donne bien de la peine. J'arrive en haut, respiration sifflante et yeux humides, j'y suis. Après réflexion, je me dis que Seb n'est pas monté jusque là, ne serait-ce que parce la descente lui aurait paru trop raide. En effet, je suis obligée d'aller doucement car le sol est couvert de petits cailloux glissants. Une fois ce premier passage terminé, il n'y a plus de problèmes.
Je ne suis pas seule là haut, deux jeunes hommes sont comme moi en train de redescendre. Nous cherchons le chemin ensemble. A l'aller, tout était très clair. A présent, sous la pluie, tout ressemble à des cailloux mouillés. Cependant, la direction générale est simple à voir et je repère facilement la petite crête d'où je viens. D'ailleurs, nous retrouvons le chemin officiel rapidement.
Mon corps est fatigué par la montée et la descente, bien que facile, me paraît longue. Cependant, elle est egayée par le magnifique paysage, le soleil qui revient après la pluie et éclaire le glacier, le vent qui sèche mon pantalon mouillé. Dans la forêt, humide et fleurie, je descends en discutant avec un couple britannique. Je suis contente d'enfin arriver en bas et de retrouver Seb. Il est inquiet de m'avoir attendue si longtemps. Prise dans ma montée, je n'avais pas forcément vu le temps passer. Surtout, il n'avait pas remarqué que le chemin continuait ! Ce qui, à moi, m'a pourtant semblé évident... Il s'en est rendu compte plus tard en ne me voyant pas redescendre et en se renseignant auprès des gens : "yes, we saw her, she was on the way to the very top". C'est un malentendu et nul n'est fautif. Il voudrait m'en vouloir mais n'a pas de raison précise... Épuisés, nous prenons le chemin du retour.
Nous repassons par Jasper où nous devons récupérer le linge et faire quelques courses. Il est 18h30 soit déjà l'heure du repas pour les habitudes locales. Mais je n'ai pas du tout envie de dîner bien que j'ai faim : on avait prévu de pique-niquer pendant la randonnée mais on ne l'a pas fait à cause du temps, je n'ai fait que grignoter quelques barres de céréales. Ce dont j'ai envie, c'est d'un chocolat chaud avec, peut-être, une part de gâteau. Pas de Starbucks dans le coin ni même rien de ressemblant. Le seul café qu'on trouve nous met dehors car ils ne veulent que des gens qui restent pour dîner. On termine chez un glacier à manger d'énormes gaufres recouvertes de glace et de crème chantilly et à boire des chocolats chauds bien trop sucrés.
Pour terminer la journée, nous nous rendons à l'extrémité est du parc, aux Miette Hot Springs. Elles n'ont pas le charme des sources chaudes sauvages de Tofino mais sont tout de même bien agréable. Ici, l'eau a été domptée en une piscine tout confort avec vue sur les montagnes. On en profite pour prendre des douches bienvenues puis on se laisse fondre dans l'eau chaude, soignant ainsi nos muscles endoloris. Le soir est en train de tomber quand nous reprenons la route du camping, le ciel se reflète dans les longs étangs et les montagnes se dessinent en ombres chinoises. On retrouve dans la nuit l'emplacement de notre tente et on se blotti au chaud au coeur de la forêt.
Vers les Rockies
Le but en quittant Squamish est de rejoindre les montagnes rocheuse dont on nous a loué la beauté. Pour cela, il faut dépasser la chaîne de montagnes qui surplombe Vancouver dans laquelle nous sommes, puis traverser une plaine. Nous comptons 2 jours de trajet.
Nous nous sommes levés un peu tard, avons pris notre temps et fait des courses. Il est presque 13h quand nous quittons réellement Squamish. Nous nous arrêtons pour déjeuner peu de temps après à Whisler. C'est la ville qui a accueilli les jeux olympiques d'hiver : un vrai petit "touristic resort" de montagne avec ses petits chalets mignons et ses multiples activités. On peut lui reprocher d'être un peu trop artificielle, envahie par les résidences secondaires au point de perdre sa spécificité. On voudrait pique-niquer au bord du bien nommé "Green Lake" mais sa rive est soit inaccessible, soit privatisée par les chalets et on ne trouve qu'un minuscule accès avec 3 cailloux pour s'asseoir... C'est là que nous nous installons, pauvres campeurs, pour déjeuner.
Après Whisler, la route continue encore de longs kilomètres à travers les montagnes. Ce qui est impressionnant avec l'Amérique du nord, c'est ces incroyables étendues de nature sauvage. Nous roulons au fond d'une vallée, le long d'une rivière, et pas un seul village, pas une installation humaine, seulement la forêt, la forêt et encore la forêt... Et pourtant, nous sommes encore assez près de Vancouver, rien à voir avec les états du nord encore plus déserts.
Lorsque nous dépassons la petite ville de Lillooet, le paysage change. D'un seul coup, on se croirait au sud de l'Europe ou même au Magreb. Le relief est moins marqué et les pentes sont couvertes d'une végétation sèche et jaune. Bientôt nous roulons au fond d'une large vallée dont les bords sont dessinés par des parois rocheuses aux tons ocres. Au centre, ne coule plus un torrent de montagne mais une large rivière brune. C'est le long de cette rivière, alors que nous approchons de Kamloop, que nous nous arrêtons pour la nuit.
Le camping est assez simple, il y a surtout des camping-cars. Heureusement, un petit espace vert est réservé pour les tentes. Le vent souffle, faisant frémir les bruissons de sauges bleutés qui parsèment la vallée. Le long de la falaise, sur la voie de chemin de fer, passent en grinçant de longs trains de marchandises aux wagons couleur rouille. On se croirait dans un western.
Par ailleurs, tout ici, les noms, les lieux, est emprunt de culture amérindienne. Dans le camping, des panneaux d'information racontent des légendes locales faisant intervenir des animaux et des saisons. J'ai l'impression, qu'après des années de véritable maltraitance, le Canada prend conscience de ses erreurs et de sa responsabilité. Bien sûr, tout n'est pas rose, en témoignent les SDF de Vancouver qui sont nombreux à venir de ces communautés. Mais, au moins en apparence, le pays affiche son respect pour ce qu'on appelle ici les "First Nations". Notre tente est plantée juste à côté d'une tombe indienne. D'après tous les films que j'ai vus, c'est une très mauvaise idée ! Mais cela fait plusieurs jours à présent et il ne semble pas que nous soyons poursuivis par un esprit quelconque.
Au niveau du camping, une petite déviation de la rivière forme une piscine naturelle entourée de hautes herbes. On y accède par une petite plage. L'après-midi est déjà bien avancée et bien que nous croisions de nombreux enfants en maillots de bain jouant dans le camping, nous sommes les seuls à nous baigner. Je nage avec délice dans l'eau fraîche et claire. Plus loin, des pêcheurs en grandes bottes lancent leurs lignes dans le courant de la rivière. Plus tard, nous remontons à la tente. Seb fait un feu de petit bois pour faire griller du pain et nous dînons en regardant le soleil se coucher.
Le lendemain, nous reprenons la route. La vallée désertique nous apparaît dans toute sa beauté, nuances de jaunes et d'ocres parfois contrastées par le vert brillant d'un champ irrigué. Nous dépassons le long lac de Kamloop puis tournons vers le nord, remontant la rivière Thomson vers Cache Creek. Petit à petit, le désert se transforme en forêt d'abord de feuillus puis, de plus en plus, de conifères. Après Cache Creek, où nous déjeunons au bord d'un lac, nous sommes à nouveau dans les montagnes. Nous roulons le long d'une rivière argentée, bercés par la voix de Sarah Vaughan, quand d'un seul coup, le Mont Robson nous apparaît dans toute sa majestueuse blancheur perdue dans les nuages. Bientôt, nous passons la frontière de l'Alberta et pénétrons dans le Jasper National Park.