Me revoilà sur le challenge 1000 ans de littérature française proposé par Bookine. Ce trimestre, nous avions le choix entre Montaigne ou La Pléiade. J'avoue que je n'ai pas eu le courage de me lancer dans Montaigne, alors j'ai cherché dans ma bibliothèque et ai trouvé un petit classique Larousse, pages jaunies et couverture en papier, "Oeuvres Choisies" de Du Bellay.
Je ne lis pas souvent de poésie, la poésie, ça ne se lit pas comme un roman. Ça n'accroche pas de la même façon, ça se lit par petit bout. Alors, j'ai lu quelques poèmes de temps en temps, en attendant mon train, entre deux stations. La poésie de Du Bellay est plus difficile d'accès que celle, plus proche, du XIXème siècle. Parfois le vocabulaire est un peu ardu, on ne comprend pas toutes les références. Heureusement, j'avais quelques notes de bas de page. Il m'a fallu parfois relire plusieurs fois un même poème pour vraiment l'apprécier. Mais malgré la difficulté, j'ai aimé lire cette poésie. J'y ai retrouvé ce dont parlait Bookine dans son article récapitulatif : à la fois le respect des grands poètes de l'antiquité et l'amour de la langue française, la volonté de créer quelque chose de nouveaux. Et puis, il y a aussi une certaine fraicheur, une certaine naïveté. Du Bellay semble assez modeste, il ne se pense pas comparable à ses grands prédécesseurs, il ne cherche pas à les égaler, il "écrit à l'aventure" :
Je ne veux point fouiller au sein de la nature, Je ne veux point chercher l'esprit de l'univers, Je ne veux point sonder les abîmes couverts, Ni dessiner du ciel la belle architecture.
Je ne peins mes tableaux de si riche peinture, Et si hauts arguments ne recherche à mes vers : Mais suivant de ce lieu les accidents divers, Soit de bien, soit de mal, j'écris à l'aventure.
Je me plains à mes vers, si j'ai quelque regret : Je me ris avec eux, je leur dis mon secret, Comme étant de mon coeur les plus sûrs secrétaires.
Aussi ne veux-je tant les peigner et friser, Et de plus braves noms ne les veux déguiser Que de papiers journaux ou bien de commentaires.
On retrouve aussi chez lui la mélancolie propre à la poésie. Particulièrement dans les poèmes dédiés à la ville de Rome. Ils n'ont pas été mes préférés mais certains vers ressortent plus que d'autres. J'ai particulièrement aimé ce quatrain décrivant la grandeur attaquée dans sa faiblesse par des profiteurs faussement courageux :
Comme on voit les couards animaux outrager Le courageux lion gisant dessus l’arène, Ensanglanter leurs dents, et d’une audace vaine Provoquer l’ennemi qui ne se peut venger
Enfin, je vais terminer par un poème qui m'a beaucoup plu, assez sombre et mélancolique. Il est sans doute dédié au ciel, comme à une idée d'un monde, ailleurs, fait de beauté. Mais j'y trouve une certaine douceur, et un amour de la vie que je ressens dans le dernier vers.
Si nostre vie est moins qu'une journée En l'eternel, si l'an qui faict le tour Chasse nos jours sans espoir de retour, Si périssable est toute chose née,
Que songes-tu, mon ame emprisonnée ? Pourquoy te plaist l'obscur de nostre jour, Si pour voler en un plus cler sejour, Tu as au dos l'aele bien empanée ?
La, est le bien que tout esprit desire, La, le repos où tout le monde aspire, La, est l'amour, la, le plaisir encore.
La, ô mon ame au plus hault ciel guidée ! Tu y pouras recongnoistre l'Idée De la beauté, qu'en ce monde j'adore.
Enfin, je remercie Bookine d'organiser ce Challenge trimestriel ! Si voulez lire les autres notes de cette section, rendez-vous sur son blog.
Note : L'édition Larousse que j'ai choisi un peu par hasard s'est avérée être un très bon choix. Il y avait des poèmes extraits de plusieurs de ses oeuvres, ce qui m'a permis de parcourir l'ensemble de sa vie de poète sans pour autant TOUT lire. Le premier poème que j'ai indiqué est extrait Des Regrets, le deuxième des Antiquités de Rome et le dernier est une oeuvre antérieure extraite du Recueil de Poésie.