Après avoir quitté l'hôtel, nous roulons vers le nord à travers la forêt sur l'autoroute 101. Puis nous retrouvons la côte au niveau de Eureka où nous nous arrêtons pour manger. C'est une jolie petite ville de bord de mer avec des maisons colorées et des cafés arty. Elle est située à l'entrée d'une immense baie avec uniquement un petit passage vers l'océan. Après déjeuner, nous nous promenons un peu sur le rivage puis à l'intérieur de la ville avec ses "anciennes" maisons datant du début du 20ème siècle. On pourrait presque se croire dans une ville balnéaire de Normandie. Mais ces paisibles façades cachent le passé violent et raciste de la ville comme le massacre de centaines de natifs américains par les habitants (malgré un accord de paix avec le gouvernement fédéral) ou l'expulsion de toute la population immigrée chinoise car ils étaient "trop nombreux". La loi anti chinois resta en place jusque dans les années 50.
Après avoir fait quelques courses, nous quittons Eureka et continuons notre périple vers le nord. Dans l'après-midi, nous atteignons notre point de chute : un minuscule camping situé à l'embouchure de la rivière Klamath. Le camping est tenu par un vieux couple dans une caravane. Il est très simple : il y a un unique bloc sanitaire et de jolis emplacements d'herbe le long d'une petite rivière qui rejoint au bout du camping la grande rivière Klamath. Quand nous arrivons, nous sommes la seule tente et n'avons que très peu de voisins.
La dame ne prend pas la carte, nous avions tout juste de quoi lui payer 3 nuits en liquide. Dès que nous sommes installés, nous repartons à la recherche de la station service qu'elle a mentionnée pour acheter du bois, tirer de l'argent et récupérer au passage du poulet et du riz à emporter pour notre repas du soir.
Calme et sérénité pourraient être les mots d'ordre de ce joli petit lieu, tandis qu'auprès du feu, nous cherchons du regard les loutres et castors dans la rivière (nous ne voyons qu'un bel héron). Mais ce serait oublié qu'avec 2 jeunes enfants, nous apportons partout avec nous les éléments perturbateurs. Nous pouvons aller dans le plus isolé des campings, le bruit, l'agitation et le chaos nous accompagnent.
Depuis quelques nuits déjà, l'enfant sait sortir seul de sa tente et nous rejoindre dans la nôtre à une heure plus ou moins matinale. Il est assez tôt ce premier matin lorsqu'il réussit à me réveiller assez pour que nous sortions de la tente. L'air est frais et humide. Je remarque tout de suite que l'eau de la rivière est beaucoup plus basse que la veille : évidemment, c'est la marrée. La rivière, qui coule derrière un foisonnement de broussailles, n'est plus profonde que de quelques centimètres et dévoile des tas de branchages et îlots qui étaient immergés hier soir. Et Oh ! Là ! Un animal nage dans les bouts de bois. Je ne le vois que furtivement, l'enfant aussi. Sur le coup, je pense que c'est un castor mais je suis maintenant convaincue que c'était une loutre.
Ainsi commence notre première journée. Seb et le filleul nous rejoignent bientôt pour le petit déjeuner mais plus de loutres ni de castors en vue. Nous n'avons aucune idée de notre programme de la journée. Nous nous rendons alors au Visitor Center situé à Klamath en face de la station service. Nous sommes ici en territoire Yurok. Le petit office du tourisme dispense quelques informations. La colonisation européenne y est décrite comme l'événement ayant le plus mis en danger la tribu. En plus des années de guerre, les Yurok ont subi, comme les autres tribus natives, une tentative d'effacement culturel. Pendant des années, les enfants furent et enlevés aux familles et placés en internat. Mal traités, beaucoup mourraient. Il leur était interdit de parler leur langue. La langue Yurok a ainsi failli disparaître au début du XXême siècle. Mais elle bénéfice actuellement d'une campagne de restauration active. Tout ça est expliqué dans une petite vidéo où l'on voit les cours de Yurok. Les enfants sont très intéressés et essaient de retenir quelques mots.
L'activité qui nous intéresse le plus est un tour en bateau sur la rivière mais ce n'est disponible que mercredi (dans 2 jours). Je réserve tout de même nos places avec l'idée de rester une nuit supplémentaire au camping. Pour aujourd'hui, nous décidons d'aller voir la "Elk Prairie". Un peu au sud de Klamath, il est possible de prendre une route longeant l'autoroute à l'intérieur de la forêt et permettant, soi disant, d'observer des wapitis (=elks). Il y a aussi plusieurs balades possibles.
Pendant un long moment, la route traverse simplement la forêt et on ne voit rien du tout. Puis on débouche sur une grande prairie : c'est là qu'on devrait voir les wapitis mais pour l'instant, rien. On fait plusieurs allers retours avant de comprendre que les aires de pique-nique se trouvent toutes à l'entrée de la prairie d'où on peut aussi partir faire plusieurs balades. C'est la que nous pique-niquons. Nous voyons au loin quelques animaux mais difficile à cette distance de savoir si ce sont des biches ou des wapitis. Puis nous suivons un joli sentier à travers la forêt. C'est l'occasion d'admirer de nouveau les redwoods qui, présent sur toute la côte sont nos compagnons de voyage depuis le départ. La promenade est très agréable. Les enfants s'amusent des arbres qui créent parfois des tunnels avec leurs racines ou des formes étranges. Les séquoias ont cette particularité de faire pousser plusieurs arbres sur un même système de racines. Cela donne d'étranges réseaux et constructions naturelles. Les arbres tombés à terre sont aussi impressionnants avec des diamètres de tronc parfois aussi haut que nous.
La balade terminée, nous repassons brièvement au camping puis décidons de monter plus au nord à Crescent City pour trouver tout d'abord une laverie pour faire une lessive et ensuite un endroit où manger.
La route pour Crescent City est belle, dévoilant de longue plages sauvages, mais la ville elle-même manque cruellement de charme. Tandis que notre linge tourne dans une machine, les enfants jouent dans une aire de jeux sur le front de mer. Le paysage est joli cependant il n'y a pas de centre ville à proprement parlé, seulement des rues assez mornes. Les restaurants sont en fait tous en périphérie dans une zone commerciale faite de parkings et de supermarchés. C'est là finalement que nous nous retrouvons dans une enseigne grecque servant une nourriture agréable.
Il fait déjà nuit quand nous retournons au camping. Fin de cette première journée.