Ce trimestre, pour le challenge de Bookine, nous avions le choix entre Molière et La Fontaine / Boileau. Je vais vers ce qui me plait le plus, et un peu la facilité, Molière. Je connais déjà de nombreuses pièces, j'ai joué plusieurs fois des scènes de Tartuffe, des Femmes savantes, ou autre. Plusieurs fois aussi j'en ai vu au théâtre sans compter ce que j'ai étudié à l'école. Mais je prend l'occasion offerte par Bookine pour découvrir une pièce bien connue mais que je n'avais jamais ni lu ni vu : Le Misanthrope.
Elle semble un peu à part dans l'œuvre de Molière, elle ne suit pas les schémas habituels. C'est une "comédie sérieuse". Ici, pas de farce alambiquée, de valet extravaguant, de vieux grigou s'éprenant d'une jeune fille ni de deus ex machina. Nous suivons un jeune homme, Alceste qui aime une jeune femme, Célimène. Pour l'instant, rien d'orignal. Aucune force extérieure ne s'oppose à leur union, mais c'est leur nature même qui semble les éloigner. Alceste est un être emprunt de grands principes, très attaché à la franchise et qui exècre la cour et ses manières détournées. Écœuré par la fausseté de ceux qui l'entourent, il va même jusqu'à renié l'ensemble de la race humaine et voudrait vivre loin de toute société. Célimène, au contraire, aime la mondanité et s'y prête aisément. Elle joue facilement de son hypocrisie, flattant ceux qu'elle dénigre par ailleurs. Elle est charmante et le sait, elle en joue et veut se faire aimer, quitte à l'être l'amante de tout le monde et de personne à la fois.
Pourquoi deux êtres si différents sont ils attirés l'un par l'autre ? C'est le paradoxe de la pièce, mis en évidence par les personnages eux mêmes. Chacun se demande pourquoi Alceste donne sa préférence à Célimène, si éloignée de ses critères moraux. Lui même se maudit ne pouvoir aimer qu'elle alors qu'il déteste ses minauderies. Quant à Célimène, on pourrait penser que ses sentiments envers Alceste ne sont que caprices loin de l'amour véritable. Cependant, quant elle est confrontée à ses infidélités, elle semble tout de même se tourner vers lui, le seul envers qui elle se sente véritablement coupable. Elle semble même prête à l'épouser. Mais comme je l'ai dit, pas de fin joyeuse : Célimène ne peut accepter l'extrémisme d'Alcetse en se retirant de la société et les deux êtres sont condamnés à rester séparer.
La pièce nous laisse donc sur une touche amère, à peine relevée par quelques personnages secondaires plus légers. De façon tout à fait évidente, c'est la cour et sa fourberie qui sont ici pointées. Cependant, Alceste parait lui aussi caricatural, attaché à ses principes jusqu'à agir en dépit du bon sens. Sa décision d'aller "s'installer dans un désert" est aussi comique que pitoyable. Célimène semble plus raisonnable mais est "corrompue" par la cour qui flatte ses vices, appréciant sa belle parole et son cynisme. Malgré leur amour, Célimène et Alceste ne peuvent être ensemble et on ne sait qui blâmer. La cour qui a rendu Alceste "extrémiste" et Célimène une intrigante ? Ou bien eux même qui ne peuvent aller au delà de leur superficialité pour suivre ce qu'ils ressentent vraiment ?
Une pièce dont le message n'est donc pas si clair qu'il parait. Molière ne donne pas de solution quant à l'attitude à avoir face à la société corrompue (car nous ne sommes plus à la cour de Louis XIV mais c'est toujours d'actualité !). Celle d'Alceste, trop droit dans ses principes ne mène à rien qu'à la solitude, mais quand on commence à transiger, on fait alors partie du manège et la demi mesure semble difficile. A jouer, elle n'est sans doute pas simple. Au delà de la farce, il faut rendre l'aspect malheureux d'Alceste et l'ambigüité de Célimène dans un monde fait de faux semblants... A présent que je connais la pièce, j'apprécierai beaucoup de la voir, vivante, sur un théâtre !
En tout cas, je remercie encore Bookine d'organiser ce challenge ! Et avec ce billet, je fais d'une pierre deux coups avec le challenge Tous au théâtre proposé par Leiloona. Et puis je finis par une chanson de Boby Lapointe qui a une interprétation bien particulière de la pièce :