C'est un peu par hasard que je visite cette exposition et découvre par ailleurs ce peintre que je connaissais pas. De Nittis est un peintre du XIXème siècle, difficile à classer. Il est résolument de son époque, sa touche le rapproche des impressionnistes mais il suscita moins le scandale et l'indignation. Peut être est-ce pourquoi il suscite à présent moins l'engouement et n'est pas aussi connu que ces contemporains. Sa vie est en effet plutôt bourgeoise et bien rangée, ses peintures sont plébiscitées, en particulier par Edmond de Goncourt dont il est l'ami et qui l'introduit dans le salon de la princesse Mathilde. Un peintre mondain donc, un peintre de salon, c'est ce à quoi il est souvent réduit mais j'ai pu découvrir qu'il était bien plus.
L'exposition est organisée par thèmes et nous offre l'œuvre du peintre dans toute sa variété. Je commence par les peintures représentant la campagne et en particulier son Italie natale. On prend déjà toute la mesure de sa virtuosité, de son amour de la lumière et de son talent à nous la retranscrire. Tout de suite, j'aime ses ciels. Dans chacun de ses tableaux, ils s'imposent comme un élément incontournable. Parfois, ils sont bleus, éblouissants, en contraste avec la route blanche dont on ressent la chaleur étouffante. Souvent, et c'est ce que je préfère, ils sont pleins de nuages, striés de lumière, vivants. On sent qu'il s'intéresse à la forme, à la technique même du peintre pour rendre ces nuages, cette beauté et la partager avec nous mais il y a plus que ça. Il n'est certes pas un "peintre social" mais il peint le monde qui l'entoure, son époque, avec le regard d'un observateur aguerri. Le travail paysan est presque toujours présent dans ces paysages campagnards que ce soit à travers les champs labourés, les meules de foin ou les hommes qui travaillent au bord du fleuve. J'aime surtout cette peinture magnifique qu'est Le train qui passe ou la modernité du train à vapeur contraste avec les deux femmes dans le champs, le tout dans un paysage vaporeux et tourmenté comme il sait si bien les peindre.
En continuant l'exposition, je découvre aussi comment il a peint le Vésuve dont il a vu l'éruption. Il y a d'abord les petites peintures représentant le volcan endormi, calme et rouge sous le ciel bleu. Ces peintures témoignent de la modernité et de l'originalité du peintre : la terre et la roche nue dessinées dans le détail de leur géométrie sont à la frontière de l'abstraction. Puis On trouve ces vues impressionnantes du volcan en éruption, de ces nuages de cendres, de ces torrents de lave.
Enfin je découvre les peintures de Paris, celles qui m'ont le plus marquée. Elles sont comme des photos, des instantanés de la ville. Le regard du peintre est partout, notant chaque détail de ce qui l'entoure, captant les regards, les silhouettes, l'atmosphère de la ville. Il mélange très habilement le flou et le détail, la foule et le particulier. Ses thèmes sont modernes : la reconstruction de Paris, les échafaudages des Pyramides ou du Trocadéro. Ses compositions sont audacieuses, comme dans Les ruines du palais des Tuileries où le centre du tableau est laissé vide, à peine crayonné de quelques oiseaux. Au premier plan, un couple modeste dont les regards partent dans deux directions opposées, ouvrant le tableau vers le spectateur. Le regard de la femme sort du tableau, celui de l'homme va vers le chien qui lui-même regarde un couple de femmes élégamment vêtues. On remarque à nouveau le magnifique travail sur la lumière et l'ombre qui imprègne de subtilité l'ensemble des oeuvres.
Le peintre sait donner de la vie à chacun de ses personnages, capter une attitude ou un regard d'un simple trait. C'est particulièrement impressionnant dans ses nombreuses études, souvent réalisées au pastel, où la ville apparait brumeuse mais croquée dans toute sa justesse. En plus de Paris, il a aussi peint Londres et l'on retrouve le même talent d'observateur, la ville semble vivre devant nous. Enfin, je découvre aussi toutes ces "peintures de salon" pour lesquelles il est si connu. Encore des personnages, des regards perdus, de jolis clairs obscurs, une façon unique de nous faire ressentir les scènes représentées. Il y a aussi des tableaux plus personnels, comme des portraits de sa femme et de son fils. De Nittis est mort à seulement 38 ans, en plein cœur de sa carrière artistique. Son nom reste méconnu, bien loin de Monnet, Degas, ou de ses autres contemporains que pourtant il égale largement. Je termine par cette peinture, Effet de neige, qui résume bien son talent. La femme en noir est dessinée de façon très précise, son visage est délicat, son regard perdu et rêveur. La majeure partie du tableau est consacrée à la neige, là, on retrouve la touche impressionniste, on distingue à peine ce qui est dessiné. Si ce n'était les ombres noires des oiseaux, on pourrait n'y voir qu'une composition abstraite, presque inquiétante.
Je vous invite à visiter l'exposition qui est sans doute une occasion unique de découvrir son œuvre : au petit palais jusqu'au 16 janvier 2011.