Vendredi matin, la neige tombe à gros flocons et nous sommes à l'Espace Lac à 10h30 pour voir le film brésilien en compétition Les Bonnes Manières. Il est divisé en deux longues parties assez différentes qui pourraient, en fait, faire deux films. Dans la première, lente, belle et étrange, on voit une relation se créer entre deux femmes de milieu différents dont l'une attend un bébé. La seconde partie est plus classique et revient plus clairement dans le cinéma fantastique, apportant d'ailleurs certains éléments originaux Dans l'ensemble, le film a beaucoup de qualités, en particulier le magnifique jeu de l'actrice principale. Il est cependant trop long et a du mal à accrocher de bout en bout.
Nous déjeunons à La Géromoise puis nous revoilà à l'Espace Lac pour un film très attendu. La Nuit a dévoré le monde n'est pas en compétition mais sa sortie prochaine fait déjà beaucoup parler. Il faut dire que c'est un film français de zombies, ce qui est assez rare pour être remarqué. Et c'est une adaptation d'un roman, français lui aussi, qui a eu un beau succès. L'histoire est simple. Un homme se réveille après une soirée et découvre que le monde a été ravagé par une apocalypse zombie. Il se retrouve seul, isolé, sans contact avec qui que soit dans un immeuble parisien entouré de morts vivants. Le film est alors une longue fable sur la solitude, montrée avec pudeur et délicatesse. Une belle découverte.
Nous continuons notre après-midi avec Chasseuse de Géants, film en compétition d'un réalisateur danois. Une jeune fille supporte mal la réalité qui l'entoure et pense se battre contre des géants pour sauver sa ville. Il y a un peu de poésie, rappelant de loin le magnifique Labyrinthe de Pan mais sans l'égaler. Le film est plaisant sans être exceptionnel.
Après ça, nous quittons l'Espace Lac et avons le temps de faire une pause rapide à l'appartement. Cinq films hier et déjà trois aujourd'hui, on commence à avoir les yeux qui piquent et la tête lourde. Cependant il nous reste encore deux séances et nous nous rendons rapidement au Paradisio. Le premier film est celui qui a été présenté en ouverture mercredi soir pendant que nous roulions dans la nuit pluvieuse : Le Secret des Marrowbone film espagnol en compétition. L'histoire est bien pensée, originale et bien amenée. Le fantastique est subtil, l'angoisse présente. On est dans la lignée d'autres films espagnols de genre tel L'Orphelinat. C'est d'ailleurs ce que l'on peut lui reprocher : il n'y a rien de vraiment nouveau.
La suprise vient de la dernière séance : Revenge film français, premier de sa réalisatrice Coralie Fargeat. Comme le titre et le résumé l'indique, c'est un "Rape and revenge", scénario si classique qu'il est devenu un sous genre du cinéma d'horreur avec des films tels que La Dernière Maison sur la gauche de Wes Craven. La réalisatrice maîtrise, reprend et transforme les codes avec beaucoup d'humour et de cruauté. Le début est assez convenu : une jeune femme arrive avec son amant dans une maison isolée au milieu du désert. Les choses se gâtent quand deux amis un peu lourds viennent les rejoindre. La scène de viol est intéressante car elle est totalement dépourvue du fameux "male gaze", ce point de vue "masculin" qui rend la victime sexy et le crime excitant (comme dans Irréversible que j'ai détesté). Ici, au contraire, on est complètement du côté de la victime. On ressent son effroi, son dégoût, sa perte de moyens quand l'insistance du mec relou se transforme en violence et que le témoin laisse faire sans sourciller.
La seconde partie est (beaucoup) moins réaliste et aussi beaucoup plus gore, en bon film de genre. C'est le fantasme de vengeance de la victime qui se réalise. Car quand elle se retrouve empalée au milieu du désert, la jeune femme décide qu'elle ne se laissera pas tuée aussi facilement… Couverte de sang, en sous-vêtements, elle ressemble à une mannequin déesse de l'apocalypse. Mais la réalisatrice joue sur les codes et, dans la scène finale, son adversaire se retrouve déshabillé lui aussi, nu comme un ver. À ça, on ajoute une réalisation rythmée, de l'énergie, de l'humour. En gros, c'est mon coup de coeur du festival !