L'édition 2021 du festival restera dans les mémoires. Il y avait peut-être de la neige cette année dans la petite ville des Vosges mais nous ne la verrons pas. Voilà un an que le monde vit au rythme de la pandémie de corona virus et la salles de cinéma sont de nouveau fermées depuis cet automne après le court répit de cet été. Alors, comme beaucoup d'autres choses, le festival est passé "à distance". L'organisation du festival a fait un super boulot pour nos offrir les films sur une plate-forme en ligne et le festival se passe donc dans notre salon.
Nous commençons mercredi midi à l'ouverture de la plate-forme de visionage. Nous n'avons pas réussi à acheter un "pass festival" qui nous aurait offert l'accès à l'ensemble des films (les pass étaient en nombre limité et sont partis très vite) alors nous avons acheté les 12 séances des films en compétition et les courts métrages. Entre le boulot et le bébé, nous aurions eu du mal à en voir plus de toutes façons. Cette année, le festival ne sera pas la coupure qu'il avait toujours été, il s'inscrit dans notre quotidien. Autre changement, c'est nous qui faisons notre planing et choisissons l'ordre des films à voir.
Nous ouvrons notre festival avec The Stylist de la réalisatrice américaine Jill Gevargizian. C'est l'histoire d'une coiffeuse qui tue (et scalpe !) ses clientes dont elle admire la vie. Elle-même est seule et n'arrive pas à vaincre son mal-être autrement que par les meurtres et les vies qu'elle s'invente. L'histoire est originale, l'actrice principale douée et son personnage touchant. L'univers à la fois chaleureux et macabre me plaît bien. Cela reste cependant un peu trop prévisible pour sortir du lot à mon goût mais c'est une bonne façon de commencer le festival.
Nous décidons de regarder un deuxième film et partons sur Teddy des français Ludovic Boukherma et Zoran Boukherma. Les premières scènes m'inquiètent un peu. Le style est assez particulier dans un genre un peu naturaliste potache qui peut facilement sonner faux. Mais alors que le film avance, je me laisse gagner. Les dialogues sont très bien écrits, je me surprends plusieurs fois à rire. Le personnage principal est un jeune adolescent un peu marginal et qui, en plus, se transforme petit à petit en loup-garou. L'acteur principal joue très justement et on s'attache à ce personnage un peu en marge. Les poncifs du film de loup-garou sont revisités façon campagne française paumée. Le film se prend assez au sérieux pour nous raconter son histoire avec subtilité tout en gardant en permanence une certaine distance comique et absurde. Les personnages secondaires sont tous très bien écrits et joués. Ils ont tous un petit côté volontairement mal fichus et à côté de la plaque. Le film qui semblait commencer comme une blague de lycéens est finalement une très belle réussite qui par l'humour nous amène vers le tragique et l'émotion. Une des très belles surprises de ce festival.
Nous reprenons nos visionnages en début de soirée, une fois notre petit d'homme sagement endormi. Notre choix se porte sur le film canadien Anything for Jackson du réalisateur Justin G. Dyck. Cela commence vraiment pas mal, avec un ton légèrement décalé assez plaisant. Un couple âgé enlève une jeune femme enceinte car ils veulent utiliser leurs pouvoirs sataniques pour réincarner leur petit-fils décédé dans le bébé à naître. Voire ces deux charmantes vieilles personnes appliquée très calmement leur plan machiavélique et se soumettre naïvement aux rituels sataniques est très plaisant. L'apparition des premiers démons est aussi plutôt bien fichue. Cependant, j'ai moins apprécié la deuxième moitié du film où j'ai trouvé que le scénario s'enlisait, et les démons devenaient trop nombreux. À la fin j'étais lassée et peu convaincue, déçue après le début prometteur. Cela reste cependant d'un niveau tout à fait acceptable et agréable à voir en festival.
Enfin, on décide de regarder un quatrième film, Host du britannique Rob Savage qui a déjà la grande qualité pour une deuxième partie de soirée de ne durer qu'une heure. D'ailleurs, c'est le meilleur moment pour le voir car son but est clairement d'effrayer et cela fonctionne tout de même mieux le soir. Je pense même qu'il gagne à être visionné comme on l'a fait dans l'intimité de son salon plutôt que dans une salle de cinéma. Car le film joue sur l'actualité et est entièrement présenté comme une séance de visio conférence Zoom : found foutage en mode "Paranormal Activity confiné". Le pitch est simple : un groupe d'amies décident d'organiser une séance de spiritisme à distance (pendant le confinement) et ça tourne mal. Sans être révolutionnaire, le film tient bien la route et joue son rôle de façon très convainquante. Il y a des" jump scare" et des frissons. Je n'ai pas eu très peur mais c'est surtout que j'ai une telle habitude des films d'horreur que je suis rarement effrayée. C'est clairement un bon film de genre et il devrait se faire sa petite place chez les fans.
Le jeudi, nos autres contraintes nous obligent à regarder moins de films : seulement deux longs métrages et un court. Pour couper notre journée de travail et accompagner notre déjeuner, nous regardons l'irlandais Boys from County Hell de Chris Baugh. Cette fois, ce ne sont plus des loups-garous mais des vampires. Le film hésite un peu entre un ton franchement comique et quelque chose de plus sérieux et cet entre-deux est un peu son défaut. Mais cependant, les dialogues sont bien écrits, il y a plusieurs bons éléments et on le regarde avec plaisir.
Le soir, nous voyons d'abord le court-métrage T'es morte Hélène, jolie fable assez drôle sur un jeune homme qui n'arrive pas à se défaire du fantôme de sa petite amie qui s'incruste dans sa vie. Ensuite, nous nous installons pour le film qui semble susciter le plus d'attentes : La Nuée du français Just Philippot. Là encore, cela se passe dans la campagne française. Une femme s'est lancée dans l'élevage de sauterelles. Elle s'occupe aussi seule de ses deux enfants adolescents, elle galère et les sauterelles prennent de plus en plus de place dans sa vie. Tout est juste dans le film : les relations familiales, l'isolement, les difficultés de l'exploitation agricole, la folie, l'obsession. Les sauterelles apportent un élément fantastique qui ne fait qu'exacerber la tension générale du film. On voit les serres blanches se multiplier avec leur vrombissement de plus en plus inquiétant tandis que l'héroïne se saigne littéralement et y laisse petit à petit la raison. La fin est Hitchcockienne, tout à fait magnifique, belle conclusion à la tension maintenue tout au long du film. Belle réussite pour ce premier long métrage du réalisateur !