La Martinique est cette année la première étape d'un voyage de plus d'un mois autour des Caraïbes. Je connais déjà la Martinique et je la retrouve avec grand plaisir. Voilà les soirées chaudes de Fort-de-France dans la nuit noire et bruyante. Car l’obscurité est toujours peuplée de vie. Il y a le bruit de la ville : les voix, les voitures, les musiques. Il y a le bourdonnement incessant des insectes et les cris des oiseaux. L'un d'eux piaille à ma fenêtre la première nuit, encore ensommeillée, je me demande si mon réveil sonne. Mais mon esprit très vite s'accoutume et je dors aussi bien qu'ailleurs.
Je retrouve Trénelle avec ses petites maisons comme des boites posées les unes sur les autres sur le flanc de la colline. Je retrouve le grand escalier parcouru de sa longue rigole qui coule jusqu'au canal. Au pied de l'escalier, se trouve la maison dans laquelle je loge et dans laquelle j'ai déjà logé les deux autres fois où je suis venue en Martinique.
La grand-mère de mon amie ne me laissera pas mourir de faim. Il a fallut l’empêcher de me préparer un repas dès le premier soir car elle pense, à tort, que les voyageurs venus de métropole sont affamés après l'avion. Le matin, je déguste le chocolat antillais qu'elle m'a préparé. Il a cette texture de crème épaisse et cette saveur suave et épicée que l'on ne retrouve pas ailleurs : c'est un vrai délice. Pour l'accompagner, j'ai les fruits-pays : les petites bananes si appétissantes par leur jolie allure rondouillette, les goyaves légèrement râpeuses, les mangues au goût suave dont le jus sucré vous reste sur les doigts.
Cette semaine en Martinique me sert de période d'acclimatation avant le grand voyage. Les journées passent doucement à se balader de ci de là, en passant régulièrement par la plage. Le premier jour, à Shoelcher, nous voilà surprises par l'averse alors que nous sommes dans l'eau. La mer, du bleu passe au gris aussi vite que le ciel. Elle semble se gonfler en vagues rondes. La pluie tombe fraîche sur nos visages et nos épaules, nous fouette le dos en rafales tumultueuses. Toute la plage prend une allure nouvelle, la mer semble piquée de flèches argentées et brille comme du verre pilé. L'horizon est embrumé de vapeurs et de nuages, le tout a un aspect magique. C'est la saison des pluies et les averses nous surprennent régulièrement, apportant une fraîcheur bien agréable, rythmant les journées de leurs concerts éphémères. Le soleil, souvent caché, ne m'attaque pas directement même si la chaleur lourde et humide n'est pas toujours facile à supporter.
Jeudi 14 juillet, nous allons nous promener dans le nord, dans la magnifique forêt. Nous nous y trouvons à l'heure la plus chaude de la journée et nous étouffons dans ce monde végétal entre les lianes et les cacaoyers. L'arrivée à la cascade est un soulagement et je me rafraîchis dans l'eau claire de la rivière. Puis nous rejoignons la plage de l'Anse Couleuvre : au creux des falaises recouvertes de végétation, sable gris, mer ronde et brune et pourtant si claire quand on s'y baigne. Se baigner, voilà le plus grand des plaisirs. On entre dans l'eau comme dans un bain frais estival et l'on nage sous le ciel. Avec un masque, on peut observer sous l'eau les rochers et coraux peuplés de poissons colorés, d'animaux étranges et de beaux oursins noirs aux longues aiguilles effrayantes. Il parait même qu'on peut voir des tortues, mais ce sera pour une autre fois. Assise sur le sable, je laisse les vagues me caresser les jambes, plaisir simple de la fin d'après-midi.
Les soirées, je les passe à Fort-de-France où les concerts gratuits fleurissent de partout enchantant les bars et les restaurants. Dans la nuit noire, la musique me berce et m'endors, au fond d'un bar à boire un Mojito ou sur le bord de mer à admirer l'eau sombre. A moins que nous n'allions dans le nord au Carbet où à la cabane des pêcheurs règne une ambiance caraïbe au son du compas. Il faut danser en ne bougeant que les hanches au rythme régulier de la musique. On peut se reposer sur le sable en regardant clapoter la mer sous les bateaux dans la lumière de la pleine lune. A la fin de la soirée, on monte sur les grandes tables en bois et on lance les bras en l'air en criant. C'est une ambiance mixte et familiale : blancs, noirs, jeunes et moins jeunes s'amusent ensemble.
Aujourd'hui, samedi, Seb doit me rejoindre. Demain, la grand-mère fera un grand repas pour fêter son arrivée et notre départ lundi. Il y aura du poisson grillé qu'à son grand dam, je ne mangerai pas. Mais ce n'est pas grave, si ici les produits de la mer sont au centre de tout, j'ai remarqué que je pouvais me nourrir uniquement de bananes : petites bananes le matin, bananes jaunes cuites ou les plus farineuses "ti nains" pour les repas et beignets de bananes en dessert... Demain midi, il y aura aussi les légumes pays dont le fruit à pain et du poulet grillé pour remplacer mon poisson (je n'aurai pas toujours ce luxe, mais les bananes sont une valeur sure). Et lundi, c'est le départ pour Sainte-Lucie, début de notre périple à travers la Caraïbe...