Nous quittons Kyoto le mardi pour nous rendre dans la très proche Nara. Le train de banlieue nous dépose en plein centre et nous trouvons grâce à l’office du tourisme un hôtel tout près plutôt chic pour le prix que nous payons. Ce n’est que le tout début de l’après midi et nous ressortons donc pour visiter la ville. Nous nous dirigeons vers le parc dans lequel se situent tous les temples. A son orée, au bord d’un petit étang, nous nous asseyons pour pique-niquer. Dans l’eau, nagent des tortues placides. Sur le banc voisin, un vieux monsieur nourrit les nombreux pigeons. Et au milieu des oiseaux, l’air légèrement perdu, immobile, un cerf nous regarde. Nous sommes surpris et amusés, je savais que ces animaux circulaient librement dans le parc, mais je ne pensais pas en voir si vite, si près de la ville, si proche des hommes. Plus loin, nous remarquons maintenant des biches et des faons : ils marchent à travers les passants et les voitures, indifférents.
En fait, ce sont plutôt des daims, ils ne sont pas très grands. Il y en a 1500 dans le parc (ce sont des animaux sacrés) et quand nous nous y promenons, il devient évident qu’ils sont partout et plus qu’habitués à la présence humaine. Nara est l’ancienne capitale du pays, avant Kyoto, et conserve de magnifiques temples, mais les daims en forment tout de même la principale attraction. Ils marchent dans les allées au milieu des touristes, se reposent par troupeaux entiers dans les clairières. Dans l’allée qui mène au temple principal, certains dorment devant les boutiques de souvenirs ou semblent faire la queue pour acheter des glaces. Des groupes de daims à moitié dégénérés traînent devant les vendeurs de « deer cookies », gâteaux pour cerfs. Rompus à la théorie de la poule aux oeufs d’or, ils n’attaquent pas directement le marchand (je pense que ces derniers ont de bonnes techniques de défense). Mais gare au touriste qui décide d’acheter les fameux trésors ! J’en ai fait moi même l’expérience. Les animaux sont particulièrement attentifs à la transaction financière qui s’opère et, à peine a-t-on les biscuits en main, que l’on se trouve entouré d’un troupeau où plusieurs nous donnent des coups de tête, pendant que certains essaient de nous manger les vêtements ou de fouiller nos poches. En général, le touriste effrayé finit par lâcher tous les gâteaux d’un seul coup et par s’enfuir en criant. La scène, surtout vécue par les autres, est très amusante. Même quand on n’a pas de gâteau, les daims peuvent être un peu sans gène. Si certains enfants sont aux anges, j’en ai vu plusieurs qui, effrayés par ces animaux plus grands qu’eux et un peu insistants, pleuraient dès qu’ils en voyaient un et réclamaient ardemment leurs parents. Mais en général, les cerfs et biches font plutôt la joie des touristes, posant même sans rechigner devant les temples, se laissant triturer les bois, on en oublierait presque que ce sont des animaux « sauvages » comme le rappellent certains panneaux.
A l’intérieur du grand et beau temple que nous visitons, point de daims mais une grande statue de Bouddha. Le bâtiment lui-même est très joli, un des plus grands monuments en bois existant. Et encore, il a été détruit et reconstruit au tiers de sa taille (tout comme la statue pourtant très impressionnante). A la sortie, une biche est couchée qui ne semble pas dérangée par les allers-venues. Nous nous promenons encore un peu dans le parc avant de rentrer nous reposer à l’hôtel. Cette semaine a lieu la fête des lanternes et nous retournons donc au parc à la nuit tombée : des bougies ont été installées partout et brillent de jaune, rouge et vert. Le parc est magnifique dans sa robe colorée, nous avançons dans le noir, éclairés par les lanternes et au dessus de nous, les étoiles. La nuit a quelque chose de magique. Je n’ai rien trouvé d’appétissant dans les stands de vente à emporter, je n’ai mangé que des petits beignets sucrés. Sébastien a pris une sorte de crêpe (sur laquelle était dessiné un poulpe, ce qui ne m’a pas inspiré confiance) avec un oeuf et une sauce bizarre, visiblement ça lui a plu. Pour finir, nous prenons de grands verres de glace pilée au sirop, très rafraîchissants par cette chaude soirée. Un daim se fera un plaisir d’en lécher le fond une fois que nous aurons terminé (les daims sont allés se coucher, sauf les dégénérés de l’allée centrale qui traînent jusqu’à pas d’heure).
Nous avons pris deux nuits d’hôtels à Nara et avons donc encore une journée complète à passer dans la ville. Nous avons déjà vu le temple principal et une partie du parc, c’est donc bien tranquillement que nous nous promenons aujourd’hui. Dans le vieux quartier, nous cherchons longtemps un autre temple qu’enfin nous trouvons : c’est le plus vieux temple bouddhiste. Il a été déplacé à Nara quand elle est devenue la capitale. Il est beaucoup plus petit et plus discret que le grand du parc mais aussi très joli. Pour le néophyte, il est difficile de distinguer un temple d’un autre par autre chose que la taille. Les styles sembles similaires et on retrouve toujours un peu la même chose. J’avoue que dans ma mémoire, tous les différents lieux visités se confondent en un grand magma de bois fleuri.
Nous ne sommes même pas capable de faire la différence entre le shintoïsme et le bouddhisme et ne comprenons pas grand chose à aucune des deux religions. Elles n’ont par l’air de se faire de l’ombre car la plupart des japonais sont en fait à la fois bouddhiste et shintoïste. Le shintoïsme est plus anciens, il semble relever de nombreuses croyances ancestrales qui rappellent l’animisme. Le bouddhisme est arrivé plus tard à travers la Chine et la Corée et encore avant depuis l’Inde. Le temple que nous visitons à présent est shintoïste (dans ce cas, on dit « shrine » en anglais et non « temple »), pour y aller, nous avons dû traverser tout le parc ce qui nous a fait une belle balade forestière et toujours en compagnie des daims. Ceux que l’on croise dans la forêt semblent plus sauvages et moins corrompus par l’homme. Certains sont même trop timides pour venir manger le biscuit que Seb leur tend (il a réussi à acheter les gâteau dans un endroit discret et les distribue donc au fur et à mesure). Le temple lui même se distingue des autres car il est décoré d’une multitude de lanternes accrochées un peu partout. La fête des lanternes a visiblement avoir avec ça mais malheureusement pour nous, celles du temples ne seront allumées que le dernier soir et nous serons déjà partis.
Enfin, pour notre dernière soirée, nous profitons des éclairages existants. Nous allons voir ceux que nous avions ratés la veille : en particulier un petit lac avec une pagode au centre, le tout brillant de bougies jaunes et, sur l’eau, des couples dans des barques qui filent dans une lumière frémissante. Avant ça, nous avons mangé au restaurant en ville. Comme d’habitude, j’ai choisi le lieu au hasard. C’était un peu cher mais j’ai réussi à trouver ce que je voulais goûter : la spécialité de Nara, le poulet cuit dans du lait. C’est un met délicat et délicieux. Le midi, dans un petit café dans le parc, j’avais pu prendre encore complètement par hasard l’autre spécialité de la ville : le bol de riz au thé vert, assez bizarre mais plutôt bon à mon goût. Comme quoi la chance est parfois de mon côté. En rentrant vers l’hôtel, nous croisons dans la rue deux filles qui étaient avec nous à la Couch surfing house, la française et l’autrichienne. Elles ont fait la visite de la ville en une journée depuis Kyoto, ça se fait très bien mais il faut être un peu moins paresseux que nous et se lever le matin.