C'est dans des conditions un peu particulières que je me rends pour la première fois à Tenerife. En fait, je ne devrais pas prendre de vacances en ce moment. Je suis en pleine période de rédaction de thèse et j'ai assez peu de temps pour autre chose. Mais c'est justement ce qui m'a donné envie de partir. Il se trouve que Sébastien a des raisons professionnelles de se rendre à Tenerife. Pourquoi ne pas y aller avec lui ? L'hôtel est payé, Sébastien travaillera toute la journée. Un luxueux hôtel avec piscine n'est certes pas l'endroit le plus désagréable pour écrire une thèse... Nous voilà donc, décollant au milieu des vacanciers dans un vol plein d'enfants hurlants. Il est tard quand nous arrivons à Tenerife et, depuis l'aéroport sud, il faut traverser l'île pour rejoindre Puerto de la Cruz où nous séjournons. Le temps est légèrement nuageux mais il règne une douceur agréable pour nous qui venons de Paris. La chambre est spacieuse, elle donne dans une jolie cour fleurie. De belles promesses pour la semaine à venir.
Comme prévu, l'hôtel est tout à fait agréable. J'ai séjourné dans pas mal d'endroits différents mais je choisis rarement les options les plus luxueuses. A chaque fois que j'étais dans des hôtels légèrement hauts de gammes, ils avaient toujours un aspect quelque peu fané et décrépi. Ce n'est pas le cas ici. Tout semble lisse, propre, neuf : les dalles parfaites de la chambre, les patios brillants et lumineux, le personnel toujours d'une politesse sans faille. Ce n'est pourtant pas l'endroit que je choisirais si je devais partir en vacances. Je me sens dans un monde parallèle, il manque un peu d'authenticité à ce paradis. Les autres touristes qui séjournent ici sont presque tous allemand. A tel point, que l'ensemble du personnel parle couramment l'allemand, et souvent mieux que l'anglais. A plusieurs reprises, on me répond en allemand à des questions en anglais.
Mes journées à l'hôtel varient peu. C'est comme un agréable cocon dans lequel je me fonds sans peine. Le matin, je profite de petit-déjeuner gargantuesque. Dans la grande salle (pleine d'allemands), le buffet s'étend en fromage frais, charcuterie, céréales, pains, oeufs et crèpes, fruits, compotes et confitures... Souvent, on s'installe dans la petite véranda depuis laquelle on voit la mer au loin et la montagne. Ensuite, Sébastien part travailler. Moi, je vais me baigner. Il fait encore un peu frais le matin alors je choisis la piscine intérieure. A cette heure de la journée, elle est entièrement vide. Le bassin est petit mais assez grand pour moi, il est entouré de dizaine de chaises longues qui attendent des invités absents. Je fais des longueurs dans le silence, j'ai l'impression d'être dans une immense salle de bain qui m'est réservée. Après ça, je vais me sécher dans le sauna, vide lui aussi. Puis je rentre à la chambre. La femme de ménage choisit souvent ce moment précis pour venir. Alors, je m'installe sur le balcon dans le peignoir douillet et lit quelques pages d'un roman. Aux environs de 11h, toujours sur le balcon, j'allume mon ordinateur pour travailler.
Plus tard dans la journée, malgré le petit déjeuner (je ne me goinfre pas tous les matins), je commence à avoir faim. Je prends alors toutes mes affaires de travail ainsi que ma crème solaire et je pars en maillot de bain et robe de plage vers la piscine. Elle est au centre de l'hôtel, entourée d'arbres et de fleurs. Je m'installe au snack-bar où je prends un plat léger. L'hôtel est raffiné : dans la carte, on trouve du gaspacho et du melon con jambon en plus des hamburgers et saucisses allemandes indispensables à la clientèle. Après ça, je m'installe sur une chaise longue, à l'ombre, l'ordinateur sur les genoux et continue ma journée de travail. Si l'envie m'en prend, je peux commander une boisson fraiche (un milkshake au chocolat par exemple) que les serveuses viendront m'apporter au bord de la piscine. Quand j'atteinds les limites de ma batterie d'ordinateur j'en profite souvent pour aller faire un tour dans l'eau. Une fois rafraichie, je sors et m'installe dans le loby où je peux brancher mon portable et m'enfoncer dans un fauteuil en attendant le retour de Sébastien. C'est un hôtel de vieux et non de jeunes, on le sait à musique : tout est calme ici, rien de tonitruant. Dans le loby, se déversent les versions instrumentales sans intérêt de quelques chansons connues.
Voilà donc mon quotidien dans ce monde coupé du monde. Heureusement, en dehors de ces douces journées il me reste un peu de temps pour découvrir l'île. L'hôtel lui-même est dans une ville qui m'a paru tout à fait affreuse au premier abord : Puerto de la Cruz. Nous sommes un peu en retrait du centre ville : autour de nous, d'autres hôtels tous plus hideux les uns que les autres (le notre fait dans la sobriété ce qui lui réussit), on se croirait à Disneyland. Vers le centre, ça ne s'améliore pas. On y trouve des constructions plus anciennes qui datent des premières vagues de tourismes de masse dans les années 60 : immense tours qui détruisent le paysage, le tout au milieu d'une circulation tout à fait chaotique. Derrière ces pustules et les flots touristiques, difficile de trouver le charme de la ville. Et pourtant, les derniers soirs je découvrirai que derrière ces horreurs se cachent quelques jolies rues à l'ancienne. Il y a même une magnifique petite église. Sur les places bruyantes, on trouve alors des terrasses et en cherchant un peu, des très bons bar à Tapas. En fait, la ville fait des efforts pour s'améliorer. Les nouvelles constructions sont interdites et les anciennes tour détruites petit à petit. Il y a encore quelques absurdités (au lieu du bord de mer, on trouve un grand mur derrière lequel se cache un parking sauvage) mais petit à petit les choses s'améliorent. On ne peut qu'apprécier cette volonté même s'il faudra sans doute des dizaines d'années pour panser les plaies des excès passés.
Nous ne passons que peu de soirées à Puerto de la Cruz. Le premier soir, nous fuyons ses néons et prenons au hasard la route du sud. L'autoroute se termine et nous voilà roulant entre la montagne et la mer. Nous sortons vers un petit village dont nous ne savons rien mais qui a l'air joli. Quel changement ! La ville est juste à côté et on se croirait dans un autre monde. Il n'y a aucun touristes, d'ailleurs les rues sont vides. Ce sont des petites rues en pente. Le village semble perché sur son rocher au dessus de la mer. Les maisons sont peintes en couleurs vives, le soleil perce les nuages et vient illuminer l'église dont le clocher sombre en pierre volcanique grimpe vers le ciel. Nous prenons plaisir à simplement nous promener. Nous cherchons un restaurant et demandons notre chemin. L'homme qui nous répond nous parle en espagnol et bien que visiblement, nous ayons du mal à comprendre, il ne tentera pas une autre langue (on est loin des polyglottes de la ville voisine). Nous arrivons miraculeusement à suivre ses indications : il faut reprendre la voiture et tourner à gauche avant la route. Nous descendons alors vers un hameau en bord de mer. Plusieurs restaurants nous y attendent. Nous nous installons sur une terrasse où on nous sert une paella (de légumes, désolée pour Seb). Les vagues sombres de l'océan viennent se briser sur les rochers et réveillent en moi, citadine endurcie, le désir de la nature sauvage.
Le second soir nous montons vers le nord pour visiter La Laguna dans l'intérieur de l'île. La ville est connue pour son université, elle est dans la continué de la ville principale Santa de la Cruz et semble agréablement animée. Le centre ville est fait de rues piétonnes au sol dallé de pierres noires volcaniques et bordées de maisons colorées. Il faut se méfier des changement de température à Tenerife : nous sommes en altitude et il fait d'un seul coup beaucoup plus froid qu'à Puerto de la Cruz. Un vent glacé me souffle dessus et malgré mon pull, je suis complètement frigorifiée. A cause du froid, nous ne pouvons pas pleinement profiter de l'endroit. Nous mangeons des tapas dans un bar et repartons rapidement vers la voiture. J'ai tout de même le temps d'apprécier l'atmosphère pleine de boutiques et de petits cafés. Si je devais vivre à Tenerife, je préfèrerais m'installer ici plutôt que là nous logeons.
C'est vendredi soir. Le week-end arrive et avec lui l'occasion de visiter un peu plus. Je vais quitter le petit paradis de l'hôtel et partir à la découverte de l'île.