Jeudi est ma deuxième vraie journée à Tokyo. Sébastien part avant moi le matin pour un rendez-vous de travail. De mon côté, je passe la matinée tranquillement à l'appartement. J'ai une mission aujourd'hui : je dois aller à l'ambassade française pour faire traduire le permis de Sébastien. Le rendez-vous est à 15h, je pars à l'avance avec l'intention de manger près de la station de train. Le quartier où nous sommes regorge en effet de petits restaurants. Mais les cartes affichées à l'extérieur sont toutes en japonais : comment choisir ? Je marche un moment dans les petites rues, scrutant les menus en espérant que la composition des plats m'apparaissent par miracle. Finalement, j'opte pour un panneau qui semble original et sur lequel je peux lire "English ok". C'est un bon choix, je me trouve dans un petit café avec quelques tables à la japonaises où sont installées des mamans et leurs bébés et d'autres tables à l'européenne. On me sert une boisson fraîche locale gratuitement et je commande un steak de tofu tout à fait délicieux. Voilà enfin une réussite culinaire !
Deuxième étape : prendre les transports jusqu'à la station de l'ambassade. Mon expérience d'hier a été instructive : je comprends maintenant plus ou moins le système des transports et arrive à me repérer. Il faut dire que j'ai enfin trouvé une carte avec tous les trains et ça aide beaucoup. Comme une spécialiste, j'effectue les deux correspondance et descends à Hiro-o. J'ai étudié le plan et trouve sans problème le chemin de l'ambassade. Elle se situe dans un quartier sans grand intérêt : hauts immeubles et larges avenues. Je suis en avance et il fait chaud, je décide d'aller me rafraîchir dans un café en attendant l'heure. Mon amie m'avait prévenu que les prix étaient prohibitifs. En effet, j'entre dans un établissement qui paraissait quelconque de l'extérieur mais se révèle être un haut lieu de snobisme où les serveur en costume noir et blanc proposent de gros gâteau blanc crémeux à l'américaine. La bouteille de perrier coûte 8euros. Ca me semble tout à fait excessif et j'opte donc pour un jus de fruit : c'est plus cher mais peut-être que ça vaut le coup. La description, "Fruit garden", laissait présager un cocktail original. Ce que l'on m'apporte ressemble tout à fait à du sirop de grenadine dans un grand verre et qui coûte 10 euros...
Le rendez-vous à l'ambassade approche. Je reprends donc mon chemin. Angoisse de dernière minute : je loupe la rue et me perds pendant 10 minutes ce qui me met en retard. On me laisse tout de même rentrer (ouf) et tout se passe très rapidement. Il faut un permis traduit pour louer une voiture au Japon, ce que nous comptons faire à partir de lundi. Je discute de mon itinéraire avec un autre français qui vit lui au Japon depuis 5 ans. Mais ce n'est pas facile, dit-il, pour les étranger de travailler ici. Les conditions sont rudes (2 semaines de vacances par an) et on ne parle jamais assez bien japonais pour les locaux.
Je repars et marche vers le nord où je dois retrouver Sébastien. Le chemin est agréable : zone résidentielle et petits immeubles. Il est toujours amusant de se promener dans les zones non touristiques d'une ville, de surprendre les habitants dans leur vie quotidienne, on a l'impression de faire un peu partie du lieu. Je traverse un joli petit parc où une famille de canard se promène tranquillement entre les gros poissons et les tortues d'eau. Me voilà à Roppongi hills, un grand complexe moderne avec une haute tour. Mon amie m'apprendra que le quartier de Roppongi a une réputation sulfureuse : c'est là qu'on emmène se "divertir" les hommes d'affaires étrangers. Quand la nuit tombe, de grands et beaux africains sortent de nulle part et vantent les mérites de leurs "filles" de toutes les couleurs et origines. Le gouvernement essaie de changer la réputation du quartier en construisant ces grands centres de business et de commerce. Le jour, c'est donc un quartier d'affaire comme un autre.
Roppongi hills fait partie de ces constructions récentes. J'attends, assise sur un banc, sur une large place verdoyante entourée de fontaines et où trône au centre une sculpture représentant une araignée géante (quelle drôle d'idée !). La température s'est tout d'un coup rafraîchie et il souffle un agréable vent. Le ciel est chargé de nuages mouvants mais la pluie ne se décide pas à arriver. Sébastien me rejoint et nous nous promenons un moment avant de retrouver notre amie qui sort du travail. Nous marchons alors jusqu'au quartier de Shibuya. La nuit est tombée et les rues s'éclairent de milles néons colorés. Shibuya se peuple le soir de la jeunesse tokyoïte venant se dépenser dans ses boites de nuit. L'année dernière, lors du tremblement de terre, le quartier a éteint ses lumières pendant de nombreuses semaines, il est difficile de se l'imaginer à présent. Nous mangeons dans un délicieux restaurant taïlandais avant de rentrer chez nous. Marcher à travers la ville, me déplacer seule dans la mégalopole, j'ai une meilleure notion de l'espace à Tokyo que la veille. La ville me semble plus abordable, moins effrayante.
Le vendredi, je continue mon exploration. Sébastien est à nouveau pris par des rendez-vous de travail. Nous mangeons ensemble dans un café proposant des sandwichs à l'occidentale avant de nous séparer. Aujourd'hui encore, j'ai une mission. Une collègue m'a demandé d'acheter un T-shirt pour sa fille dans une certaine boutique dont elle m'a donnée l'adresse. Elle se trouve à "Electric town", à l'autre bout de la ville mais je n'ai plus peur de me déplacer. C'est dans cette partie de Tokyo que l'on trouve toutes les dernières technologies, tablettes, ordinateurs portables à des prix souvent intéressants. Paradis des gicks et des nerds, c'est aussi le monde de l'univers manga avec des boutiques entières de figurines qui attirent les monomaniaques du monde entier. Je trouve facilement la boutique en question qu vend en effet des T-shirts décorés de personnages ronds aux grands yeux ouverts qui correspondent à différentes BDs que je ne connais pas. Je me promène ensuite dans le quartier, l’intérêt pour moi est plus ethnologique qu'autre chose car je n'ai, en fait, jamais même lu de mangas ! C'est un endroit particulier, cet aspect de la culture japonaise a séduit bien au delà de ses frontières, et spécialement aux Etats-Unis et en Europe. Mais par ailleurs, cet univers lui même est empreint de référence à la culture américaine dont on remarque l'influence ici entre les "doughnut bars" et les "burger restaurants". Dans les cafés, les serveuses sont "déguisées" avec des robes colorées et des petites couettes. Je me suis installée dans l'un d'eux : tous les plats de cartes sont accompagnées de photos de ces jeunes filles avec leur naïf sourire. Sur de grands écrans, des concerts filmés sont diffusés d'autres jeunes filles tout à fait semblables qui chantent des chansons trop sucrées en effectuant des chorégraphies ultra kitch.
Je quitte le quartier et en deux stations de métros me retrouve tout à fait ailleurs. Je suis dans le parc Ueno, et m'approche du vieux Tokyo. Sous la pluie qui ne cesse de tomber depuis ce matin (il fait à peine 20 degrés ce qui, comparé aux jours précédents, est tout à fait froid), je me balade dans le parc avec mon parapluie transparent. J'admire le grand étang recouvert de nénuphars et les jolis temples. Je voudrais aller visiter un musée mais il est en fait trop tard ! Fatiguée de me faire tremper. Je m'installe dans un café où la baie vitrée me permet encore d'admirer le parc peuplé de parapluies et patiente ici plusieurs heures en lisant mon lonely planet et planifiant ainsi le reste du voyage. Etant seule, je me fais plus facilement abordée. Comme je m’escrime à recopier des kanjis sur un petit carnet, ma voisine pense que j'étudie le japonais. Mais non, c'est seulement pour essayer d'être un peu moins perdue dans ce monde de signes et pouvoir reconnaître au moins le nom des villes où nous allons.
Le soir arrive, le parc se fond dans la nuit et je rejoins Sébastien à la station Ebisu. La bas, nous choisissons presque au hasard un restaurant qui se trouve servir des plats indiens. Voilà presque quatre jours que nous sommes à Tokyo, l'immense capitale nous semble un peu moins mystérieuse. Nous irons avec plaisir visiter ce week-end les quartiers qui nous restent à voir. Mais nous regardons avec crainte filer les billets de notre porte-feuille : on ne nous a pas menti, le Japon est très cher !