Très vite, en quittant le parc Yosemite, l'aridité fait place à la forêt. Et pourtant, notre première vision est celle d'un lac. Sur la roche des hauts plateaux brûlés par le soleil et le vent, le lac Mono s'étend comme un vaste miroir. Paradoxalement, la vision de cette fine étendue d'eau au milieu de ce qui ressemble déjà à un désert ne fait qu'ajouter à l'aridité du lieu. L'eau est salée et, rien qu'à regarder le soleil éblouissant se refléter dans le lac, on ressent la soif. Sur la rive, d'étranges sculptures : ce sont des stalagmites formés par les dépôts minéraux du lac et mis à jour par la sécheresse. Nous roulons un peu plus au nord et prenons une piste poussiéreuse pour rejoindre la ville abandonnée de Bodie. Cette ville fut crée dans la folie de la ruée vers l'or dans la deuxième partie du XIXème siècle. Elle poussa autour de sa mine, au milieu de nulle part, dans ce coin perdu des hauteurs arides de la Sierra Nevada, balayée par le vent, la poussière l'été et les tempêtes de neige l'hiver. Elle compta jusqu'à 10000 habitants. Deuxième ville de Californie pendant un temps, elle était connue pour sa débauche, ses bandits et ses meurtres presque quotidiens. Elle brûla deux fois et fut petit à petit abandonnée. Aujourd'hui, on peut visiter ce qu'il en reste : environ 5 % de ce qu'elle fut jadis, laissé en l'état, comme un Pompéi moderne. Les maisons ont à peine été touchées, à travers les vitres sales, on voit les murs délabrés, les meubles couverts de poussière, les morceaux de journaux laissés par terre. Là un berceau, ici un fauteuil éventré, nous rappellent la vie qui exista ici. On peut même voir l'ancien hôtel, l'école, la poste, etc. Et dans le fond, sur les hauteurs de la colline, les installations de la mine nous regardent, squelette métallique et effrayant. En marchant dans les cours encore jonchées de morceaux de bois et de métal rouillé, on peut s'imaginer vivant ici, les saloons plein d'alcool frelaté et de prostituées, les rues miséreuses de China town qui n'existent plus, l'homme rentrant brisé de la mine, la femme, tirant l'eau au puits dans sa robe poussiéreuse, parcourant les rues glacées de la ville. Heureusement, nous, nous ne somme pas coincés ici, et après avoir pris notre dose de « far west », on peut continuer notre route.
Nous repartons vers le sud et dépassons le lac. Il nous reste encore du chemin aujourd'hui pour rejoindre notre prochaine étape. Une longue route au fond d'une large vallée où ne poussent que de secs buissons. Et autour de nous, se dressent les sommets de la Sierra Nevada. C'est une route américaine comme on se les imagine : grands espaces, immensité, vide... Le soleil se couche lorsque nous arrivons dans la minuscule ville de Lone Pine, les montagnes et la plaine prennent leurs magnifiques couleurs du soir. Nous installons notre tente sous le ciel rougeoyant, au bord d'un petit lac. Autour de nous, quelques campings cars et des moustiques. Comme hier, les installations sont minimales. Ce sont des campings « self registration », il faut payer 10 dollars dans une petite enveloppe où l'on écrit sa plaque d'immatriculation et s'installer où on veut. Cette fois, il y a quelques points d'eau et une unique douche extérieure où l'on pourra se laver le lendemain, et se rincer de l'eau boueuse de l'étang où nous nageons un peu. Il fait un peu chaud au moment de se coucher, mais bientôt la fraîcheur revient (nous sommes encore en altitude) et nous devons ouvrir les sacs de couchage.
Après avoir racheté quelques gallons d'eau à la supérette, nous quittons Lone Pine en direction de la Death Valley. Nous ne sommes pas très loin, bientôt notre route atteint un premier canyon. La plaine se termine brusquement. En contre-bas, on aperçoit une langue de terre blanche, puis la route descend en larges circonvolutions le long des rochers. Ce n'est pas encore la fameuse vallée, il faut d'abord remonter un peu, puis descendre à nouveau, et descendre encore. En quelques kilomètres, on passe de 1200 mètres d'altitude à moins quelque chose. Car ce qui caractérise la Death Valley, c'est d'être en dessous du niveau de la mer. On a aussi pris plusieurs degrés de température. Il faisait déjà assez chaud en haut, mais en bas, c'est une vraie fournaise. Dès que l'on met un pied hors de la voiture, on se sent comme dans un four. Le vent souffle, mais c'est un vent chaud et sec, presque brûlant. Je ne peux pas retirer mon chapeau, même pour quelques secondes. En fait, je le double même de mon châle que je passe sous l'eau pour me rafraîchir. De toutes façons, pas question de marcher plus de cinq minutes et, même pour de si courtes sorties, on a constamment des bouteilles d'eau. Dans la voiture, on a la climatisation. On ne peut pas la mettre trop fort pour ne pas surchauffer le moteur et on doit parfois l'éteindre. Et puis, avec le soleil qui tape par la vitre, il fait tout de même chaud. J'ai l'impression de passer mon temps à boire. L'eau est tiède, voire chaude, mais je bois quand même. La Death Valley est le paroxysme de l'aridité : le sol est sec et brûlant, le sable des dunes est brûlant, les buissons sont brûlants, les falaises sont brûlantes, l'air est brûlant. On s'arrête voir le lac de sel : des kilomètres de gros cailloux durs, terre mêlée de sel, dont on ne voit pas le bout. J'imagine les premiers explorateurs devant traverser cette étendue monstrueuse à pied ou à cheval. Le nom n'est pas volé : Devil's golf course. Malgré ça, la Death Valley est belle, impressionnante, imposante. Le long des parois, on peut visiter de petits canyons, gorges desséchées qui peuvent faire de belles balades à l'hiver ou au printemps. Pas en été, il y a des panneaux « stop : extreme heat danger, don't walk here after 10AM », récemment, un imprudent est mort de soif. Les rochers riches en minéraux prennent de magnifiques couleurs : rouge et ocre bien sûr, mais aussi vert, voire bleu ou pourpre. Nous atteignons le point le plus bas de la vallée, à 86 mètres sous le niveau de la mer. Entre les plaques de sel, on trouve quelques flaques d'eau, « badwater » comme l'a appelée un des premiers explorateurs qui n'a pu y faire boire ses chevaux à cause de la salinité. De là, on remonte lentement. Il nous faut bien encore une heure à suer et boire avant d'arriver à la sortie marquée par la minuscule ville de Shoshone.
A quelques kilomètres au sud, se trouve Tecopa où l'on veut passer la nuit. Il y a en effet un camping dont nous serons les seuls résidents. Au milieu des cailloux, un grand arbre sous lequel on peut s'abriter. L’intérêt de Tecopa, c'est qu'il y a une source d'eau. Malheureusement, c'est une source chaude, or je ce que je voudrais moi, c'est une source fraîche. Mais bon, le fait même de se plonger dans l'eau est agréable et la douce sensation de l'air sur la peau mouillée est rafraîchissante. On achète un gallon d'eau froide que l'on boit goulûment. J'ai eu beau boire toute la journée, j'ai l'impression de crever de soif. La chaleur m'a épuisée. J'ai même du mal à suivre Sébastien dans le crépuscule qui veut « explorer Tecopa ». Il espérait trouver un restaurant, ou disons, quelque chose. Mais il n'y a rien : quelques campings-cars étalés dans la poussière du désert et des panneaux vantant les sources chaudes. Notre tente se tient seule sous son arbre au milieu de nulle part. Devant nous, le magnifique panorama des montagnes dans la lumière du soir, puis la nuit silencieuse, le désert.
Le lendemain, nous n'avons rien de prévu. Il nous reste une nuit avant de partir pour Las Vegas, nous décidons de la passer ici. Nous voulons retourner ce soir à la Death Valley sur une route que nous n'avons pas visitée hier, mais en attendant, nous n'avons rien de spécial à faire et décidons simplement de nous reposer ici. Nous sommes à quelques kilomètres de la « ville » de Shoshone qui est principalement constituée de quatre bâtiments : la poste et la station-service-boutique d'un côté de la route, et le « Crowbar Cafe & Saloon » ainsi que le « musée » de l'autre. Et oui, il y a un musée à Shoshone. Il y a un petit historique de la ville qui est constitué d'articles résumant la vie d'à peu près tous les habitants ayant vécu à Shoshone (ils ne sont pas très nombreux, à Los Angeles, ce serait plus compliqué) avec coupures de presse et photos pour illustrer. Le trésor du musée est un peu plus loin : un squelette de mammouth exposé entre une vitrine de pierres précieuses et un coyote empaillé. Nous passons plus de temps au Crowbar Cafe & Saloon où nous pouvons nous revigorer à coup de burgers et nous hydrater de limonade et milkshake dans la climatisation qui sent le graillon. Sinon, nous profitons du calme sans pareil de Tecopa. Sous notre arbre dont nous suivons l'ombre, nous lisons nos livres au milieu du désert. Il fait moins chaud que dans la Death Valley, mais il fait chaud quand même. Je me suis baignée à la source le matin, et dans la journée, je passe mon temps à me verser des bouteilles d'eau sur la tête pour me rafraîchir.
Vers le milieu de l'après-midi, nous quittons Tecopa et retournons vers la Death Valley. Nous n'avons pas l'esprit complètement tranquille : le vent se lève et le ciel semble lourd, notre tente n'est pas vraiment conçue pour survivre à une tempête. Enfin bon, on verra bien. Les nuages sont toujours là quand nous arrivons dans la vallée et nous essuyons même quelques gouttes de pluie ! C'est quand même un comble de voir nos premières pluies dans le lieu le plus aride qu'on puisse imaginer. Cependant, il pleut parfois (pas souvent) ici aussi, et c'est même un problème : le sol est tellement sec que l'on peut assister à de fulgurantes inondations. Mourir noyés dans un canyon de la Death Valley, voilà bien une mort stupide. Mais ce ne sera pas aujourd'hui, il ne tombe que quelques gouttes timides et, de toutes façons, nous partons vers les hauteurs. Nous allons voir Dante's View, à 1500 mètres d'altitude. Quelle vue splendide ! Le soleil de la fin d'après-midi perce à travers les nuages, formant des raies de lumière. Les collines arides descendent en vagues colorées dans le brouillard. Loin en contre-bas, La vallée semble couler, comme une rivière immobile striée de langues de sel argentées. Par ailleurs, la température ici est beaucoup plus agréable. On peut se promener un peu sur la crête balayée par le vent. A notre retour, le ciel s'illumine d'un arc en ciel. Un arc en ciel sur la Death Valley, spectacle rare et beau... Nous redescendons dans la fournaise pour voir le fameux Zabriskie Point où la roche est connue pour former de magnifiques circonvolutions comme un drap qu'on aurait froisser. C'est beau en effet, surtout dans le soleil couchant mais il est difficile d'admirer car il souffle un vent très fort et très chaud. On a l'impression de se promener sous un sèche cheveux géant. Quel univers étrange et hostile.
L'hostilité, au delà de la beauté, c'est aussi ce que je retiens du désert. Il y a la chaleur, la sécheresse ainsi que la faune inquiétante des lieux. Au Dante's View, il y avait ces horribles fourmis géantes volantes tout à fait effrayantes. A l'entrée du parking, un panneau indiquait sobrement « Bee Hazard ». Sans doute que « bee » (abeille) était le mot le plus adéquat, « fourmi mutante » aurait effrayé les touristes. Au camping, je verrai le soir même un horrible scorpion vert à la lumière de la lampe de poche. Après ça, nous ne marcherons plus qu'à pas précautionneux en scrutant le moindre cailloux. Et puis il y a ces gros taons qui nous poursuivent parfois et qui m'ont même piquée une ou deux fois, brrr ! Voilà pour les animaux que je serai bien contente de laisser derrière moi dans leur plaine de cailloux desséchée. Enfin, la dernière nuit au camping n'est pas très agréable. Le vent a foutu notre tente par terre. Les affaires sont sans dessus-dessous mais rien n'est cassé et l'on redresse la tente qui tient tant bien que mal. Elle se déforme sous les bourrasques pressant la paroi contre mon modeste lit. Cependant, c'est quand le vent s'arrête que j'ai du mal à dormir. Il fait chaud, très chaud, je transpire, suffoque et regrette les gouttes de pluies qui traversaient plus tôt la moustiquaire laissée sans protection. Au matin, on ne traîne pas longtemps dans le soleil et la poussière. Nous avons vu les beautés du désert, nous avons vu la vallée, les roches rouges, les plaines desséchées et nous ne sommes pas mécontents d'en partir. L'idée de dormir dans un vrai lit n'est pas désagréable. Un univers complètement différent nous attend : direction Las Vegas !
Très vite, en quittant le parc Yosemite, l'aridité fait place à la forêt. Et pourtant, notre première vision est celle d'un lac. Sur la roche des hauts plateaux brûlés par le soleil et le vent, le lac Mono s'étend comme un vaste miroir. Paradoxalement, la vision de cette fine étendue d'eau au milieu de ce qui ressemble déjà à un désert ne fait qu'ajouter à l'aridité du lieu. L'eau est salée et, rien qu'à regarder le soleil éblouissant se refléter dans le lac, on ressent la soif. Sur la rive, d'étranges sculptures : ce sont des stalagmites formés par les dépôts minéraux du lac et mis à jour par la sécheresse. Nous roulons un peu plus au nord et prenons une piste poussiéreuse pour rejoindre la ville abandonnée de Bodie. Cette ville fut crée dans la folie de la ruée vers l'or dans la deuxième partie du XIXème siècle. Elle poussa autour de sa mine, au milieu de nulle part, dans ce coin perdu des hauteurs arides de la Sierra Nevada, balayée par le vent, la poussière l'été et les tempêtes de neige l'hiver. Elle compta jusqu'à 10000 habitants. Deuxième ville de Californie pendant un temps, elle était connue pour sa débauche, ses bandits et ses meurtres presque quotidiens. Elle brûla deux fois et fut petit à petit abandonnée. Aujourd'hui, on peut visiter ce qu'il en reste : environ 5 % de ce qu'elle fut jadis, laissé en l'état, comme un Pompéi moderne. Les maisons ont à peine été touchées, à travers les vitres sales, on voit les murs délabrés, les meubles couverts de poussière, les morceaux de journaux laissés par terre. Là un berceau, ici un fauteuil éventré, nous rappellent la vie qui exista ici. On peut même voir l'ancien hôtel, l'école, la poste, etc. Et dans le fond, sur les hauteurs de la colline, les installations de la mine nous regardent, squelette métallique et effrayant. En marchant dans les cours encore jonchées de morceaux de bois et de métal rouillé, on peut s'imaginer vivant ici, les saloons plein d'alcool frelaté et de prostituées, les rues miséreuses de China town qui n'existent plus, l'homme rentrant brisé de la mine, la femme, tirant l'eau au puits dans sa robe poussiéreuse, parcourant les rues glacées de la ville. Heureusement, nous, nous ne somme pas coincés ici, et après avoir pris notre dose de « far west », on peut continuer notre route.
Nous repartons vers le sud et dépassons le lac. Il nous reste encore du chemin aujourd'hui pour rejoindre notre prochaine étape. Une longue route au fond d'une large vallée où ne poussent que de secs buissons. Et autour de nous, se dressent les sommets de la Sierra Nevada. C'est une route américaine comme on se les imagine : grands espaces, immensité, vide... Le soleil se couche lorsque nous arrivons dans la minuscule ville de Lone Pine, les montagnes et la plaine prennent leurs magnifiques couleurs du soir. Nous installons notre tente sous le ciel rougeoyant, au bord d'un petit lac. Autour de nous, quelques campings cars et des moustiques. Comme hier, les installations sont minimales. Ce sont des campings « self registration », il faut payer 10 dollars dans une petite enveloppe où l'on écrit sa plaque d'immatriculation et s'installer où on veut. Cette fois, il y a quelques points d'eau et une unique douche extérieure où l'on pourra se laver le lendemain, et se rincer de l'eau boueuse de l'étang où nous nageons un peu. Il fait un peu chaud au moment de se coucher, mais bientôt la fraîcheur revient (nous sommes encore en altitude) et nous devons ouvrir les sacs de couchage.
Après avoir racheté quelques gallons d'eau à la supérette, nous quittons Lone Pine en direction de la Death Valley. Nous ne sommes pas très loin, bientôt notre route atteint un premier canyon. La plaine se termine brusquement. En contre-bas, on aperçoit une langue de terre blanche, puis la route descend en larges circonvolutions le long des rochers. Ce n'est pas encore la fameuse vallée, il faut d'abord remonter un peu, puis descendre à nouveau, et descendre encore. En quelques kilomètres, on passe de 1200 mètres d'altitude à moins quelque chose. Car ce qui caractérise la Death Valley, c'est d'être en dessous du niveau de la mer. On a aussi pris plusieurs degrés de température. Il faisait déjà assez chaud en haut, mais en bas, c'est une vraie fournaise. Dès que l'on met un pied hors de la voiture, on se sent comme dans un four. Le vent souffle, mais c'est un vent chaud et sec, presque brûlant. Je ne peux pas retirer mon chapeau, même pour quelques secondes. En fait, je le double même de mon châle que je passe sous l'eau pour me rafraîchir. De toutes façons, pas question de marcher plus de cinq minutes et, même pour de si courtes sorties, on a constamment des bouteilles d'eau. Dans la voiture, on a la climatisation. On ne peut pas la mettre trop fort pour ne pas surchauffer le moteur et on doit parfois l'éteindre. Et puis, avec le soleil qui tape par la vitre, il fait tout de même chaud. J'ai l'impression de passer mon temps à boire. L'eau est tiède, voire chaude, mais je bois quand même. La Death Valley est le paroxysme de l'aridité : le sol est sec et brûlant, le sable des dunes est brûlant, les buissons sont brûlants, les falaises sont brûlantes, l'air est brûlant. On s'arrête voir le lac de sel : des kilomètres de gros cailloux durs, terre mêlée de sel, dont on ne voit pas le bout. J'imagine les premiers explorateurs devant traverser cette étendue monstrueuse à pied ou à cheval. Le nom n'est pas volé : Devil's golf course. Malgré ça, la Death Valley est belle, impressionnante, imposante. Le long des parois, on peut visiter de petits canyons, gorges desséchées qui peuvent faire de belles balades à l'hiver ou au printemps. Pas en été, il y a des panneaux « stop : extreme heat danger, don't walk here after 10AM », récemment, un imprudent est mort de soif. Les rochers riches en minéraux prennent de magnifiques couleurs : rouge et ocre bien sûr, mais aussi vert, voire bleu ou pourpre. Nous atteignons le point le plus bas de la vallée, à 86 mètres sous le niveau de la mer. Entre les plaques de sel, on trouve quelques flaques d'eau, « badwater » comme l'a appelée un des premiers explorateurs qui n'a pu y faire boire ses chevaux à cause de la salinité. De là, on remonte lentement. Il nous faut bien encore une heure à suer et boire avant d'arriver à la sortie marquée par la minuscule ville de Shoshone.
A quelques kilomètres au sud, se trouve Tecopa où l'on veut passer la nuit. Il y a en effet un camping dont nous serons les seuls résidents. Au milieu des cailloux, un grand arbre sous lequel on peut s'abriter. L’intérêt de Tecopa, c'est qu'il y a une source d'eau. Malheureusement, c'est une source chaude, or je ce que je voudrais moi, c'est une source fraîche. Mais bon, le fait même de se plonger dans l'eau est agréable et la douce sensation de l'air sur la peau mouillée est rafraîchissante. On achète un gallon d'eau froide que l'on boit goulûment. J'ai eu beau boire toute la journée, j'ai l'impression de crever de soif. La chaleur m'a épuisée. J'ai même du mal à suivre Sébastien dans le crépuscule qui veut « explorer Tecopa ». Il espérait trouver un restaurant, ou disons, quelque chose. Mais il n'y a rien : quelques campings-cars étalés dans la poussière du désert et des panneaux vantant les sources chaudes. Notre tente se tient seule sous son arbre au milieu de nulle part. Devant nous, le magnifique panorama des montagnes dans la lumière du soir, puis la nuit silencieuse, le désert.
Le lendemain, nous n'avons rien de prévu. Il nous reste une nuit avant de partir pour Las Vegas, nous décidons de la passer ici. Nous voulons retourner ce soir à la Death Valley sur une route que nous n'avons pas visitée hier, mais en attendant, nous n'avons rien de spécial à faire et décidons simplement de nous reposer ici. Nous sommes à quelques kilomètres de la « ville » de Shoshone qui est principalement constituée de quatre bâtiments : la poste et la station-service-boutique d'un côté de la route, et le « Crowbar Cafe & Saloon » ainsi que le « musée » de l'autre. Et oui, il y a un musée à Shoshone. Il y a un petit historique de la ville qui est constitué d'articles résumant la vie d'à peu près tous les habitants ayant vécu à Shoshone (ils ne sont pas très nombreux, à Los Angeles, ce serait plus compliqué) avec coupures de presse et photos pour illustrer. Le trésor du musée est un peu plus loin : un squelette de mammouth exposé entre une vitrine de pierres précieuses et un coyote empaillé. Nous passons plus de temps au Crowbar Cafe & Saloon où nous pouvons nous revigorer à coup de burgers et nous hydrater de limonade et milkshake dans la climatisation qui sent le graillon. Sinon, nous profitons du calme sans pareil de Tecopa. Sous notre arbre dont nous suivons l'ombre, nous lisons nos livres au milieu du désert. Il fait moins chaud que dans la Death Valley, mais il fait chaud quand même. Je me suis baignée à la source le matin, et dans la journée, je passe mon temps à me verser des bouteilles d'eau sur la tête pour me rafraîchir.
Vers le milieu de l'après-midi, nous quittons Tecopa et retournons vers la Death Valley. Nous n'avons pas l'esprit complètement tranquille : le vent se lève et le ciel semble lourd, notre tente n'est pas vraiment conçue pour survivre à une tempête. Enfin bon, on verra bien. Les nuages sont toujours là quand nous arrivons dans la vallée et nous essuyons même quelques gouttes de pluie ! C'est quand même un comble de voir nos premières pluies dans le lieu le plus aride qu'on puisse imaginer. Cependant, il pleut parfois (pas souvent) ici aussi, et c'est même un problème : le sol est tellement sec que l'on peut assister à de fulgurantes inondations. Mourir noyés dans un canyon de la Death Valley, voilà bien une mort stupide. Mais ce ne sera pas aujourd'hui, il ne tombe que quelques gouttes timides et, de toutes façons, nous partons vers les hauteurs. Nous allons voir Dante's View, à 1500 mètres d'altitude. Quelle vue splendide ! Le soleil de la fin d'après-midi perce à travers les nuages, formant des raies de lumière. Les collines arides descendent en vagues colorées dans le brouillard. Loin en contre-bas, La vallée semble couler, comme une rivière immobile striée de langues de sel argentées. Par ailleurs, la température ici est beaucoup plus agréable. On peut se promener un peu sur la crête balayée par le vent. A notre retour, le ciel s'illumine d'un arc en ciel. Un arc en ciel sur la Death Valley, spectacle rare et beau... Nous redescendons dans la fournaise pour voir le fameux Zabriskie Point où la roche est connue pour former de magnifiques circonvolutions comme un drap qu'on aurait froisser. C'est beau en effet, surtout dans le soleil couchant mais il est difficile d'admirer car il souffle un vent très fort et très chaud. On a l'impression de se promener sous un sèche cheveux géant. Quel univers étrange et hostile.
L'hostilité, au delà de la beauté, c'est aussi ce que je retiens du désert. Il y a la chaleur, la sécheresse ainsi que la faune inquiétante des lieux. Au Dante's View, il y avait ces horribles fourmis géantes volantes tout à fait effrayantes. A l'entrée du parking, un panneau indiquait sobrement « Bee Hazard ». Sans doute que « bee » (abeille) était le mot le plus adéquat, « fourmi mutante » aurait effrayé les touristes. Au camping, je verrai le soir même un horrible scorpion vert à la lumière de la lampe de poche. Après ça, nous ne marcherons plus qu'à pas précautionneux en scrutant le moindre cailloux. Et puis il y a ces gros taons qui nous poursuivent parfois et qui m'ont même piquée une ou deux fois, brrr ! Voilà pour les animaux que je serai bien contente de laisser derrière moi dans leur plaine de cailloux desséchée. Enfin, la dernière nuit au camping n'est pas très agréable. Le vent a foutu notre tente par terre. Les affaires sont sans dessus-dessous mais rien n'est cassé et l'on redresse la tente qui tient tant bien que mal. Elle se déforme sous les bourrasques pressant la paroi contre mon modeste lit. Cependant, c'est quand le vent s'arrête que j'ai du mal à dormir. Il fait chaud, très chaud, je transpire, suffoque et regrette les gouttes de pluies qui traversaient plus tôt la moustiquaire laissée sans protection. Au matin, on ne traîne pas longtemps dans le soleil et la poussière. Nous avons vu les beautés du désert, nous avons vu la vallée, les roches rouges, les plaines desséchées et nous ne sommes pas mécontents d'en partir. L'idée de dormir dans un vrai lit n'est pas désagréable. Un univers complètement différent nous attend : direction Las Vegas !