Ce lundi matin, nous avons déposé la petite famille tôt à l'aéroport de Dubrovnik pour leur avion de 9h. Nous ne sommes plus que deux avec encore une semaine devant nous et pas de planning précis. J'aime me retrouver sur la route, passeport en poche, libre, sans réservation, sans savoir où l'on passera la nuit ce soir.
Nous avons gardé un mauvais souvenir du passage de la frontière sur la grande route qui relie Dubrovnik à Herceg Novi. Hier, dans le sens Monténégro-Croatie, c'est passé très vite, mais nous avons pu voir une file de voitures côté croate similaire à celle où nous sommes restés 3h il y a deux semaines. L'idée de nous retrouver coincés au même endroit une seconde fois est juste trop désagréable : nous prendrons une autre route.
Comme nous voulons aller vers le nord, l'idée est de passer par la Bosnie ce qui, par ailleurs, flatte notre esprit voyageur : encore un nouveau pays. Le passage de frontière Croatie-Bosnie se révèle quasi instantané. Il n'est même pas 11h quand nous arrivons dans la jolie petite ville de Trebinje. Nous sommes en Herzégovine, et en République Serbe de Bosnie. Pendant la guerre, Trebinje servait de base militaire aux serbes, en particulier lors du siège de Dubrovnik. Les conflits ont accentué les polarisations de population et d'après Wikipedia, la grande majorité des habitants est maintenant serbe. Cependant, on trouve dans la vieille ville une mosquée du 18ème siècle qui a échappé aux destructions.
Notre premier soucis est de tirer de l'argent bosniaque. Pas très sûrs du temps que nous allons passer, nous prenons 200 marks mais très vite, nous réalisons que c'est trop. En effet, les prix nous semblent incroyablement bas et comme il est encore tôt, nous ne passerons certainement pas la nuit en Bosnie. La ville est agréable. Après la frénésie de la côte, il est reposant de se retrouver dans un endroit calme, une vieille ville pas encore envahie par le flot touristique. Nous marchons dans ses jolies rues, tournons un peu en rond, puis terminons sur une jolie place animée d'un marché. Installés à la terrasse d'un hôtel, nous déjeunons de fromage et jambon.
Que faire à présent ? Nous avons récupéré des plans à l'office du tourisme. Il n'y a pas énormément d'informations mais visiblement, l'attraction locale est de visiter des monastères. Il y en a un qui domine la ville sur une colline, c'est là que nous allons d'abord. Nous n'avons aucune idée de ce que nous visitons. C'est une jolie petite église orthodoxe en briques rouges et entièrement peinte à l'intérieur. En réalité, c'est une copie récente d'un monastère du 14ème siècle situé au Kosovo. Il offre aussi un beau point de vue sur la ville et la plaine desséchée sous le soleil. La rivière Trebisnjica serpente et on voit le joli pont à arches du 16ème siècle dont la photo est partout.
De là haut, nous reprenons la route avec l'idée de trouver les autres monastères. Nous suivons le panneau vers "Saint-Pierre Saint-Paul" qui mentionne aussi une grotte. Seulement les indications sont très parcellaires. Elles nous envoient dans une direction puis ne nous donnent plus aucune information, nous laissant rouler des kilomètres dans la plaine poussiéreuse. Nous faisons demi-tour, explorons les chemins, visitons de charmants villages. À chaque fois que nous pensons laisser tomber, nous découvrons un nouveau panneau à moitié caché qui semble contredire le précédent et nous partons explorer une nouvelle route. À un moment, perdus dans la campagne, Seb remarque un plan affiché en grand : c'est sans doute une carte touristique et le monastère y sera indiqué ! En réalité, c'est un plan des terrains minés dans les environs... Alors que nous avions perdu tout espoir, Seb, pris d'un doute, s'arrête au bord d'un chemin. Le monastère est juste là. On ne trouve ni la grotte, ni les ruines du V ème siècle, seulement quelques bâtiments modernes en pierre, assez mignons. Mais cette fois, ça nous suffit et on repart vers le Monténégro. En chemin, on se demande ce qu'on va faire des plus de 100 marks qu'il nous reste : acheter 200 boules de glaces ? 300 litres d'eau ? 400 cartes postales ? Finalement, nous pourrons les changer à l'aéroport au retour et récupérerons un peu plus de 50 euros.
La route longe la rivière Trebisnjica où nous croisons quelques baigneurs. Plus nous avançons, plus le paysage devient vert et escarpé. Nous montons petit à petit dans la montagne. Puis la rivière disparaît et nous voilà au milieu de hautes falaises et de panoramas époustouflant. Le paroxysme est atteint au niveau de la frontière, au sommet d'un pic rocheux. Il n'y a aucune attente au passage du premier poste de douane pour quitter la Bosnie. Nous nous félicitions déjà de ce chemin et d'avoir ainsi évité les 3h de queue du passage Dubrovnik-Herceg Novi, quand nous voilà bloqués entre les deux postes frontières, pour entrer au Monténégro. Il n'y a pas énormément de voitures mais ça n'avance juste pas. Pendant deux heures, nous pouvons admirer le panorama… Dans la file de voitures, ça commence à s'énerver. Il y en a qui doublent tout le monde, d'autres qui klaxonnent, on entend des disputes qui éclatent. Il y a tout un groupe d'Italiens. Certains semblent parlementer avec les douaniers sans grand succès. La plupart du temps, ils courent juste d'un véhicule à l'autre à travers la file comme pour apporter une information urgente suivant une logique qui m'échappe. Enfin, nous atteignons le poste frontière et là, comble de l'absurdité, le douanier n'ouvre même pas les passeports ! Il les prend en main avec les papiers de la voiture et nous pose une question que nous ne comprenons pas. Alors il nous les rend et nous fait signe d'avancer… Nous voilà à nouveau au Monténégro.
Nous roulons encore jusqu'à Niksic où nous voulons passer la nuit. C'est une ville sans grand intérêt, qui rappelle surtout le passé communiste du pays dans son architecture. Il y a très peu d'hôtels. Celui où nous voudrions aller est plein : ils nous en conseillent un autre mais les critiques sur internet parlent de puces, de chambres sales et du "pire hôtel" et en plus, cher. Sur booking, on trouve surtout des chambres et appartements. Seb nous conduit au milieu de nulle part, dans une maison avec jardin où un vieux monsieur nous propose des lits dans une cave pour 10 euros. Nous continuons de chercher. Je trouve un établissement "Orange guest house" sur booking. Mais à l'adresse indiquée, il y a un club de karaté et un vendeur de parquet. Cependant, j'ai bien envoyé une réservation et cherche à contacter l'hôte. C'est lui qui m'écrit sur Whatsapp : il ne peut pas nous donner la chambre sur booking mais nous propose l'appartement de sa voisine au même prix "tout neuf". Il fait presque nuit, nous sommes fatigués, nous l'attendons las et résignés. L'appartement de sa voisine est à 5 minutes à pied. Quand il dit neuf, cela signifie "pas terminé" : les escaliers ne sont pas peints, il manque la moitié des meubles dans l'appartement. Mais bon, il y a des lits et on en a marre de chercher, on paye les 25 euros et on va dîner en ville en haut de la grosse colline. Il n'y a pas de clim dans l'appartement, la fenêtre ne s'ouvre pas complètement et il fait chaud : on aurait du prendre les lits dans la cave, au moins on aurait été au frais !
Le lendemain, avant de monter vers les montagnes du Durmitor au nord du pays. Nous descendons de quelques kilomètres au sud pour visiter le célèbre monastère d'Ostrog. Il se situe au bout d'une jolie route de montagne. Plus on avance, plus cela devient compliqué de se croiser. Surtout, que régulièrement, il faut composer avec des gros bus de touristes. Nous montons aussi haut que possible mais, une fois garés, il faut encore grimper un long escalier, heureusement ombragé. Là haut, nous sommes accueillis par de la musique liturgique déversée par des hauts parleurs. Les bâtiments du monastère sont directement logés dans la montagne. La plupart ont été détruits par un incendie et reconstruits en 1926. Il serait intéressant de visiter l'intérieur mais la file de pèlerins est longue et s'étale sous le soleil de midi. Mon ardeur religieuse n'étant pas très développée et mon intérêt architectural vite modéré par la perspective d'attendre en plein soleil, nous nous contentons de la vue extérieure sur la belle église blanche. Nous reprenons le chemin de la voiture et roulons cette fois vers le nord, vers le Durmitor.