Samedi soir, après 6 heures de route à travers le bas Caucase, nous voilà à Gonio, petit village balnéaire au sud de Batumi. En fait de village, c'est une succession de petits hôtels au bord de la plage. Le nôtre est tourné vers la mer, il n'est pas en première ligne mais nous voyons les eaux blanches du soir depuis notre fenêtre. Sur tous les balcons, sèchent les restes d'une journée de plage. Nous dînons dans un petit café qui nous sert des saucisses kebabs dans du pain libanais. Nous avons réservé 4 nuits sur la mer Noire : 3 jours pour nous reposer après un peu plus d'une semaine de vagabondage. Le premier jour, on se repose en effet : il pleut toute la journée. Nous allons voir la mer après le petit-déjeuner, le ciel est gris et lourd mais encore sec. La plage est faite de galets. Avec l'orage qui menace, impossible de se baigner aujourd'hui. Les galets descendent à pic et la mer Noire les balaie de rouleaux violents. Même marcher les pieds dans l'eau semble dangereux tant on peut être surpris par l'écume soudaine d'une vague plus forte. J'observe une jeune femme blonde en équilibre précaire sur la pente de cailloux qui, imprudente, est au téléphone (ce n'est pas très prudent pour elle-même et encore moins pour son téléphone). Malgré le vent, je pourrais rester longtemps à écouter le bruit des galets emportés par le ressac mais nous sommes chassés de la plage par une forte averse.
Plus tard, le temps semble se dégager et nous prenons la voiture pour aller à Batumi. La route entre Gonio et Batumi est une longue voie rapide où les bolides se doublent sans prudence aucune et klaxonnent pour écarter les véhicules étourdis ainsi que les vaches indifférentes, seules vraies maitresses de la route. En se rapprochant de la ville, les signes de la laideur urbaine entourant toute grande aglomération se multiplient. Sur de grands panneaux, brillent les réclames tapageuses pour les casinos de la côte où se retrouvent sans doute les mafias russes, turques et géorgiennes. Quand elle entre dans la ville, la voie rapide se transforme en rue encombrée et chaotique. Nous verrons peu le centre ville, il semble un mélange hétéroclite de villas de vacances mignonnettes et horribles immeubles délabrés. Le boulevard qui longe la plage est bordé des constructions extravagantes des hôtels de luxe. On traverse un grand parc où l'on trouve des paons et des oiseaux en cage. De l'autre côté, toujours la même plage de galets. Le temps maussade a chassé les touristes et les chaises longues restent vides. Nous déjeunons dans un café où la musique est trop forte. Au loin, nous voyons l'étrange ligne d'horizon qui passe du noir au blanc sous les nuages. Bientôt la pluie déferle et chassent les derniers promeneurs. Nous rentrons à l'hôtel et y restons jusqu'au soir : il n'arrête pas de pleuvoir. Nous subissons une coupure de courant. Nous pensons qu'elle est dûe à l'orage mais en fait, il y aura des coupures tous les jours entre 30 minutes et une heure à chaque fois. Dans la soirée , le temps se dégage et nous pouvons ressortir. Une grande promenade de béton a été aménagée le long de la plage de Gonyo, mais elle manque justement d'aménagements. Nous voyons surtout des terrains vagues, des maisons abandonnées, des hôtels pas terminés. Enfin, on trouve une petite paillote où ils servent à manger. On voudrait profiter tranquilles du coucher de soleil mais c'était sans compter le chanteur local qui braille dans un micro en s'accompagnant d'un ampli. Le menu n'est pas en anglais, et avec la musique, il est difficile de se faire comprendre : nous attendons une heure pour une assiette de frites et une galette fourrée à la viande. Promis, demain, on fera mieux. Dans la nuit, on attend à nouveau gronder l'orage.
Le deuxième jour, le temps s'est bien amélioré. Première étape : la plage ! Cette fois, on peut se baigner. La mer est encore assez forte, il faut passer la ligne des rouleaux sans se casser la figure sur les cailloux. Ce n'est pas à la portée de tous (Seb a bien du mal), beaucoup de jeunes enfants se contentent de jouer dans l'écume. Mais l'eau est si agréable et derrière les rouleaux, on peut nager sans problèmes. Avec le retour du beau temps, la journée s'annonce beaucoup plus agréable. Dans l'après-midi, nous visitons le jardin botanique : belle promenade sur les collines descendant vers la mer. Et le soir, la fortune nous sourit. Nous trouvons un autre café beaucoup plus agréable que celui de la veille. Cette fois, la musique est à un niveau acceptable et, avec l'aide de la jeune serveuse souriante, nous commandons de délicieux plats géorgiens à base de viande grillée et légumes. Cette fois, nous l'avons notre coucher de soleil dans la mer après une douce journée d'été...
Le troisième jour, il fait encore plus beau. Les chaises longues se sont multipliées sur la plage et les corps trop blancs se font griller au soleil. Aujourd'hui, les vagues semblent presque inoffensives et l'on voit fleurir les bouées et autres flotteurs plein de bambins. Nous voulons aller faire une promenade dans le parc national au nord de Batumi. Comme nous ne savons pas exactement où se trouve l'entrée, nous prenons une route hasard qui semble aller dans la bonne direction. En fait, si nous avions patienté encore quelques centaines de mètres, nous aurions vu le grand panneau qui annonçait le parc. La route que nous avons prise menait au parc elle aussi, mais elle avait beaucoup plus de bosses et de cailloux. De toutes façon, une fois dans le parc, il n'y a qu'une seule route et elle est difficilement pratiquable. Nous roulons un moment mais décidons de renoncer de peur d'abimer la voiture. Nous continuons à pied. Ce n'est donc pas la promenade officielle : nous nous baladons simplement sur la route qui mène au début du chemin de randonnée (que nous n'atteindrons même pas). Mais cela reste agréable, nous sommes dans les montagnes, entourés de brume et une belle rivière coule le long du chemin. Au retour, je trouverai même le moyen d'aller me plonger dans ses eaux froides. Notre balade dure plusieurs heures et nous rentrons à la nuit tombée avec sur nos jambes les gentils boutons souvenirs laissés par les moucherons. Nous dînons à nouveau dans notre agréable bar avant de dire adieu à la mer Noire. Nous nous baignons une dernière fois le mercredi matin avant de partir pour de bon...