L'entrée du parc Queen Elizabeth se situe à quelques kilomètres au sud de Kasese. On y accède par une route goudronnée très bien entretenue, avec marquages au sol et panneaux d'indication (une première...). On s’arrête au moment de passer l'équateur. La ligne géographique est symbolisée au sol par de larges tubes en pierre où l'on peut se prendre en photo. Nous voilà dans l’hémisphère sud.
Après quelques kilomètres, on doit quitter la route goudronnée pour suivre une piste de gravier poussiéreuse et cahotante pendant une demie heure. Autour de nous : la savane, sèche et jaune. Nous n'avons pas encore vu d'animaux. Enfin, nous arrivons à une première barrière où il nous faut payer l'entrée du parc. C'est la route qui mène à la péninsule de Mweya où nous voulons passer la nuit. Le garde nous donne plein d'informations que nous essayons d'assimiler, voici à quoi ressemble notre conversation alors nous roulons :
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Tu as retenu tout ce qu'il a dit ?
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Non, pas vraiment, mais j'ai compris qu'il fallait qu'on aille prendre le bateau vers 14h. Ca semblait le plus important, le reste on verra plus tard.
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Oui, c'est aussi ce que j'ai retenu.
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Il a parlé d'autre chose, mais j'ai pas tout capté, peut-être que... Ah !! Ah !! Un éléphant !! Stop ! Stop ! Un éléphant ! Un éléphant !
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Hein ?! Quoi ? Où ?
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Là ! Là ! Stop ! Recule ! Recule ! Marche arrière ! Marche arrière !
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Une minute...
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Là, regarde, juste là, un éléphant !
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Ah oui !
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Tu vois !! Ah ! Ah ! Un bébé éléphant ! Un bébé éléphant !
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Oh !
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Euh oui, bon maintenant, peut-être qu'on devrait continuer d'avancer, on voudrait pas la mettre en colère non plus....
Notre première rencontre avec la vie sauvage du parc : une mère éléphant et son petit, à quelques mètres à peine, sur le bord de la route... Nous sommes plus chanceux que les militaires français. Nous arrivons au centre d'information où il ne semble pas si simple d'obtenir des informations claires... C'est là que nous pouvons payer pour le camping et réserver les différentes activités : on s'inscrit pour la balade en bateau de 15h. Sur le parking : des 4x4 de touristes, des bus d'écoliers et un cochon sauvage avec ses petits, attraction principale d'une foule excitée qui le matraque de photos. La femelle semble un peu inquiète et regarde autour d'elle cherchant où se mettre à l’abri (elle n'est pas au meilleur endroit). Parfois, elle charge légèrement en grognant ce qui fait hurler de rire et de peur les écoliers. C'est un phacochère (warthog), une sorte de petit sanglier avec une tête amusante (le Pumba du roi lion pour ceux qui connaissent).
Nous rejoignons le camping. Pour nous accueillir : une famille d'antilopes sur le bord de la route qu'on croirait sorties d'une publicité pour le parc. On plante notre tente au milieu de la savane, dans les buissons et la poussière. Le lac Edward est en contrebas, la nature sauvage tout autour de nous. Il y a deux autres tentes dans le camping. L'une d'elle est aussi une « Road Trip Uganda », on observe comment elle est montée car, la première fois, on avait un peu loupé : on ne savait pas quoi faire du troisième bâton et la porte pendait lamentablement. Cette fois, on s'en sort un peu mieux. Il est 13h et le soleil tape. On se repose à l'ombre d'un petit chapiteau en pierre. Les autres familles sont en train de préparer leurs déjeuners. Nous, on boit nos bouteille d'eau en grignotant nos crackers et nos amandes.
Quand vient l'heure, on repasse au centre d'information pour payer la nuit de camping et la balade en bateau (pour une raison pas très claire, on ne pouvait pas le faire tout à l'heure) puis on descend à l'embarcadère. Nous sommes accueillis par une jeune guide, installés sur nos sièges et emmitouflés dans de gros gilets de sauvetage. Le départ du bateau me rappelle un peu Disneyland ou bien une colonie de vacances : des groupes de touristes excités poussent des gloussements, se prennent en photo partout et applaudissent à tout va. Il faut dire qu'on est dans le coin le plus touristique du parc. Un hôtel de luxe partage la même péninsule que le camping. J'étouffe un peu sous le gilet, dans la chaleur de l'après-midi. Enfin, le bateau démarre. Certains se rendent sur le toit. Le pilote nous explique qu'on ne doit pas tous se mettre du même côté, car ça nous fait pencher. Mais étant donné que les animaux sont toujours d'un seul côté, c'est un peu peine perdue. Tout au long de la balade, il criera régulièrement « please, balance the boat ! Please, balance the boat ! ».
Les grandes stars du voyage, ce sont les hippopotames. Ils nagent autour de nous, presque invisibles, sortant simplement de temps en temps leurs grosses têtes luisantes. Les rivages sont dignes des plus beaux documentaires animaliers : des troupeaux entiers d'éléphants, d'antilopes, de buffles qui viennent s'abreuver dans le lac, des myriades d'oiseaux qui volent et plongent pour pêcher. Voilà une centaine de cormorans installés au soleil, séchant leurs ailes dans le vent et là derrière le groupe d'hippopotames, ce sont des pélicans. Les petits oiseaux tachetés de bleu et blanc qui font leurs nids le long de l'eau sont les Kingfisher (même famille que les Martin-Pêcheurs), ils plongent droit dans l'eau pour attraper les poissons. Et ces grands rapaces, ce sont des Fish Eagles. En guest star, nous avons le droit à deux crocodiles du Nil, tellement immobiles que nous ne les aurions jamais vus si la guide ne les avait pas indiqués. Ils sont un danger pour les communautés locales qui pèchent dans le lac et se baignent dans ses eaux. Nous croisons d'ailleurs les villageois sur leurs longues barques. La vie dans le parc est très réglementée (l'agriculture est interdite) mais les autorités arrivent tout de même à maintenir la cohabitation avec les habitants d'origine. Ces derniers sont par ailleurs peu nombreux : les humains ayant désertés la zone suite à des épidémies meurtrières de maladie du sommeil.
Nous voilà de retour. La guide du bateau nous propose de partir tout de suite pour un « evening drive ». Je commence à comprendre comment fonctionne le parc. Il est parcouru de nombreuses pistes qu'on appelle « Game Drive ». On peut les prendre seul en voiture (de jour seulement) mais aussi embaucher un guide pour deux heures qui vient avec nous dans le véhicule, nous aide à repérer les animaux et nous montre les meilleurs endroits. C'est donc ce que nous faisons et nous voilà partis avec Hariett comme guide. On commence par quitter la péninsule (qui n'est pas le meilleur endroit) et rouler une demi-heure sur la désagréable piste de cailloux pour rejoindre un game drive réputé.
Il est déjà 17h30 et le soleil commence à baisser. La savane est couverte de hautes herbes qui rougeoient dans la lumière de fin d'après-midi. Le but ultime, le rêve recherché par tous, est de trouver les lions ! Mais ils sont difficiles à voir, cachés dans les grandes herbes, silencieux et discrets. Le second choix, ce sont les éléphants (au moins, eux, on les repère facilement). Enfin, les antilopes sont le lot de consolation. Elles sont tellement nombreuses qu'on ne peut pas les louper. Partout sautillent les petits « kobs » et régulièrement, nous croisons les plus grands et majestueux « waterbucks ».
Nous sommes chanceux, très rapidement, la guide repère un lion dans les hautes herbes. Plus précisément, c'est une lionne et nous voyons son ombre tranquille avancer à contre jour dans le soleil couchant. Ce moment reste un souvenir assez magique. Bien sûr, j'ai déjà vu des lions dans des zoos (de beaucoup plus près !) mais être si proche d'un lion sauvage qui se déplace ainsi dans la savane n'a rien à voir. D'un seul coup, nous partageons son univers, nous sommes les intrus. Elle va se lever ce soir, aller chasser des antilopes puis se recoucher au matin, en ignorant les paparazzis en 4x4 qui la poursuivent chaque jour. Plus tard, nous trouvons d'autres véhicules arrêtés et scrutons un long moment un bosquet à l’affût d'autres lionnes. Nous croiseront aussi un éléphant puis rentreront au camping tandis que le soleil se couche sur la savane. Nous prenons notre dîner à la petite cantine de la péninsule. Les chauves-souris volettent autour de nous. L'une d'elle est coincée dans la salle du restaurant et tourne en rond désespérément pendant tout le repas. La nuit est chaude mais tranquille. Lors de l’excursion toilette à 3h du matin, nous nous munissons de lampes de poches, sortant avec la crainte mêlée d'excitation de croiser un hippopotame. Ça ne sera pas le cas, mais nous savons qu'ils rodent autour des tentes (nous les entendons).