Nous arrivons à Saint-Vincent le jeudi 21 au matin par l'avion de 7h45. Nous passons vite les formalités d'entrée car il y a très peu de passagers : l'avion n'est déjà pas très grand, mais en plus il repart vers Tridinad et tout le monde ne descend pas. Cependant, le voyage commence mal car il nous manque un sac, oublié ou perdu par la compagnie aérienne lors du très court trajet. Après avoir rempli les papiers, nous prenons le taxi pour rejoindre notre hôtel, Crystal Heights. C'est une belle maison, au bout d'une pointe sur une colline entre l'aéroport et la ville. A nouveau, nous sommes les seuls clients. Nous avons un grand appartement et une vue splendide sur la mer et les îles des Grenadines, en particulier celle de Bequia dont les falaises surplombent la mer à quelques kilomètres à peine.
Arrivés tôt, la journée est surtout consacrée au repos, nous prenons un bon petit déjeuner sur le balcon avant de faire une sieste à l'appartement. La première expédition de la journée est destinée à aller faire des courses. Nous marchons avec entrain, remontant la colline pour rejoindre le petit supermarché. Depuis la route, nous admirons la magnifique vue sur la baie en contre-bas, la mer est d'un bleu très sombre qui tranche sur le ciel plus clair et les collines recouvertes de végétation. Notre hôtel est situé dans un agréable quartier résidentiel et nous passons à côté de petites villas colorées, aux jardins remplis d'arbres fruitiers et de fleurs exubérantes. Parfois, nous croisons une chèvre attachée à son piquet ou quelques poules au regard vide. Nous arrivons à la petite supérette et y achetons de quoi nous cuisiner plusieurs repas. Nous prenons aussi des fruits, dont des pommes cannelles que nous mangeons en marchant. La pomme cannelle ressemble à une petite grappe verte. Du centre du fruit, partent de petites alvéoles qui contiennent une graine noire et se terminent par de gros boutons râpeux. Mais ce qui nous intéresse, c'est la chaire blanche et sucrée qui entoure la graine et qui fond doucement dans notre bouche. Si à l'aller, le chemin a paru simple, au retour, nous nous perdons, grimpant la mauvaise colline et errant sans fin, montant et descendant des rues qui se ressemblent et semblent se jouer de nous. C'est épuisés et assoiffés que nous retrouvons notre appartement. La préparation du repas et sa dégustation nous prennent une bonne partie de l'après-midi et c'est assez tard que nous nous décidons à ressortir. Il nous faut retourner à l'aéroport chercher le sac qui a réapparu. Nous y allons à pied, il faut cette fois descendre la colline. En bas, les habitants semblent plus pauvres. Les maisons sont beaucoup plus modestes, parfois construites de bois et de tôle. Quelques enfants jouent dehors qui nous regardent avec curiosité. Revenus de l'aéroport, nous passons la soirée à l'appartement, terminant calmement cette première journée à Saint-Vincent.
La deuxième journée n'est pas beaucoup plus active. Nous avons tout de même le courage de descendre à la petite plage en bas de la colline. La mer vient caresser le rivage en jolies vagues rondes et frappe les rochers qui entourent la baie. Plusieurs familles locales se baignent tranquillement. A peine arrivés, nous voilà entourés de plusieurs petits gamins. Assez vite, je comprends ce qu'ils veulent. Ils ont vu les masques et tubas dans nos sacs et me supplient de leur les prêter. J'accepte sans remords car je ne pense pas en avoir l'utilité sur cette plage là. Une fois dans l'eau, alors que certains jouent avec les masques (il nous faudra attendre qu'ils aient tous eu leur tour avant de partir), d'autres viennent me parler. Ils crient tous en même temps avec un très fort accent et le bruit des vagues couvre leurs voix : en fait je ne comprends rien à ce qu'ils me disent. Ils veulent jouer avec moi et le plus jeune d'entre eux qui doit avoir 4 ou 5 ans saute dans mes bras et s'amuse avec moi dans les vagues. Il est attachant et comme il est plus près de moi, je comprends mieux ce qu'il me raconte, en particulier la description de ma couleur de peau : "White, red and spotty". Nous prenons plusieurs photos des petits et de leur famille, les laissons jouer longtemps avec les masques et partons sans leur promettre de revenir le lendemain comme ils le voudraient.
Plus tard dans l'après midi, nous descendons à Kingstown pour la première fois. C'est la femme de ménage qui nous accompagne à pied et qui nous donne de très nombreuses explications sur comment prendre le bus au retour même si cela reste assez peu clair pour nous. La ville de Kingstown est en fait assez petite, les habitations s'étalent sur les collines alentour et le centre ne se concentre que sur trois rues parallèles animées aujourd'hui de multiples étals de marché divers vendant des fruits, des boissons à emporter ou encore des Cds et DVDs. Les bâtiments sont de tailles et couleurs inégales, ils renferment surtout des commerces et des administrations, les habitations étant plus loin. Nous ne restons pas longtemps, juste le temps de faire tamponner le permis de Sébastien et de vérifier les horaires de bateaux.
La vraie découverte de l'île commence le samedi grâce à la voiture que nous avons louée pour le week-end. Aujourd'hui, nous avons décidé de remonter la côte atlantique. Nous roulons donc vers l'est, traversant le sud de l'île. Nous sommes passés par l'intérieur des terres car nous souhaitions voir d'anciennes inscriptions des indiens caraïbes. Le plus intéressant est de chercher ce lieu car nous prenons une multitude de petites routes sur lesquels nous nous perdons et demandons notre chemin : les habitants de Saint-Vincent sont particulièrement sympathiques et toujours prêt à nous aider. Nous finissons par trouver l'endroit mais découvrons qu'il faut marcher une demie heure et payer un guide : nous abandonnons le projet. Nous rejoignons donc la côte et montons vers le nord.
La route longe l'océan, découvrant de magnifique panoramas sur les imposants rouleaux qui viennent s'éclater contre la côte. Arrêtés sur une magnifique plage, nous admirons la mer puissante balayer la plage de son écume blanche. Les arbres à terre et les débris témoignent de la violence des derniers ouragans. Nous traversons la ville de Georgetown qui étale ses maisons poussiéreuses le long de la côte pleine de vent. Nous continuons plus au nord où la route devient plus étroite et grimpe dans les collines. A chaque sommet, un nouveau panorama incroyable nous attend, la houle bleue sombre vient se briser contre les falaises et pénètre encore puissante dans les baies agitées de ses caprices. Les collines la surplombent, tranchant entre la mer et le ciel par le vert vif de leur végétation tropicale. Au bout d'une route sablonneuse parsemée de quelques modestes petites maisons, nous arrivons à "Salty Pound". En haut de la colline, voici d'un seul coup un magnifique petit parc : l'herbe y est bien coupée, des tables ombragées attendent sous les arbres, des enfants jouent sur des balançoires. Il est étonnant de trouver un si joli endroit dans un coin qui semble si reculé et loin de tout. En contre bas, nous apercevons la plage. La pointe rocailleuse s'avance dans l'océan et les rochers ont formé un petit étang d'eau de mer à l'abris de la fureur des vagues. Le bassin n'est pas bien grand mais il est assez profond par endroit, assez pour ne plus avoir pied et même plonger comme le font certains. L'eau y est turquoise et peuplée de petits poissons. La chose la plus agréable à faire est de s'accrocher au rocher qui nous sépare de la mer et d'attendre qu'une grosse vague vienne nous rafraîchir de son écume blanche telle une chute d'eau éphémère. Plus tard, j'irai aussi m’asseoir plus près de l'océan pour voir les magnifiques rouleaux et attendre qu'ils m'éclaboussent gentiment. Nous quittons ce petit paradis juste à temps pour arriver chez nous à la tombée de la nuit.
Le dimanche, nous avons prévu une promenade dans la forêt. Il aurait fallu s'y rendre tôt le matin, mais paresseux et lents, nous n'arrivons là bas que vers 9h30. Le chemin traverse la forêt tropicale et surtout l'habitat du perroquet, animal protégé de l'île. Le chemin est facile à suivre, ce qui est rassurant car je ne voudrais pas me perdre au milieu de cette végétation incroyable. Les grands arbres nous surplombent, nous cachant le ciel de leur dense canopée. Il y a d'abord des pins qui ont été plantés là pour maintenir le sol, puis la forêt originelle, impressionnante de diversité et de vie. J'ai vu le monde minéral en Islande, je suis ici dans celui du végétal, le chemin est parcouru des racines entrelacées des arbres qui sillonnent le sol telles des doigts osseux. Les fougères poussent partout recouvrant la terre de leurs larges feuilles. Les arbres montent haut dans le ciel, d'autres plantes poussent le long de leurs troncs et tout semble lié par des lianes et des branches. Nous entendons les perroquets mais nous ne les voyons que peu et nous devons nous contenter de quelques battements d'ailes dans le ciel. La pluie nous surprend sur le chemin du retour, la forêt bruisse de toute part, les feuilles tremblent et la terre devient glissante. Nous accueillons avec bonheur l'eau fraîche sur nos visages.
Pour la suite de la journée, nous décidons de rejoindre une plage. Nous continuons sur la côte caraïbe et prenons une route un peu au hasard dans un petit village. Nous contournons une colline en sautant sur des bosses et des trous jusqu'à ce qu'une magnifique baie apparaisse en contre bas. La plage est déserte, il semble qu'il y ai eut un projet d'hôtel ou de maisons mais qui a l'air abandonné. Nous nous installons à l'ombre sur une table de pique-nique en mauvais état. Les petits crabes sortent de leurs trous pour nous saluer. La baie est entourée de rochers, l'eau est calme et transparente, c'est parfait pour sortir nos masques et tubas. Et en effet, quelle vie sous la surface ! Nous voyons quantité de poissons, de formes et couleurs extravagantes. Ils nagent en groupe juste en dessous de nous. Leur tête est souvent colorée différemment du reste de leur corps : bleu et jaune, gris et rouge, ... Certains sont rayés ou tachetés de paillettes. Nous en voyons des très long qui ont comme un bec de couleur au bout de leur corps. Et puis, il y a les coraux. On en voit des blancs qui forment comme de grosses boules décorées d'arabesque. Ceux que je préfère sont les jaunes qui ressemblent à des cheminées futuristes. Nous passons l'après-midi à nager, à nous reposer sur le sable, à barboter dans l'eau. Le temps semble arrêté et notre seul souci est de nous protéger du soleil qui tape avec une force impressionnante.
Nous repartons vers la ville en fin d'après-midi et admirons le soleil couchant à Fort Charlotte. Depuis cette pointe au dessus de Kingstown, on peut voir plusieurs îles des Grenadine ainsi qu'une vue magnifique sur le reste de l'île. Nous suivons un guide dont le rythme lent et amical convient bien à l'ambiance du pays. Nous sommes dans un ancien fort construit par les anglais. Il faut savoir que Saint-Vincent a été pendant longtemps le refuge des indiens caraïbes qui fuyaient les autres îles envahies par les français et les anglais. L'île a aussi servi de retraite aux esclaves échappés de la Barbade qui ont d'abord été accueillis par les caraïbes. Leur métissage a donné ceux qu'on a appelés les "Black Carribs". Mais des tensions ont éclatées entre les anciens esclaves et les indiens caraïbes, ce qui fait que ces derniers ont fini par s'allier avec les français qui voulaient reprendre le contrôle de l'île. La défaite de de la France face à l'Angleterre a ensuite fait leur malheur car ils sont toujours restés hostiles aux anglais et ont fini par être déportés vers l'Amérique centrale. L'histoire des indiens caraïbes et de l'esclavage est passionnante, j'en découvre en ce moment une partie en lisant le Voyage aux Iles du père Labat. Et voilà que nous terminons notre séjour à Saint-Vincent, île sauvage où la vie coule le long des petites rues colorées et où les habitants vous saluent pleins de sourires. Le tourisme y est assez sous exploité car les Grenadines attirent tous les regards. Mais pourtant, elle vaut le coup d'être parcourue et j'en garderai un très agréable souvenir.