National Parks 1

L'après-midi est déjà bien avancée quand nous entrons dans le "Jasper National Park", accueillis par les hautes montagnes et les forêts sauvages. Bien sûr, nous n'avons rien réservé, rien prévu, nous sommes samedi et un panneau nous indique que la plupart des campings sont pleins... Notre seule chance se situe au niveau de la Snaring river que nous pouvons situer grâce au guide pris à l'entrée. Il nous faut rouler encore un moment, dépasser la petite ville de Jasper, et encore rouler plus loin vers le nord-est.

Le "Snaring river campground" est plein comme nous pouvons nous en assurer nous même, mais il est suivi du bien nommé "overflow campground". Le lieu se présente comme une série de longs terrains vagues caillouteux sur lesquels s'installent les camping-cars dans une certaine anarchie bien loin de l'organisation proprette habituelle. Il y a aussi des tentes, nichées tant bien que mal dans les coins boisés, repoussant parfois les limites pas très bien définies du terrain. Le camping ne peut pas être plein car il n'y a pas d'emplacements numérotés... Tant qu'on trouve une place, alors on peut s'installer. C'est ce que nous faisons. Nous roulons autour des terrains vagues à camping-cars, repérons un coin de forêt pas trop peuplé, avançons un peu à pied dans les bois et nous décidons sur un coin de mousse recouvert de pommes de pin et entouré de troncs morts. Après avoir nettoyé les pommes de pains, notre emplacement s'avère tout à fait bien. Nous sommes assez isolés des autres campeurs, en pleine nature, en pleine forêt. Des écureuils sautillent dans les bois et les hauts sommets du parc nous surplombent. En terme d'équipement, c'est assez basique : pas de douches, ni même d'eau, simplement des petites cabanes qui offrent des toilettes sèches. On ne peut pas non plus faire de feu. Nous montons la tente, installons nos chaises et grignotons notre repas dans notre petit coin de forêt.

Le lendemain, nous laissons la tente à l'overflow camping et partons en expédition. On s'arrête d'abord à Jasper. Ce fut peut-être une ville autrefois mais maintenant c'est surtout un centre touristique genre Disney Land. Il y a des hôtels, des restaurants et des boutiques de souvenirs partout. On trouve de quoi prendre un bon petit-déjeuner et on dépose notre linge dans une laverie. Nous sommes prêts pour la randonnée !

Notre choix s'est porté sur une balade au sud de la ville dont la difficulté est jugée "moderate" dans le guide. Il faut d'abord conduire 20 minutes pour se rendre au pied du Mont Edith Cavell. Il accueille les visiteurs avec sa crête acérée recouverte de neige et son glacier qui descend presque jusqu'à nous.

La première partie la balade est une petite montée familiale vers le pied du glacier. On peut admirer le mur de glace dont s'échappe une cascade qui descend vers un petit lac d'eau blanche. Nous sommes dans un univers minéral et en observant les pierres, on peut découvrir en plus des petits chipmunks, quelques grosses marmottes qui sortent la tête. Pour beaucoup, venus en familles admirer le glacier, la promenade s'arrête ici. Mais pas pour nous, qui prenons avec les nombreux autres randonneurs le chemin qui s'enfonce dans la montagne. Le but n'est certes pas de grimper sur le Mont Edith Cavel, réservé aux experts, mais d'aller l'admirer de plus haut en se promenant dans des "alpine meadows".

Le chemin grimpe à  travers la forêt. Seb est parti devant. Mes muscles encore douloureux de la montée du Chief ont du mal à se mettre en route. Par ailleurs, j'admire la forêt et cherche sur le chemin un bâton de randonnée  (que je finis par trouver). En bref, je suis lente. Trop lente. Seb, qui est devant, se lamente que je mets trop de temps à monter et qu'il se fait bouffer par les moustiques (c'est vrai). Pensant qu'il allait faire beau, il n'a pas pris sa veste. Or le soleil s'est caché, il pleuviote, il y a du vent et il a froid. Il fait des allers-retours en courant sur le chemin. Moi ça m'agace un peu. J'ai fait des randonnées avec des marcheurs plus expérimentés qui ne me reprochaient pas mon rythme à ce point. Je finis par lui passer un petit châle que je n'utilise pas et qu'il prend comme écharpe. Cela scelle un compromis boudeur.

Entre temps, les arbres se sont faits plus rares, remplacés par la mousse et les bosquets de fleurs sauvages, eux-mêmes, petit à petit, envahis par les cailloux. Ça et là, la longue traînée blanche d'un névé. Un vent froid souffle, le glacier apparaît dans les nuages, parfois illuminé d'un rayon de soleil. Dans ce monde plus minéral, nous retrouvons nos amies les marmottes, grosses peluches amusantes qui sortent leurs têtes de derrière les cailloux. La présence des humains ne semble pas beaucoup les troubler, certaines sont à moins d'un mètre, grignottant la mousse, et semblent à peine nous remarquer.

Nous arrivons à une bifurcation, on peut soit continuer la boucle et redescendre, soit monter d'abord sur une petite crête. "Montons sur la crête", dis-je d'un air décidé. Et puis comme ce n'est pas du tout abrité et que j'ai tout de même pitié de Seb dans le froid, on se met d'accord pour qu'il n'ait pas à m'attendre.

Je commence lentement mon ascension. Il y a surtout des cailloux à présent, plus du tout de fleurs et assez peu de mousse. Cependant, les marmottes sont toujours là, humant l'air de leurs longs museaux curieux. Au bout d'un long moment, je finis par croiser Seb qui redescend. Il me dit qu'il essaiera de m'attendre au niveau de la forêt mais redescendra peut-être jusqu'à la voiture si je mets trop de temps.

Je pensais être presque arrivée, mais au sommet de la crête, le chemin continue ! Personne ne semble s'arrêter là. Alors bon, je marche encore. Plus j'avance, plus je vois de chemin qui continue et continue encore. Il semble se terminer au sommet d'un petit mont qui me semble très loin et très haut. Je ne suis pas trop sûre de jusqu'où Seb est allé. Il avait l'air de dire que la fin était proche (mais a-t-il vraiment dit ça ?) mais par ailleurs, il a mis beaucoup de temps à redescendre. Et puis surtout, pourquoi se serait-il arrêté ? Et pourquoi ne me l'aurait-il pas dit !

Après une jolie éclaircie, le temps se gâte de nouveau et il commence même à pleuvoir. Je ne fais que penser "j'en ai marre, je fais demi-tour, et d'ailleurs, ce sommet est beaucoup trop loin". Cependant, je continue de marcher. Je ne sais pas trop pourquoi, la volonté d'aller au bout, la vexation due aux remarques de Seb. Et ce qui semblait impossible se rapproche de façon certaine. De toutes façons, il pleut, Seb doit sans doute m'attendre à la voiture.

Je suis maintenant au milieu de cailloux noirs recouverts de névés, dans un monde entièrement minéral, sous la brume humide. Je vois autour de moi, dans les nuages, apparaître petit à petit dans ma montée, des sommets qui jusque là m'étaient cachés. Je suis au pied d'un tas rocheux qui forme le fameux sommet qui était si loin il y a peu. Je croise un couple qui redescend : "ce n'est pas si difficile", me disent-ils. N'empêche que cette dernière montée me donne bien de la peine. J'arrive en haut, respiration sifflante et yeux humides, j'y suis. Après réflexion, je me dis que Seb n'est pas monté jusque là, ne serait-ce que parce la descente lui aurait paru trop raide. En effet, je suis obligée d'aller doucement car le sol est couvert de petits cailloux glissants. Une fois ce premier passage terminé, il n'y a plus de problèmes.

Je ne suis pas seule là haut, deux jeunes hommes sont comme moi en train de redescendre. Nous cherchons le chemin ensemble. A l'aller, tout était très clair. A présent, sous la pluie, tout ressemble à des cailloux mouillés. Cependant, la direction générale est simple à voir et je repère facilement la petite crête d'où je viens. D'ailleurs, nous retrouvons le chemin officiel rapidement.

Mon corps est fatigué par la montée et la descente, bien que facile, me paraît longue. Cependant, elle est egayée par le magnifique paysage, le soleil qui revient après la pluie et éclaire le glacier, le vent qui sèche mon pantalon mouillé. Dans la forêt, humide et fleurie, je descends en discutant avec un couple britannique. Je suis contente d'enfin arriver en bas et de retrouver Seb. Il est inquiet de m'avoir attendue si longtemps. Prise dans ma montée, je n'avais pas forcément vu le temps passer. Surtout, il n'avait pas remarqué que le chemin continuait ! Ce qui, à moi, m'a pourtant semblé évident... Il s'en est rendu compte plus tard en ne me voyant pas redescendre et en se renseignant auprès des gens : "yes, we saw her, she was on the way to the very top". C'est un malentendu et nul n'est fautif. Il voudrait m'en vouloir mais n'a pas de raison précise... Épuisés, nous prenons le chemin du retour.

Nous repassons par Jasper où nous devons récupérer le linge et faire quelques courses. Il est 18h30 soit déjà l'heure du repas pour les habitudes locales. Mais je n'ai pas du tout envie de dîner bien que j'ai faim : on avait prévu de pique-niquer pendant la randonnée mais on ne l'a pas fait à cause du temps, je n'ai fait que grignoter quelques barres de céréales. Ce dont j'ai envie, c'est d'un chocolat chaud avec, peut-être, une part de gâteau. Pas de Starbucks dans le coin ni même rien de ressemblant. Le seul café qu'on trouve nous met dehors car ils ne veulent que des gens qui restent pour dîner. On termine chez un glacier à manger d'énormes gaufres recouvertes de glace et de crème chantilly et à boire des chocolats chauds bien trop sucrés.

Pour terminer la journée, nous nous rendons à l'extrémité est du parc, aux Miette Hot Springs. Elles n'ont pas le charme des sources chaudes sauvages de Tofino mais sont tout de même bien agréable. Ici, l'eau a été domptée en une piscine tout confort avec vue sur les montagnes. On en profite pour prendre des douches bienvenues puis on se laisse fondre dans l'eau chaude, soignant ainsi nos muscles endoloris. Le soir est en train de tomber quand nous reprenons la route du camping, le ciel se reflète dans les longs étangs et les montagnes se dessinent en ombres chinoises. On retrouve dans la nuit l'emplacement de notre tente et on se blotti au chaud au coeur de la forêt.

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Vers les Rockies

Le but en quittant Squamish est de rejoindre les montagnes rocheuse dont on nous a loué la beauté. Pour cela, il faut dépasser la chaîne de montagnes qui surplombe Vancouver dans laquelle nous sommes, puis traverser une plaine. Nous comptons 2 jours de trajet.

Nous nous sommes levés un peu tard, avons pris notre temps et fait des courses. Il est presque 13h quand nous quittons réellement Squamish. Nous nous arrêtons pour déjeuner peu de temps après à Whisler. C'est la ville qui a accueilli les jeux olympiques d'hiver : un vrai petit "touristic resort" de montagne avec ses petits chalets mignons et ses multiples activités. On peut lui reprocher d'être un peu trop artificielle, envahie par les résidences secondaires au point de perdre sa spécificité. On voudrait pique-niquer au bord du bien nommé "Green Lake" mais sa rive est soit inaccessible, soit privatisée par les chalets et on ne trouve qu'un minuscule accès avec 3 cailloux pour s'asseoir... C'est là que nous nous installons, pauvres campeurs, pour déjeuner.

Après Whisler, la route continue encore de longs kilomètres à travers les montagnes. Ce qui est impressionnant avec l'Amérique du nord, c'est ces incroyables étendues de nature sauvage. Nous roulons au fond d'une vallée, le long d'une rivière, et pas un seul village, pas une installation humaine, seulement la forêt, la forêt et encore la forêt... Et pourtant, nous sommes encore assez près de Vancouver, rien à voir avec les états du nord encore plus déserts.

Lorsque nous dépassons la petite ville de Lillooet, le paysage change. D'un seul coup, on se croirait au sud de l'Europe ou même au Magreb. Le relief est moins marqué et les pentes sont couvertes d'une végétation sèche et jaune. Bientôt nous roulons au fond d'une large vallée dont les bords sont dessinés par des parois rocheuses aux tons ocres. Au centre, ne coule plus un torrent de montagne mais une large rivière brune. C'est le long de cette rivière, alors que nous approchons de Kamloop, que nous nous arrêtons pour la nuit.

Le camping est assez simple, il y a surtout des camping-cars. Heureusement, un petit espace vert est réservé pour les tentes. Le vent souffle, faisant frémir les bruissons de sauges bleutés qui parsèment la vallée. Le long de la falaise, sur la voie de chemin de fer, passent en grinçant de longs trains de marchandises aux wagons couleur rouille. On se croirait dans un western.

Par ailleurs, tout ici, les noms, les lieux, est emprunt de culture amérindienne. Dans le camping, des panneaux d'information racontent des légendes locales faisant intervenir des animaux et des saisons. J'ai l'impression, qu'après des années de véritable maltraitance, le Canada prend conscience de ses erreurs et de sa responsabilité. Bien sûr, tout n'est pas rose, en témoignent les SDF de Vancouver qui sont nombreux à venir de ces communautés. Mais, au moins en apparence, le pays affiche son respect pour ce qu'on appelle ici les "First Nations". Notre tente est plantée juste à côté d'une tombe indienne. D'après tous les films que j'ai vus, c'est une très mauvaise idée !  Mais cela fait plusieurs jours à présent et il ne semble pas que nous soyons poursuivis par un esprit quelconque.

Au niveau du camping, une petite déviation de la rivière forme une piscine naturelle entourée de hautes herbes. On y accède par une petite plage. L'après-midi est déjà bien avancée et bien que nous croisions de nombreux enfants en maillots de bain jouant dans le camping, nous sommes les seuls à nous baigner. Je nage avec délice dans l'eau fraîche et claire. Plus loin, des pêcheurs en grandes bottes lancent leurs lignes dans le courant de la rivière. Plus tard, nous remontons à la tente. Seb fait un feu de petit bois pour faire griller du pain et nous dînons en regardant le soleil se coucher.

Le lendemain, nous reprenons la route. La vallée désertique nous apparaît dans toute sa beauté, nuances de jaunes et d'ocres parfois contrastées par le vert brillant d'un champ irrigué. Nous dépassons le long lac de Kamloop puis tournons vers le nord, remontant la rivière Thomson vers Cache Creek. Petit à petit, le désert se transforme en forêt d'abord de feuillus puis, de plus en plus, de conifères. Après Cache Creek, où nous déjeunons au bord d'un lac, nous sommes à nouveau dans les montagnes. Nous roulons le long d'une rivière argentée, bercés par la voix de Sarah Vaughan, quand d'un seul coup, le Mont Robson nous apparaît dans toute sa majestueuse blancheur perdue dans les nuages. Bientôt, nous passons la frontière de l'Alberta et pénétrons dans le Jasper National Park.

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Squamish

Le ferry nous dépose à  Horseshoe Bay le mercredi en fin d'apres-midi. De là, nous prenons la "Sea to Sky" highway 99 qui remonte au nord vers Squamish puis Whisler. Nous longeons à droite les flancs abruptes des montagnes et à gauche l'eau turquoise du fjord, au loin des pics enneigés se dessinent sur le ciel. Avant sa rénovation lors des jeux olympiques d'hiver, cette portion de route était surnommée "Sea to die"...

La petite ville de Squamish se situe à l'embouchure de la rivière dans le fjord, parfaitement située entre montagne et océan. Comme je l'apprendrai le lendemain, elle est en pleine transition. Pendant des années, elle a vécu des industries minières et portuaires, chargeant les matières premières venues des terres sur de gros cargos pour les envoyer à Vancouver et au delà. C'était une ville assez pauvre, traînant une mauvaise réputation où personne n'aurait eu l'idée de s'installer. Puis, à l'aide d'une campagne de communication bien pensée, elle a réussi à mettre en valeur son patrimoine naturel exceptionnel, attirant randonneurs et amoureux de la nature. Ses nouveaux habitants sont des jeunes plus ou moins désargentés qui ont quitté la vie urbaine pour passer leur temps à escalader des rochers. La ville cherche encore son avenir. Le tourisme s'est développé, apportant avec lui ses installations parfois un peu trop envahissantes pour le goût local. Ainsi, un magnifique téléphérique permet maintenant à n'importe quel paresseux (comme moi) d'aller admirer les sommets. Les habitants viennent de voter contre la construction d'une piste de ski. Mais les industries historiques de la ville ne sont pas loin non plus et leur développement est sans doute encore pire pour l'environnement. Enfin, les promoteurs guettent, les loyers augmentent et le développement urbain de Vancouver risque de transformer petit à petit la ville en simple banlieue lointaine...

Nous campons sur un joli emplacement juste en face des magnifiques Shannon Falls. Ce serait parfait sans la route qui passe juste à côté : pour dormir, le bruit des vagues c'est quand même plus sympa que le bruit des voitures. Nous partons "visiter" le centre-ville de Squamish. Les bâtiments ressemblent tous à des hangars à bateaux, les habitants doivent vraiment passer tout leur temps à l'extérieur... Heureusement "internet" nous indique un petit restaurant à quelques kilomètres au nord. Le long d'une rivière argentée prête à accueillir les saumons remontant le courant, les montagnes enneigées dans la lumière du soir comme décor, nous profitons de nos burgers...

Le lendemain, on doit mettre le réveil, on a rendez-vous à 8h avec un couple d'amis : Leigh et Spring. Leigh était un collègue à moi lorsque je vivais à Dublin, je ne l'ai pas vu depuis 7 ou 8 ans. Il est irlandais et sa femme est canadienne. A l'époque, il était ingénieur système et menait la vie sédentaire et urbaine d'un citadin. Puis ils ont déménagé au Canada et petit à petit, son profil Facebook s'est rempli de photos de montagnes et de récits de trecks à travers les glaciers. Quand je le retrouve sur le parking après tout ce temps, son aspect traduit son changement de vie. Son corps est plus fin, tout en muscles tendus et son visage est tanné, légèrement ridé par le soleil. Lui et sa femme passent à présent la majeure partie de leur temps à l'extérieur, à grimper sur les falaises et les montagnes été comme hiver. Quand ils ne sont pas là haut, ils gagnent leur vie en tant que freelances, en particulier rédacteurs pour des agences ou sites touristiques. Ils tiennent un blog où ils racontent leurs exploits : Pebbleshoo. Leigh m'explique que la plupart des alpinistes stars semblent être nés en haut d'un glacier avec des crampons aux pieds. Sur son blog, il a voulu expliquer comment on pouvait se transformer en montagnard quand on a passé son enfance avachi sur le canapé, à jouer à des jeux vidéos dans une banlieue de Dublin.

Ce matin, lui et Spring nous proposent de découvrir "The Chief" : ce gros rocher qui surplombe la vallée et qu'on ne peut pas louper. Leigh me dit que la première fois qu'il a grimpé là haut, il a cru littéralement qu'il allait mourir  (il était devenu tout bleu). Maintenant, pour eux, c'est une promenade de santé, l'équivalent pour moi de faire le tour du parc Montsouris. Leigh se propose de porter toutes nos affaires, il préfère avoir un peu de poids pour s'entraîner et compenser le fait qu'il va aller lentement... La montée ne fait "que" 2km mais avec 500m de dénivelé. L'image la plus proche serait celle d'un immense escalier à travers la forêt... D'ailleurs il y a parfois de véritables marches en bois, aménagées depuis peu. Le plus souvent on suit cependant un chemin de pierre, lui aussi assez récent. Quand Leigh et Spring se sont installés ici, peu de gens connaissaient cette balade. Maintenant, un flot continue de visiteurs la parcourt tous les jours.

Ça monte, ça monte. Je ne deviens pas toute bleue et je fais bien attention à ne pas mourir. C'est douloureux et je vais vraiment très lentement. Sébastien, Leigh et Spring m'attendent patiemment. Heureusement, c'est le matin et il ne fait pas trop chaud. Par ailleurs, nous sommes à l'ombre dans une jolie forêt  (il paraît qu'il y a des cougars). Vers la fin, ça devient plus rocailleux. Il faut escalader un peu en s'aidant de chaînes métalliques avec lesquelles on se hisse. Je me repose un peu avant la montée finale : grande plate-forme rocheuse en plein soleil.

Une fois là haut, après 2h de montée, je suis récompensée par la vue splendide. Le fjord s'étend de toute sa beauté turquoise en terminant sur les installations portuaires de Squamish. Autour de nous, notre regard se perd dans les multiples sommets encore parsemé de neige qui se dessinent jusqu'à l'horizon. Le soleil de la fin de matinée est compensé par un agréable petit vent et la température est idéale. Des "chipmunks" (sortes de petits écureuils) courent sur les rochers et viennent même renifler jusqu'à nos mains pour chercher de la nourriture.

Après l'effort de la montée, je pourrais passer toute l'après-midi étendue sur la roche blanche à me chauffer au soleil comme un reptile. Mais, suivant les autres, je me décide tout de même à redescendre. Pour moi, la descente ne représente pratiquement aucune difficulté par rapport à la montée. Cette fois, pas de problème pour suivre le rythme. C'est moi qui attend régulièrement Seb dont le regard suspicieux se pose sur chaque cailloux où il se décide à mettre le pied. Une fois en bas, on va déjeuner dans un café voisin (repère de hikers) avant de dire au revoir à Leigh et Spring qui doivent aller travailler.

L'après-midi, nous nous rendons sur leurs conseils à Alice Lake un peu au nord de la ville. Là bas, on peut nager dans l'eau fraîche du lac et se reposer sur l'herbe (si on arrive à éviter les crottes d'oies). Il y a une ambiance estivale sur la petite plage : familles,  matelas gonflables,  ballons et bambins. En rentrant au camping, on prend le temps d'aller admirer de plus près les Shannon Falls et on cueille des mûres sauvages.

Le soir, après un burrito géant et des enshiladas pris à un fast food mexicain  (là aussi sur recommandation), on rentre faire un feu et griller des chamallows. L'air est beaucoup plus sec que sur Vancouver Island et on trouve du petit bois facilement  (on s'est aussi amélioré en hache). Notre feu demande encore pas mal d'entretien au démarrage mais fini, enfin, par vivre sans notre aide. Je reste longtemps dans la nuit à profiter de sa chaleur. Anecdote amusante : nos voisines de camping sont les deux canadiennes avec qui on a partagé la balade à Tofino. On va se coucher alors que le feu grésille encore. Demain, on replie la tente et on part vers les rocheuses.

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