Etrange Festival - La Garce
Début septembre, c'est la rentrée et c'est aussi le moment d'aller à l'Etrange Festival ! Evidemment, nous ne pouvons pas y passer nos journées alors nous nous contentons de quelques séances le week-end... Dimanche, nous voulions voir La Garce et Dead Sushis. La seconde séance étant complète (pas de sushis zombies pour aujourd’hui), nous nous contentons du premier film.
Je découvre Bette Davis que je ne connaissais que de nom et ce magnifique film de 1949. A lire les critiques, j'avais peur de voir quelque chose de daté, surjoué... Rien de tout cela, j'ai été très agréablement surprise. C'est un film grinçant plein d'humour noir et de répliques bien senties. Bette Davis y est sublime en "méchante", personnage féminin hors norme. Si le film se cache derrière une morale qui condamne son héroïne, elle reste celle qui captive, qui fascine. Elle pourrait rappeler Scarlett en plus cruelle encore. Sa cruauté semble naitre de son enlisement dans une ville de province à laquelle elle voudrait échapper. La médiocrité de cette vie qu'on lui propose n'est jamais démentie par le film, à peine quelques "gentils" personnages la remettent en question. La force du film vient au contraire de l'énergie qui anime cette femme dans sa lutte pour s'enfuir, pour survivre. Un film en avance sur son temps, qui me semble tout à fait d’actualité encore aujourd'hui. Les traducteurs de l'époque, sans doute effrayés par l’ambiguïté du scénario, ont choisi un titre français très subjectif. De "Beyond the forrest", titre neutre et qui semble se placer du point de vue de Bette Davis, on passe à "La Garce", couperet moral comme pour nous prévenir du danger !
Etrange Festival : Dead heads
Mardi soir, nous voilà au rendez-vous pour notre 4eme séance à l’Étrange Festival. Fans de zombies, nous tentons Dead Heads film qui s'annonce déjanté dans la mouvance de Shaun of the Dead.
L'idée de base est intéressante : on se place du côté des zombies, deux d'entre eux semblent avoir conservé leur conscience humaine et tentent de se déplacer en cachant leur condition particulière et en échappant aux chasseurs de zombies. Les premières minutes du films sont assez engageantes dans le genre parodie en reprenant des grands classiques des films de zombies. La scène où les deux héros cherchent à s'enfuir d'un bar où ils sont coincés avec des humains se barricadant contre les vrais zombies est assez drôle. Malheureusement, les idées semblent très vite épuisées et les scénario s'embourbe dans des inepties.
Il aurait été plus intéressant que les deux personnages évoluent dans un monde apocalyptique, ce qui n'est pas le cas car ils s'échappent vite de la zone infectée. Ils sont ensuite continuellement poursuivis par une bande de chasseurs caricaturaux qui n'apportent rien au film. De façon générale, les personnages secondaires manquent grandement d’intérêt et l'histoire globale n'accroche pas vraiment. Par ailleurs, le zombiesque des deux héros n'est pas assez exploité à mon goût. A part leur aspect physique et la dégradation générale de leurs corps, ils sont complètement humain. Un petit instinct cannibale aurait été le bienvenue et aurait peut-être ajouté un peu de mordant au film. Car oui, avec les scènes qui avancent, tous les aspects un peu subversifs ou déviants qui font la qualité de ce genre de films sont abandonnés et on l'assiste en fait à une mièvre comédie romantique.
On remarque quelques bonnes idées cependant. Si le héros est assez fade, son acolyte zombie plus déjanté est une bonne trouvaille. Le zombie apprivoisé, assez classique, reste lui aussi amusant. Il aurait fallut plus de cet humour grinçant qui apparait parfois tandis qu'on nous sert des blagues lourdes et répétées qui ne font pas rire longtemps. En bref, c'est un essai raté et c’est bien dommage.
Etrange Festival : The Oregonian
Pour notre troisième séance à l’Étrange Festival, nous allons voir le samedi soir The Oregonian. En nous le présentant, l'organisateur nous prévient tout de suite que ce n'est pas un film ordinaire et plutôt dans un genre expérimental. Et, en effet, on peut dire que The Oregonian a bien sa place au sein d'un festival qui met l'étrange à l'honneur et va pouvoir rentrer dans la liste des films les plus bizarres que j'ai vus (avec par exemple Rubber ou Eraserhead).
On ne peut pas dire que je sois particulièrement fan des films psychédéliques et bien que je sois ouverte à l'expérimental, je juge souvent les séquences pseudo spirituelles vides et creuses. Mais j'ai été fascinée par The Oregonian et par la maîtrise du réalisateur. Le voyage étrange qu'il nous fait subir ne m'a pas du tout ennuyée et j'ai été touchée par l'univers qu'il arrive à créer. L'histoire se résume assez vite, ou plutôt, rien n'est vraiment racontable : une jeune femme s'enfuit de chez elle et se réveille après un accident de voiture. Ce sont les seuls faits concrets que l'on peut objectivement décrire et ils se déroulent lors des cinq premières minutes. Que se passe-t-il ensuite ? Je ne pense pas qu'il soit judicieux de chercher un sens ou une explication rationnelle à ce que l'on voit. Si on cherche vraiment à poser des mots, on peut toujours considérer l'ensemble du film comme un délire plus ou moins conscient marqué par la violence et la douleur vécue par le personnage principal.
Pourtant, on ne peut pas dire que The Oregonian n'ait aucun sens : le film a sa cohérence et son évolution propre. Plus on avance, et plus on quitte l'univers du réel pour rentrer dans ce qui se rapproche plus du rêve (ou du cauchemar) et de l'inconscient. Or je n'ai jamais vu un film reproduire avec tant de justesse l'univers absurde du rêve qui obéit à sa propre logique et ses propres obsessions. On avance dans le temps et l'espace d'une façon non linéaire, de scènes en scènes, chaque univers ayant sa propre personnalité marquée de récurrences inquiétantes et qui évolue presque toujours vers une angoisse pleinement ressentie par le spectateur. Des flashbacks nous donnent un lien très ténu à vers la réalité, laissant un soupçon d'explications de cet inconscient qui n'est pas le nôtre. La violence est présente, comme tapie dans l'ombre, partout suggérée. Un long cauchemar donc mais auquel on peut prendre un plaisir certain en tant que spectateur, et ce surtout si on est prêt à accepter de quitter l’univers rassurant d'une histoire conventionnelle pour aller vers cet "unkwown", vers l'absurdité de l'esprit et de l'image.
D'un point de vue technique, le travail du son, du montage, la précision de chaque plan nous offrent un premier film très maitrisé et nous découvrent un réalisateur de talent. Les scènes rappellent parfois Lynch dans ce qu'il a fait de plus obscur mais aussi de meilleur. Comme vous avez pu en juger, j'ai beaucoup aimé ce film mais je ne le conseillerais qu'à un certain type de public. Un public qui est prêt à aller chercher dans un film autre chose que ce qui est habituellement offert (et qui peut en outre être très agréable) et à apprécier une œuvre d'art au delà des conventions. Par ailleurs, je ne peux pas critiquer ceux que cet univers aura laissé froids et qui, perdus par le manque de sens, se seront simplement ennuyés. On est vraiment à la limite entre le film tel qu'on le conçoit au cinéma et la performance artistique : je n'infligerais pas ça à tout le monde. Cependant, je pense que le réalisateur, Calvin Lee Reeder, est à retenir. Il évoluera peut-être vers des oeuvres qui auront plus leur place au musée qu'au cinéma mais pourrait aussi réussir à adapter son style très particulier à une histoire plus conventionnelle et par là accessible à un plus large public, ce qu'a fait Lynch par exemple. En attendant, pour les curieux et les amateurs, le film est encore projeté pour le festival samedi et dimanche prochain (10 et 11 septembre) : profitez-en car je ne pense pas qu'il y aura beaucoup d'autres occasions !