Nara

Nous quittons Kyoto le mardi pour nous rendre dans la très proche Nara. Le train de banlieue nous dépose en plein centre et nous trouvons grâce à l’office du tourisme un hôtel tout près plutôt chic pour le prix que nous payons. Ce n’est que le tout début de l’après midi et nous ressortons donc pour visiter la ville. Nous nous dirigeons vers le parc dans lequel se situent tous les temples. A son orée, au bord d’un petit étang, nous nous asseyons pour pique-niquer. Dans l’eau, nagent des tortues placides. Sur le banc voisin, un vieux monsieur nourrit les nombreux pigeons. Et au milieu des oiseaux, l’air légèrement perdu, immobile, un cerf nous regarde. Nous sommes surpris et amusés, je savais que ces animaux circulaient librement dans le parc, mais je ne pensais pas en voir si vite, si près de la ville, si proche des hommes. Plus loin, nous remarquons maintenant des biches et des faons : ils marchent à travers les passants et les voitures, indifférents.

En fait, ce sont plutôt des daims, ils ne sont pas très grands. Il y en a 1500 dans le parc (ce sont des animaux sacrés) et quand nous nous y promenons, il devient évident qu’ils sont partout et plus qu’habitués à la présence humaine. Nara est l’ancienne capitale du pays, avant Kyoto, et conserve de magnifiques temples, mais les daims en forment tout de même la principale attraction. Ils marchent dans les allées au milieu des touristes, se reposent par troupeaux entiers dans les clairières. Dans l’allée qui mène au temple principal, certains dorment devant les boutiques de souvenirs ou semblent faire la queue pour acheter des glaces. Des groupes de daims à moitié dégénérés traînent devant les vendeurs de « deer cookies », gâteaux pour cerfs. Rompus à la théorie de la poule aux oeufs d’or, ils n’attaquent pas directement le marchand (je pense que ces derniers ont de bonnes techniques de défense). Mais gare au touriste qui décide d’acheter les fameux trésors ! J’en ai fait moi même l’expérience. Les animaux sont particulièrement attentifs à la transaction financière qui s’opère et, à peine a-t-on les biscuits en main, que l’on se trouve entouré d’un troupeau où plusieurs nous donnent des coups de tête, pendant que certains essaient de nous manger les vêtements ou de fouiller nos poches. En général, le touriste effrayé finit par lâcher tous les gâteaux d’un seul coup et par s’enfuir en criant. La scène, surtout vécue par les autres, est très amusante. Même quand on n’a pas de gâteau, les daims peuvent être un peu sans gène. Si certains enfants sont aux anges, j’en ai vu plusieurs qui, effrayés par ces animaux plus grands qu’eux et un peu insistants, pleuraient dès qu’ils en voyaient un et réclamaient ardemment leurs parents. Mais en général, les cerfs et biches font plutôt la joie des touristes, posant même sans rechigner devant les temples, se laissant triturer les bois, on en oublierait presque que ce sont des animaux « sauvages » comme le rappellent certains panneaux.

A l’intérieur du grand et beau temple que nous visitons, point de daims mais une grande statue de Bouddha. Le bâtiment lui-même est très joli, un des plus grands monuments en bois existant. Et encore, il a été détruit et reconstruit au tiers de sa taille (tout comme la statue pourtant très impressionnante). A la sortie, une biche est couchée qui ne semble pas dérangée par les allers-venues. Nous nous promenons encore un peu dans le parc avant de rentrer nous reposer à l’hôtel. Cette semaine a lieu la fête des lanternes et nous retournons donc au parc à la nuit tombée : des bougies ont été installées partout et brillent de jaune, rouge et vert. Le parc est magnifique dans sa robe colorée, nous avançons dans le noir, éclairés par les lanternes et au dessus de nous, les étoiles. La nuit a quelque chose de magique. Je n’ai rien trouvé d’appétissant dans les stands de vente à emporter, je n’ai mangé que des petits beignets sucrés. Sébastien a pris une sorte de crêpe (sur laquelle était dessiné un poulpe, ce qui ne m’a pas inspiré confiance) avec un oeuf et une sauce bizarre, visiblement ça lui a plu. Pour finir, nous prenons de grands verres de glace pilée au sirop, très rafraîchissants par cette chaude soirée. Un daim se fera un plaisir d’en lécher le fond une fois que nous aurons terminé (les daims sont allés se coucher, sauf les dégénérés de l’allée centrale qui traînent jusqu’à pas d’heure).

Nous avons pris deux nuits d’hôtels à Nara et avons donc encore une journée complète à passer dans la ville. Nous avons déjà vu le temple principal et une partie du parc, c’est donc bien tranquillement que nous nous promenons aujourd’hui. Dans le vieux quartier, nous cherchons longtemps un autre temple qu’enfin nous trouvons : c’est le plus vieux temple bouddhiste. Il a été déplacé à Nara quand elle est devenue la capitale. Il est beaucoup plus petit et plus discret que le grand du parc mais aussi très joli. Pour le néophyte, il est difficile de distinguer un temple d’un autre par autre chose que la taille. Les styles sembles similaires et on retrouve toujours un peu la même chose. J’avoue que dans ma mémoire, tous les différents lieux visités se confondent en un grand magma de bois fleuri.

Nous ne sommes même pas capable de faire la différence entre le shintoïsme et le bouddhisme et ne comprenons pas grand chose à aucune des deux religions. Elles n’ont par l’air de se faire de l’ombre car la plupart des japonais sont en fait à la fois bouddhiste et shintoïste. Le shintoïsme est plus anciens, il semble relever de nombreuses croyances ancestrales qui rappellent l’animisme. Le bouddhisme est arrivé plus tard à travers la Chine et la Corée et encore avant depuis l’Inde. Le temple que nous visitons à présent est shintoïste (dans ce cas, on dit « shrine » en anglais et non « temple »), pour y aller, nous avons dû traverser tout le parc ce qui nous a fait une belle balade forestière et toujours en compagnie des daims. Ceux que l’on croise dans la forêt semblent plus sauvages et moins corrompus par l’homme. Certains sont même trop timides pour venir manger le biscuit que Seb leur tend (il a réussi à acheter les gâteau dans un endroit discret et les distribue donc au fur et à mesure). Le temple lui même se distingue des autres car il est décoré d’une multitude de lanternes accrochées un peu partout. La fête des lanternes a visiblement avoir avec ça mais malheureusement pour nous, celles du temples ne seront allumées que le dernier soir et nous serons déjà partis.

Enfin, pour notre dernière soirée, nous profitons des éclairages existants. Nous allons voir ceux que nous avions ratés la veille : en particulier un petit lac avec une pagode au centre, le tout brillant de bougies jaunes et, sur l’eau, des couples dans des barques qui filent dans une lumière frémissante. Avant ça, nous avons mangé au restaurant en ville. Comme d’habitude, j’ai choisi le lieu au hasard. C’était un peu cher mais j’ai réussi à trouver ce que je voulais goûter : la spécialité de Nara, le poulet cuit dans du lait. C’est un met délicat et délicieux. Le midi, dans un petit café dans le parc, j’avais pu prendre encore complètement par hasard l’autre spécialité de la ville : le bol de riz au thé vert, assez bizarre mais plutôt bon à mon goût. Comme quoi la chance est parfois de mon côté. En rentrant vers l’hôtel, nous croisons dans la rue deux filles qui étaient avec nous à la Couch surfing house, la française et l’autrichienne. Elles ont fait la visite de la ville en une journée depuis Kyoto, ça se fait très bien mais il faut être un peu moins paresseux que nous et se lever le matin.

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Kyoto

Le Shinkansen (TGV japonais) nous emmène de Nagoya à Kyoto en 1/2 heure. De là, nous prenons le métro jusqu'à une station en périphérie où il nous faut encore marcher 10 minutes sous le soleil brûlant. Nous logeons en couch surfing, pour ceux qui ne connaissent pas, ça consiste à loger gratuitement chez des particuliers que l'on contacte via un site web. L'endroit que nous découvrons est tout à fait étonnant. Le propriétaire vit en fait dans une autre maison et laisse sa "couch surfing house" pour les voyageurs du monde. La maison est vide quand nous arrivons, la clé est scotchée sous la boite aux lettres. C'est une jolie petite maison traditionnelle japonaise avec des montants en bois et des portes coulissantes. Au rez-de-chaussée, une cuisine salle-à-manger et un petit salon et à l'étage deux chambres tatamis en enfilade. Et partout, dans toutes les pièces, du sol au plafond, des messages de remerciement écrits sur les murs à l'adresse de notre hôte. Les messages sont principalement en anglais mais on trouve aussi du japonais, du français ou de l'allemand : les visiteurs viennent du monde entier. Certains ont dessiné leur drapeau ou ont fait des oeuvres un peu plus recherchées. Les écritures de toutes les couleurs s’entremêlent et se croisent, certains se répondent, formant une décoration insolite. Glissées dans les montants des portes ou collées sur le mur, des cartes postales ; dans les poutres du plafond, des cartes de visites. Nous apprendrons que la maison est ouverte depuis 5 ans : environ un millier de voyageurs y ont fait escale. On dirait un caravansérail moderne ou la fameuse maison de la chanson San Francisco. Tout semble s'organiser assez bien : les habitants de passage profitant d'une telle hospitalité font en sorte de suivre les règles minimum de vie en communauté et de laisser l'endroit propre.

Nous y laissons nos sacs, remettons la clé sous la boite aux lettres et partons visiter Kyoto. Avec le temps, nous nous sommes japanisés quelque peu. Ainsi le midi, plutôt que des sandwichs de pain de mie et de douteux fromage fondu, nous prenons des plats préparés japonais vendus dans les supérettes. Peu chers, et très bons, ils font un parfait déjeuner. Nous ne grignotons plus de chips mais des galettes de riz ou des "Edamame", sorte de haricots qui se mangent tels quels.  C'est ce que nous faisons ce midi, assis dans un parc entre la maison et le métro, dégustant nos barquettes de riz avec dextérité et baguettes en bois.

Il fait très chaud cet après-midi à Kyoto et avec la fatigue accumulée de la semaine de conférence, j'ai bien du mal à profiter de la ville. En réalité, nous finissons par nous écrouler sur un banc dans un charmant jardin et à laisser filer la fin d'après-midi : de toutes façons, il est trop tard pour visiter les temples qui ferment aux alentours de 16h. Puis, dans la douceur du soir, nous parcourons le quartier de Gion : vieille ville de Kyoto ou derrière les petites maisons de bois se cachent les belles et fugitives Geishas. Si de Geishas, nous ne nous voyons point, nous admirons les jeunes couples japonais qui profitent de leur week-end en flânant en kimono. Dans les petites échoppes, on nous propose des glaces au thé vert et aux haricots rouges, jolis desserts de glace pilée arrangés telles de petites sculptures. Kyoto est en effet une des seules villes japonaises où l'art du sucré semble vraiment avoir sa place en cuisine, on y trouve presque plus de salon de thé que de restaurant. Mais il est un peu tard pour aujourd'hui, nous laissons cette douce tentation à demain.

Le soir tombe et nous arrivons aux abords de la rivière. Sur l'autre rive, une sorte de festival semble être organisé. La foule dense se presse le long d'étals ou des vendeurs crient les mérites de leur marchandise. C'est surtout de la nourriture à emporter venant de différences régions du Japon mais quand on ne parle pas la langue, difficile de s'y retrouver ! C'est très amusant de se promener au milieu de toute cette agitation. Je vois un vendeur de kimono, je m'approche pour regarder et me rend compte que le prix est bien inférieur à ce que je pensais. En discutant avec une cliente qui fait office de traductrice, je comprends que l'ensemble de l'attirail ne coûte que 25 euros. C'est un très joli vêtement (même si je n'aurai que peu d'occasion de le porter) et je ne résiste pas à la tentation. Celui que j'ai est en fait un kimono d'été, un peu moins complet que le kimono d'hiver. La taille est unique, mais le kimono est en fait un grand manteau que l'on ajuste. D'ailleurs, une fois acheté, le vendeur m'emmène jusqu'à un autre stand où dans une cabine, une jeune femme me montre comment le porter, ajuste le vêtement et attache la jolie ceinture qui en fait tout le charme. Et me voilà donc, à me promener dans Kyoto avec mon beau kimono rose et bleu. Ca pourrait paraître étrange, mais en fait, les japonais portent réellement le kimonos assez régulièrement. Evidement, étant une européenne, je m'attire les regards curieux des passants et je dois dire, approbateurs : les japonais apprécient beaucoup les marques de respect et d'intérêt de la part des étrangers envers leur culture. C'est dans mon joli kimono que je dîne dans un restaurant près de la rivière, je me sens aussi distinguée qu'une Geisha et nous rentrons jusqu'à notre lointaine auberge espagnole.

Ce soir là, nous rencontrons les deux autres couples qui partagent avec nous la maison : des espagnols et des autrichiens. On échange sur nos voyages, sur nos impressions japonaises, sur cette étrange maison. Puis nous nous couchons : Seb et moi dormons au rez-de chaussée dans le petit salon où nous avons repoussé la table pour installer les matelas que nous replierons sagement le lendemain matin. Le dimanche, nous avons une nouvelle colloc, c'est une jeune canadienne anglophone arrivée tôt ce matin. Ne trouvant pas la clé, c'est Seb qui lui a ouvert encore à moitié endormi. Nous la retrouvons beaucoup plus tard dans la matinée, à notre réveil (on a du sommeil à récupérer, même dans la plus jolie ville du Japon). En fait, Lauren fait un grand voyage en Asie de six mois. Elle vient de passer un premier mois en Corée mais, à présent, son amie qui voyage avec elle est coincée là bas suite à un problème de passeport. La pauvre jeune fille se trouve donc toute seule, un peu perdue, au Japon, alors que c'était visiblement l'autre fille qui s'était occupée des hébergements et de l'organisation. Nous lui proposons de passer la journée avec nous et de découvrir ensemble Kyoto. Visiblement, ça lui fait plaisir et nous partons donc tous les trois dans la ville.

Aujourd'hui, j'ai vaguement organisé le programme. Nous commençons par un grand temple au sud de la ville qui est connu pour renfermer 1000 statues de la déesse bouddhiste Kannon de la miséricorde. Les statues, dorées, ont été construites au 13ème siècle, elles forment comme une immense foule immobile dans le temple. Chacune d'entre elles est assez impressionnante avec ses multiples bras (1000 aussi en théorie, mais en fait, seulement une dizaine). Il y a aussi d'autres statues bouddhistes primitives qui révèlent d'anciennes croyances et superstitions. J'apprécie la beauté de ces visages expressifs taillés dans le bois. Après ce grand temple, nous continuons la visite de la ville pour voir d'autres temples (c'est un peu le truc à faire à Kyoto). Nous remontons un petit chemin le long de la colline et traversons un grand cimetière qui s'étend en terrasses successives. La vue sur la ville d'un côté, sur les montagnes avec la forêt et le cimetière de l'autre est magnifique. Puis nous retrouvons la foule japonaise qui se rend à l'un des nombreux temples de la ville. Là bas, nous faisons une drôle d'expérience : marcher dans le noir complet en s'aidant d'une rampe jusqu'à une pierre sacrée pour faire un voeu. C'est une sorte de coutume que nous avons vue à d'autres endroits et qui devrait nous aider à atteindre le nirvana... Nous redescendons à travers les belles rues animées de Kyoto, à force de marcher et de visiter des temples, la journée est bien entamée. Epuisés, nous nous écroulons dans un petit salon de thé en dehors des voies principales. La dame qui nous sert semble ravie et nous offre même de la tarte aux pommes en plus des jolis desserts que nous lui avons commandés. Et voici notre dernier temple de la journée, le jour commence à tomber, la foule est partie et la fraîcheur revient. Nous retournons à la rivière de la veille où le festival continue et achetons des nouilles à emporter. Assis au bord de la rivière, nous laissons lentement s'écouler notre soirée avant de rentrer.

Lundi, dernier jour à Kyoto. Lauren est partie rejoindre une amie et nous ne sommes donc, à nouveau, plus que deux. Nous n'aurons pas le temps de voir "tout Kyoto" car la ville propose plus de temples que ce qu'il nous est possible de parcourir en deux jours. Mais nous voulons voir le "pavillon d'or" qui est dans tous les guides. Il faut se rendre au nord de la ville, en métro puis bus (car en plus, les temples de Kyoto sont assez éparpillés). Là bas, nous voyons le fameux golden temple et nous ne sommes pas les seuls ! Chacun doit se frayer un chemin au milieu des touristes pour pouvoir prendre SA photo du bel édifice doré qui se reflète dans le paisible étang. Paisible est l'étang et agitée est la foule qui l'entoure et suit le petit chemin balisé en braillant et mangeant des cacahuètes. Mais il faut savoir assumer sa position de touriste, nous ne pouvons pas exiger des japonais qu'ils désertent leurs propres temples pour nous laisser admirer tranquilles les richesses de leur pays !

Environ un kilomètre plus loin, se trouve un second temple que nous rejoignons sous un ciel déjà lourd. Les touristes ont-ils été effrayés par les nuages ? En tout cas, ils sont beaucoup moins nombreux à s'être déplacés jusqu'ici. L'averse éclate pendant que nous nous promenons dans l'agréable jardin. La pluie ne me gène pas, elle est même agréable et rafraîchissante après la chaleur de ses derniers jours. Je trouve l'étang aux nénuphars magnifique sous l'ondée. Nous nous abritons à l'intérieur du bâtiment, et nous admirons le jardin zen (ou jardin sec mais il porte mal son nom avec toute cette pluie). Ce n'est pas vraiment ce qu'on appellerait un jardin car il est formé uniquement de minéraux : des rochers placés sur une mer de gravier pour représenter le monde. Il s'en dégage en effet une certaine quiétude, une belle harmonie. L'averse est terminée et l'après-midi pratiquement aussi. Nous reprenons le bus vers le centre ville puis marchons, presque au hasard, dans les rues du Kyoto moderne. Nous mangeons une glace dans un salon de thé mais ne restons pas en ville pour la soirée : fatigués, nous préférons rentrer. Ce soir, il y a une nouvelle venue à la "couch surfing house", une française ! Hier soir, nous avons rencontré notre fameux hôte Shoji, sympathique et original. Dans la vraie vie, il a une femme et trois filles adolescentes et il est fermier. Comment a-t-il eu l'idée de créer un tel endroit ? Je ne sais pas mais ça dénote chez lui une véritable ouverture d'esprit ! Il passe régulièrement voir ses invités et bien qu'il ait accueilli plus de milles étrangers, il parle assez mal anglais. Il se souvient des visages, mais pas toujours des noms de tous ces voyageurs de passage. Lui même voyage de temps en temps, profitant des invitations qui lui sont faites au quatre coins du monde. Mardi, nous quittons ce lieu convivial mais si jamais vous passez par Kyoyo allez loger au "Shoji temple", ça vaut le détour !!

 

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Nagoya et expériences japonaises

Je ne peux pas dire que j’ai vraiment visité Nagoya. J’ai exploré un peu le quartier de Sakae où se trouvait mon hôtel et celui de l’université. J’ai aussi vu le château à travers la fenêtre d’un bus, mais Sébastien m’a dit que l’intérieur de valait pas le coup (c’est un château reconstruit récemment, ils ont même mis un ascenseur !). Ce que je peux dire cependant et que j’ai ressenti assez vite : ce n’est pas Tokyo ! Nagoya est une grande ville mais cela reste raisonnable. On y prend assez vite ses marques, la foule n’est jamais aussi dense que dans la capitale et est tout à fait supportable. En bref, Nagoya est une ville normale où l’on se sent bien. Si je devais m’installer au Japon, je me verrais plus habiter ici qu’à Tokyo. Pourtant, j’aime les grandes villes mais c’est la première fois à Tokyo qu’une ville m’a semblé TROP grande. La semaine est passée vite. Comme tous les autres membres de la conférence je loge à Sakae et fais l’aller-retour tous les jours avec le quartier de l’université de l’autre côté de la ville. Sakae est un peu le centre ville : très animé, beaucoup de restaurants, c’est là que nous mangeons tous les soirs. La spécialité ici sont les brochettes de poulet « yakitori », c’est assez bon mais pas très nourrissant. Le lundi soir, le restaurant que nous choisissons est beaucoup trop cher et nous sommes obligés de nous contenter de trois petits bouts de viande avec du riz : certains compléteront avec de la nourriture achetée au 7-11 « seven - eleven ». Le mardi, nous sommes encore dans un restaurant de yakitoris. Cette fois les prix sont raisonnables mais quand nous sortons, certains de mes collègues ont encore faim et veulent trouver un bar à Sushi. En voilà un qui est annoncé au 5ème étage de l’immeuble devant nous. Nous montons et nous trouvons d’un seul coup dans cet espace confiné et chic où l’on nous accueille avec cérémonie. Installés au comptoir, nous sommes les seuls clients visibles (les autres sont dans des salles privées). Devant nous, les poissons sont exposés comme des oeuvres d’art devant des cuisiniers appliqués. Assez impressionnés par l’environnement, aucun de nous n’ose prendre d’initiative. C’est à ce moment qu’entre dans la pièce un homme, très grand, très classe, en chemise blanche et sourire charmeur et surtout, très noir. Nous sommes subjugués par cette vision insolite (au Japon, je n’ai presque vu aucun noir). L’homme, lui, semble content de son effet. Il nous parle en anglais et nous prend en charge : « Combien voulez-vous dépensez ? » demande-t-il, « Je ne vais pas vous mentir, vous êtes dans un endroit cher ». Au final, on se met d’accord pour 2000 yens (20 euros) par personne pour ceux qui veulent des sushis (personnellement, je me contente d’un cocktail). L’homme donne des instructions en japonais au personnel, c’est amusant de le voir organiser tout ce « petit » monde car tous les employés font au moins une tête de moins que lui. En discutant avec lui, nous découvrons qu’il est ghanéen, vit au Japon depuis 15 ans et possède l’immeuble de restaurants ainsi de d’autres en ville. Qui est-il ? Un chef de la mafia ghanéenne installée au Japon ? Un fils de milliardaire africain ? Un self-made man qui a fait fortune loin de son pays ? En tout cas, pour ce que j’en ai entendu, les sushis étaient délicieux et nous sortons satisfaits et encore sous le coup de l’étonnement face à cette étrange expérience. Une autre expérience culinaire, moins intéressante celle-là, est celle que nous avons faite dès le premier matin au petit-déjeuner de l’hôtel. Quand nous avons vu qu’il était servi dans le restaurant de burgers voisin, nous nous sommes déjà méfiés et à raison ! Le matin, il y a quatre menus : hot-dogs, burger, fish burger et rice burger, à chaque fois avec des frites, du thé vert glacé et un jus de fruit qui ne m’inspire pas trop. Je suis habituée à pas mal de chose au petit-déjeuner mais je trouve que le burger frite est juste une mauvaise interprétation de la culture américaine par les japonais : « worst of both worlds ». Le « rice burger » est le plus mangeable (si vous appréciez les oignons le matin) car il ne contient pas de viande et est formé de deux « tranches de riz ». Enfin, si tous les jours les employés de l’hôtel me donneront gentiment les coupons qui donnent le droit à ce délicieux repas, je m’achèterai systématiquement de quoi manger à la supérette voisine, profitant du frigo de la chambre. Le dernier jour, pour avoir le jus de fruit, nous irons commander le menu et Sébastien aura la bonne idée de donner tous les coupons d’un seul coup à la pauvre serveuse un peu perdue. Pour ce qui est des visites, je me contente de celle organisée par la conférence le mercredi après-midi. Les bus nous attendent devant l’université, tout est parfaitement organisé et minuté. La ponctualité est une valeur phare du Japon, comme ce n’est pas le cas dans les autres pays, j’ai pu apprécier les efforts répétés des organisateurs pour nous inciter à être à l’heure. Ce fut d’ailleurs assez efficace, de toutes les conférences auxquelles j’ai assisté jamais aucune n’a été aussi ponctuelle. Nous devons nous rendre au château d’Inuyama au nord de la ville. Le trajet dure environ une heure 1/2 et nous passons devant le château de Nagoya. La guide nous a accueilli dans le bus, du début à la fin elle nous abreuve d’un flot de parole qui semble ne jamais vouloir s’arrêter. Elle se sent dans l’obligation de commenter chaque bâtiment (même s’il n’a objectivement pas le moindre intérêt) de nous donner tous les détails possibles et imaginables sur la ville de Nagoya et le Japon en général. Elle fait aussi preuve d’un enthousiasme à toute épreuve, s’extasiant de façon similaire devant un magnifique château que devant l’autoroute surélevée qui entoure la ville, ou les écoles primaires sur le bord de la route. Sa manière de faire est sans doute d’un goût plus japonais et produit un effet répulsif chez nous autres européens et américains. Il faut faire preuve d’une grande concentration pour pouvoir extirper de son discours continu les informations réellement intéressantes parmi le monceau d’inepties. La plupart du temps, on se contente de ne plus écouter et même de fuir quand cela est possible. Le château est par ailleurs très joli, c’est avec celui de Matsumoto l’un des seuls qui n’a pas été détruit par une catastrophe ou une guerre quelconque. Depuis sa tour principale, on a une très belle vue sur la région. Mais, paradoxalement, on manque d’informations concrètes à son sujet et passons de salle en salle sans véritablement rien savoir de l’endroit où nous sommes. Le jeudi soir a lieu le banquet organisé par la conférence. Avant le repas, nous assistons à un spectacle de Kyogan, théâtre traditionnel japonais. L’acteur principal nous explique d’abord les différents principes de ce théâtre qui se rapproche assez de la farce avec des choses qui rappellent le clown et le burlesque. Il parle en japonais et c’est un des membres de la conférence, américain et japanophone, qui traduit. La salle même dans laquelle nous assistons au spectacle est particulièrement jolie. C’est un théâtre moderne dans lequel a été reconstituée une pagode traditionnelle qui sert de scène. La pièce dure 20 minutes, elle est en japonais mais l’histoire assez basique nous a déjà été expliquée. Par ailleurs, le texte ne semble pas avoir énormément d’importance et on apprécie grandement le spectacle. On enchaîne avec le repas : un buffet avec tout ce qu’on peut espérer, des mets variés et des spécialités locales comme les sushis ou la tempura. Il y a de la nourriture en quantité suffisante mais elle est avalée en moins d’une demi-heure. Les japonais n’ont sans doute pas l’habitude de nourrir les goinfres que sont les européens et américains. Il ne reste plus qu’à terminer la soirée au clair de lune en jouant au loup-garou ! (C’est un jeu de groupe très populaire dans les assemblées de ce genre) La conférence se termine et nous organisons une soirée Karoke. Dans ce genre événements, on ne sait jamais quand on donne un rendez-vous si l’on sera 4 ou 50. Cette fois-ci on est 25 ! Nous avons le droit à une grande salle et les chansons défilent et se chantent faux mais en groupe. Nous faisons partis des irréductibles qui resteront jusqu’à une heure du matin à brailler en coeur. Samedi matin, nous serons bien fatigués mais il faudra tout de même se lever, adieu Nagoya, bonjour Kyoto !

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