Week-end tourisme à Tokyo

Ce week-end, nous faisons ce que nous n'avons pas encore vraiment eu l'occasion de faire : les touristes ! Première destination : Asakusa. C'est dans ce quartier que l'on trouve ce qu'il reste du "vieux" Tokyo, car entre les tremblements de terre, les incendies, les bombardements de 1945, la ville est pratiquement entièrement récente. Quand on descend à la station cependant, rien ne saute aux yeux, nous sommes toujours au milieu de ces grandes rues avec de hauts immeubles inesthétiques, mais en tournant la tête, voilà qu’apparaît la magnifique porte du quartier sous laquelle se presse une foule dense. De l'autre côté, ce sont des maisons basses dans un style plus anciens (même si en fait, peu sont réellement anciennes) et surtout des tas de petites boutiques de souvenirs divers et une affluence digne de la Tour Eiffel. Nous quittons la rue principale, bondée, pour profiter du reste du quartier plus agréable. C'est là que nous trouvons un restaurant pour ce midi.

Nous choisissons, exceptionnellement un restaurant de suchis. Pourquoi aller là alors que je n'aime pas le poisson ? Déjà, je ne voudrais pas priver Seb et puis, c'est tout de même typiquement l'expérience à faire quand on est au Japon. Les cuisiniers sont au centre de la pièce et déposent les petits plats sur un tapis roulant autour duquel les clients sont assis. Chacun se sert comme il veut sur le tapis. La couleur des assiettes correspond au prix des plats et on garde donc toutes ses assiettes vides pour que le serveur puisse à la fin du repas nous apporter l'addition. En fait, un code magnétique est incrusté sous l'assiette et le serveur n'a qu'à passer son appareil à côté de la pile pour qu'immédiatement l'addition se fasse toute seule ! Sur un autre tapis roulant en dessous du tapis principal, on peut attraper de petites tasses, qu'on remplit alors du thé vert en poudre "macha" disponible sur notre table et de l'eau chaude qui nous arrive directement par un robinet. Voilà donc une première chose dont je peux me nourrir : le thé vert à volonté. Pour le reste, au moins, je peux voir les plats et en conclure que je ne peux pas les manger. Le seul qui est à mon goût est le "tamago", c'est à dire de l'omelette. En regardant la carte, je commande au chef le seul autre plat qui me convient : "Inari" qui se compose uniquement de riz et de tofu. Il y aurait bien aussi tous les petits rouleaux au concombre mais mon  intolérance aux fruits de mer s'étend aussi aux algues.

Après ce frugal repas, nous reprenons notre visite du quartier. Nous allons voir son principal attrait : le temple qui est en son centre et qui attire autant les japonais que les touristes. La rue principale, si pleine de monde, mène directement à l'entrée du temple. Là, une immense file de japonais se forme depuis la cabane à encens jusqu'à l'autel pour que chacun puisse aller faire sa prière. Le temple lui même est assez joli, il a été reconstruit après la guerre à l'identique, il est décoré de peintures chatoyantes et de dorures. Autour du temple principal, d'autres temples plus petits ainsi que des statues de Bouddha.  Nous marchons encore un peu dans le quartier mais il souffre un peu trop du syndrome "Mont Saint-Michel" (lieu intéressant rendu artificiel par un trop grand nombre de touristes) pour que nous ayons envie d'y rester.

Nous reprenons donc le métro pour aller à la station voisine de Ueno. C'est que j'étais la veille, mais cette fois, plutôt que de visiter le parc, nous allons au musée national de Tokyo. Il est dans un grand et beau bâtiment au milieu du parc et expose l'art japonais de l'antiquité jusqu'au XIXème siècle. Il y a aussi beaucoup d'artisanat mais nous avons du mal à nous extasier devant des assiettes, même très anciennes. Les estampes par contre et les sculptures attirent notre attention. Le musée est très bien fait, il y a beaucoup d'explications. Les sculptures religieuses sont très intéressantes, elles représentent des personnages aux visages souvent abracadabrants. De nombreuses estampes sont liées au bouddhisme mais on en trouve aussi dans l'art populaire, liées au monde du spectacle. On peut y voir alors, par exemple, les comédiennes enfilant leur costume ou d'autres scènes de ce genre. C'est ces dernières que j'ai particulièrement appréciées. Je découvre aussi une petite exposition temporaire sur les femmes artistes au Japon souvent oubliées par l'histoire, étant "femme de" ou "fille de". L'une d'elle a retenu mon attention par son destin étonnant : après avoir étudié l'art japonais, Kiyohara Tama a épousé un artiste italien à la fin du XIXème siècle et a vécu à Palerme où elle a produit des peintures de type occidentale, comme les peintures murales de la Villa Caruso Valenti.

Nous avons beaucoup marché, et nous écroulons épuisés sur les bancs du parc du musée. Le soir tombe sur le parc Ueno, devant nous une jolie fontaine bruisse doucement. Nous cherchons où aller ce soir. Finalement, nous décidons de rester dans les alentours et d'aller explorer Yanaka juste au nord du parc. Ce petit  quartier semble assez méconnu. Nous y croisons peu de touristes et marchons seuls dans la lumière du crépuscule. Il est fait de maisons basses de style ancien, particulièrement mignonnes pour Tokyo. Derrière les murets, se cachent de jolis petits temples. Il y a de petites boutiques et des cafés attrayants. Difficile cependant de trouver un restaurant. Celui dans lequel nous mangeons est très simple. La dame qui le tient ne parle pas un mot d'anglais mais a trouvé au fin fond d'un tiroir un menu traduit. Nous lui donnons les numéros des plats et elle fait la correspondance avec son menu en japonais.

Le dimanche, nous partons à l'assaut du quartier Ginza. C'est l'endroit le plus chic de Tokyo. Le long de la grande avenue rendue piétonne le dimanche se succèdent les façades contemporaines et les architectures étonnantes. On trouve toutes les boutiques de luxe internationale : Prada, Tiphany's, Cartier, Vuiton, ... Certaines boutiques sont plus abordables comme le japonais Uniqulo où Sébastien s'achète d'ailleurs quelques vêtements. Nous trouvons dans une rue adjacente un restaurant étonnement peu cher pour le quartier  qui sert essentiellement deux plats : un curry indien ou des pâtes italiennes. Je dois dire que je ne suis pas vraiment accoutumée à la nourriture locale et je trouve les pâtes absolument délicieuses !

Pour finir notre après-midi, nous repartons de l'autre côté de Tokyo dans le quartier de Shinjuku. Sébastien a eu l'occasion de s'y rendre pour ses rendez-vous mais moi, je n'en ai vu que la gare. Pour ceux qui ont peur de certains aspects du Japon : la foule, l'immensité de la ville, la multitudes de signes incompréhensibles, Shijuku peut certainement ressembler à l'enfer. La gare elle-même est un immense carrefour où l'on se perd très facilement, elle possède des dizaines de sorties et de lignes différentes. A l'extérieur, nous cherchons vainement le magasin "Don Quijote" dont tout le monde nous a parlé. Nous errons à travers les rues et nous retrouvons dans le quartier coréen que nous reconnaissons immédiatement car nous pouvons lire ce qui est écrit. Nous n'avons pas trouvé notre boutique et revenons vers la gare. Le quartier est grouillant d'une foule animée et bruyante (ne pas croire que les japonais sont silencieux, devant chaque boutique un(e) gentil(lle) vendeur(euse) crie d'une voix suraiguë des choses incompréhensibles). Les murs sont comme des mosaïques multicolores et illuminées de tous leurs néons clignotants.  Nous croisons des jeunes hommes en costumes noirs et coupes de cheveux ahurissantes. Ce sont des "male host". A Shinjuku, hommes et femmes peuvent louer les services de jeunes personnes pour les accompagner en soirée. Parfois, c'est directement de la prostitution mais pas toujours : on trouve tous les degrés en terme de pratique ainsi que les choses les plus étranges.

Nous avons marché toute la journée et sommes épuisés. Tokyo est une ville particulièrement fatigante et aussi, assez angoissante. Pendant ces quelques jours, j'ai eu l'impression d'apprendre à la connaître un peu mieux mais elle me paraît surtout de plus en plus insaisissable comme une folie collective, un mouvement perpétuel dont je ne saisis pas le sens. Pour notre dernier soir, nous dînons avec nos amis en partageant le fromage que nous leur avons rapporté de France. Puis nous sortons chanter au karaoke, habitude japonaise qui, elle, me séduit beaucoup !

Demain, nous partons en voiture de location  travers le pays. Encore d'autres surprises nous y attendent. En attendant, j'ai recopié soigneusement en japonais et appris par coeur la phrase "je suis allergique au poisson et aux fruits de mer", j'espère que ça fonctionnera...

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Tokyo, à travers la ville

Jeudi est ma deuxième vraie journée à Tokyo. Sébastien part avant moi le matin pour un rendez-vous de travail. De mon côté, je passe la matinée tranquillement à l'appartement. J'ai une mission aujourd'hui : je dois aller à l'ambassade française pour faire traduire le permis de Sébastien. Le rendez-vous est à 15h, je pars à l'avance avec l'intention de manger près de la station de train. Le quartier où nous sommes regorge en effet de petits restaurants. Mais les cartes affichées à l'extérieur sont toutes en japonais : comment choisir ? Je marche un moment dans les petites rues, scrutant les menus en espérant que la composition des plats m'apparaissent par miracle. Finalement, j'opte pour un panneau qui semble original et sur lequel je peux lire "English ok". C'est un bon choix, je me trouve dans un petit café avec quelques tables à la japonaises où sont installées des mamans et leurs bébés et d'autres tables à l'européenne. On me sert une boisson fraîche locale gratuitement et je commande un steak de tofu tout à fait délicieux. Voilà enfin une réussite culinaire !

Deuxième étape : prendre les transports jusqu'à la station de l'ambassade. Mon expérience d'hier a été instructive : je comprends maintenant plus ou moins le système des transports et arrive à me repérer. Il faut dire que j'ai enfin trouvé une carte avec tous les trains et ça aide beaucoup. Comme une spécialiste, j'effectue les deux correspondance et descends à Hiro-o. J'ai étudié le plan et trouve sans problème le chemin de l'ambassade. Elle se situe dans un quartier sans grand intérêt : hauts immeubles et larges avenues.  Je suis en avance et il fait chaud, je décide d'aller me rafraîchir dans un café en attendant l'heure.  Mon amie m'avait prévenu que les prix étaient prohibitifs. En effet, j'entre dans un établissement qui paraissait quelconque de l'extérieur mais se révèle être un haut lieu de snobisme où les serveur en costume noir et blanc proposent de gros gâteau blanc crémeux à l'américaine. La bouteille de perrier coûte 8euros. Ca me semble tout à fait excessif et j'opte donc pour un jus de fruit : c'est plus cher mais peut-être que ça vaut le coup. La description, "Fruit garden", laissait présager un cocktail original. Ce que l'on m'apporte ressemble tout à fait à du sirop de grenadine dans un grand verre et qui coûte 10 euros...

Le rendez-vous à l'ambassade approche. Je reprends donc mon chemin. Angoisse de dernière minute : je loupe la rue et me perds pendant 10 minutes ce qui me met en retard. On me laisse tout de même rentrer (ouf) et tout se passe très rapidement. Il faut un permis traduit pour louer une voiture au Japon, ce que nous comptons faire à partir de lundi. Je discute de mon itinéraire avec un autre français qui vit lui au Japon depuis 5 ans. Mais ce n'est pas facile, dit-il, pour les étranger de travailler ici. Les conditions sont rudes (2 semaines de vacances par an) et on ne parle jamais assez bien japonais pour les locaux.

Je repars et marche vers le nord où je dois retrouver Sébastien. Le chemin est agréable : zone résidentielle et petits immeubles. Il est toujours amusant de se promener dans les zones non touristiques d'une ville, de surprendre les habitants dans leur vie quotidienne, on a l'impression de faire un peu partie du lieu. Je traverse un joli petit parc où une famille de canard se promène tranquillement entre les gros poissons et les tortues d'eau. Me voilà à Roppongi hills, un grand complexe moderne avec une haute tour. Mon amie m'apprendra que le quartier de Roppongi a une réputation sulfureuse : c'est là qu'on emmène se "divertir" les hommes d'affaires étrangers. Quand la nuit tombe, de grands et beaux africains sortent de nulle part et vantent les mérites de leurs "filles" de toutes les couleurs et origines. Le gouvernement essaie de changer la réputation du quartier en construisant ces grands centres de business et de commerce. Le jour, c'est donc un quartier d'affaire comme un autre.

Roppongi hills fait partie de ces constructions récentes. J'attends, assise sur un banc, sur une large place verdoyante entourée de fontaines et où trône au centre une sculpture représentant une araignée géante (quelle drôle d'idée !).  La température s'est tout d'un coup rafraîchie et il souffle un agréable vent. Le ciel est chargé de nuages mouvants mais la pluie ne se décide pas à arriver. Sébastien me rejoint et nous nous promenons un moment avant de retrouver notre amie qui sort du travail. Nous marchons alors jusqu'au quartier de Shibuya. La nuit est tombée et les rues s'éclairent de milles néons colorés. Shibuya se peuple le soir de la jeunesse tokyoïte venant se dépenser dans ses boites de nuit. L'année dernière, lors du tremblement de terre, le quartier a éteint ses lumières pendant de nombreuses semaines, il est difficile de se l'imaginer à présent. Nous mangeons dans un délicieux restaurant taïlandais avant de rentrer chez nous. Marcher à travers la ville, me déplacer seule dans la mégalopole, j'ai une meilleure notion de l'espace à Tokyo que la veille. La ville me semble plus abordable, moins effrayante.

Le vendredi, je continue mon exploration. Sébastien est à nouveau pris par des rendez-vous de travail. Nous mangeons ensemble dans un café proposant des sandwichs à l'occidentale avant de nous séparer. Aujourd'hui encore, j'ai une mission. Une collègue m'a demandé d'acheter un T-shirt pour sa fille dans une certaine boutique dont elle m'a donnée l'adresse. Elle se trouve à "Electric town", à l'autre bout de la ville mais je n'ai plus peur de me déplacer. C'est dans cette partie de Tokyo que l'on trouve toutes les dernières technologies, tablettes, ordinateurs portables à des prix souvent intéressants. Paradis des gicks et des nerds, c'est aussi le monde de l'univers manga avec des boutiques entières de figurines qui attirent les monomaniaques du monde entier. Je trouve facilement la boutique en question qu vend en effet des T-shirts décorés de personnages ronds aux grands yeux ouverts qui correspondent à différentes BDs que je ne connais pas. Je me promène ensuite dans le quartier, l’intérêt pour moi est plus ethnologique qu'autre chose car je n'ai, en fait, jamais même lu de mangas ! C'est un endroit particulier, cet aspect de la culture japonaise a séduit bien au delà de ses frontières, et spécialement aux Etats-Unis et en Europe. Mais par ailleurs, cet univers lui même est empreint de référence à la culture américaine dont on remarque l'influence ici entre les "doughnut bars" et les "burger restaurants". Dans les cafés, les serveuses sont "déguisées" avec des robes colorées et des petites couettes. Je me suis installée dans l'un d'eux : tous les plats de cartes sont accompagnées de photos de ces jeunes filles avec leur naïf sourire. Sur de grands écrans, des concerts filmés sont diffusés d'autres jeunes filles tout à fait semblables qui chantent des chansons trop sucrées en effectuant des chorégraphies ultra kitch.

Je quitte le quartier et en deux stations de métros me retrouve tout à fait ailleurs. Je suis dans le parc Ueno, et m'approche du vieux Tokyo. Sous la pluie qui ne cesse de tomber depuis ce matin (il fait à peine 20 degrés ce qui, comparé aux jours précédents, est tout à fait froid), je me balade dans le parc avec mon parapluie transparent. J'admire le grand étang recouvert de nénuphars et les jolis temples. Je voudrais aller visiter un musée mais il est en fait trop tard ! Fatiguée de me faire tremper. Je m'installe dans un café où la baie vitrée me permet encore d'admirer le parc peuplé de parapluies et patiente ici plusieurs heures en lisant mon lonely planet et planifiant ainsi le reste du voyage. Etant seule, je me fais plus facilement abordée. Comme je m’escrime à recopier des kanjis sur un petit carnet, ma voisine pense que j'étudie le japonais. Mais non, c'est seulement pour essayer d'être un peu moins perdue dans ce monde de signes et pouvoir reconnaître au moins le nom des villes où nous allons.

Le soir arrive, le parc se fond dans la nuit et je rejoins Sébastien à la station Ebisu. La bas, nous choisissons presque au hasard un restaurant qui se trouve servir des plats indiens.  Voilà presque quatre jours que nous sommes à Tokyo, l'immense capitale nous semble un peu moins mystérieuse. Nous irons avec plaisir visiter ce week-end les quartiers qui nous restent à voir. Mais nous regardons avec crainte filer les billets de notre porte-feuille : on ne nous a pas menti, le Japon est très cher !

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Tokyo, ville monstre

Nous arrivons à Tokyo le mardi matin après 2 avions et plus de 12h de voyage. A moitié endormie, dans le Narita express qui m'emmène de l'aéroport à la ville, je regarde défiler la campagne ou quelques indices m'indiquent déjà que je ne suis plus en Europe. Puis voilà les grands immeubles, l'urbanisation galopante et la station de Shibuya où nous descendons. Il fait très chaud, il y a beaucoup de monde. Nous retrouvons l'amie qui doit nous loger. Elle est européenne et vit à Tokyo avec son compagnon, européen lui aussi. Elle parle un peu japonais et nous laisse dans un taxi à qui elle a donné des instructions. Après 1/4 d'heure, nous voilà abandonnés sur le bord de la route, errant épuisés, cherchant le bon immeuble. Enfin nous y voilà, et apprécions le confort de la climatisation, d'une douche fraîche et d'un lit où se reposer.

L'appartement est beaucoup plus grand que ce que j'imaginais, très spacieux pour un appartement tokyoïte. Nos amis viennent tout juste de s'y installer, avant cela, ils logeaient dans un studio minuscule. Plus tard dans l'après-midi, encore accablés par le décalage horaire, nous sortons découvrir un peu les alentours. Quand nous sommes arrivés le ciel était bleu et brûlant, il est maintenant couvert d'un lourd nuage et l'air est humide et étouffant. Nous ne sommes pas dans un lieu touristique mais plutôt dans une banlieue résidentielle. Des mignonnes petites rues se croisent bordées d'immeubles à 2 ou 3 étages ou de petites maisons. L'architecture est moderne mais dans la forme des toits, dans les jardins, dans l'aspect global la touche asiatique est évidente. On croise des petits garçons sur des vélos en tenue d'écolier, des "mamans" qui rentrent elles aussi à vélo avec des sacs de provisions. J'ai l'impression d'être dans un film (je regarde beaucoup de films japonais). Quelle drôle de sensation de passer ainsi sans transition de l'Europe à l'Asie, d'être plongée dans un monde nouveau. Car le voyage en avion, bien que très long, n'est pas une transition, c'est un temps suspendu dans un univers à part et indépendant du reste du monde.

Evidemment, nous nous perdons. Heureusement, nous connaissons l'adresse et comprenons assez rapidement la logique de l'organisation. Il n'y a pas de noms de rues, mais chaque quartier est divisé en bloc qui portent des numéros, à l'intérieur de chaque bloc, les immeubles ont à leur tour un numéro. C'est en fait très pratique, car des noms de rue en japonais nous auraient compliqué la tâche. Dans la soirée, nos amis rentrent et nous sortons ensemble pour dîner. Il est assez agréable d'être accueilli dans une ville telle que Tokyo, cela permet de s'habituer petits à petits à la culture, aux habitudes car on peut être vite (très vite) complètement dépassés. Ils nous emmènent dans un petit restaurant près de la station de train la plus proche. La station est un peu après l'endroit où nous nous étions arrêtés cet après-midi. Le quartier change, les rues sont plus animées on voit de nombreuses boutiques, des bars et des restaurants. Dans celui où nous allons, il faut enlever ses chaussures à l'entrée comme souvent ici. Le sol est en bois, surélevé, et les tables sont installées dans des trous circulaires autour desquels on s’assoit. On ne commande pas un plat chacun mais plein de petits plats que l'on partage. Je goûte le "cheese tofu", du tofu qui ressemble à s'y méprendre à du fromage blanc, servi avec du miel et des amandes.

Comme nous avons refréné notre envie de dormir toute la journée, nous nous écroulons le soir comme des masses et ainsi remis du décalage horaire, sommes prêts le lendemain à aller visiter la ville.  Nous restons cependant très modestes dans nos ambitions, la chaleur étant très importante et notre connaissance des lieux très limitée. Nous nous sentons ainsi complètement démunis à la station quand nous essayons de comprendre quel train nous devons prendre. Nous ne sommes pas dans une station de métro mais plutôt dans l'équivalent du RER. Il est difficile de trouver un plan global, de comprendre les directions, les intersections. Tout est transcris en anglais (heureusement) mais reste très obscur pour nous, pauvres étrangers. Assez miraculeusement cependant, nous réussissons à prendre les deux trains qui nous emmènent à la station de Harajuku.

Nous commençons notre découverte de Tokyo par ce qui peut sembler le plus extrême de la culture nippone. C'est en effet à Harajuku que l'on trouve la jeunesse la plus chic et débraillée de la ville. Ici, les japonaises ont les cheveux teints en blond (ou en en rose) et se couvrent le visage d'un maquillage de poupée barbie. Leurs robes semblent tout droit sortie d'un film de Disney, elles sont des collants colorés et des petits nœuds. Nous traversons la rue de Takeshita où l'on peut voir des boutiques pour "lolita gothique" ou autre bizarrerie de ce genre.  C'est dans cette rue que je commence à avoir faim et que se pose donc le problème de trouver un endroit où manger. Il fait très chaud et je n'ai pas très envie d'un "vrai repas" plutôt de quelque chose à grignoter. Je vois un panneau "food hall" et nous entrons donc dans un bâtiment.

Là, nous vivons un authentique moment "lost in translation", nous sommes dans une espèce de maison de poupée géante : tout est peint en rose et blanc, sur des écrans, des jeunes filles chantent des chansons dans ces mêmes teintes et même celles qui sont présentes devant nous ressemblent à des poupées. Il y a des stands de nourriture qui vendent des crêpes recouvertes d'aliments sucrés et colorés et de crème chantilly. Un stand cependant propose quelque chose qui ressemble à des boulettes de pain au fromage et nous commandons donc à nos risques et périls. J'ai déjà de gros doute quand en voyant le serveur ajouter tour à tour ketchup, mayonnaise et autres sauces tout aussi dégoûtantes à mes yeux. Je regarde ensuite avec suspicions la grosse boule ronde et bizarrement colorée qui est présentée devant moi. Au départ, cela semble plus ou moins mangeable car il y a un oeuf sur le dessus et que, malgré tout, le goût est donc toujours celui de l'omelette. Mais voilà que je découvre à l'intérieur une pâte verdâtre et en goûtant du bout des lèvres j'ai du mal à refréner le haut le coeur qui me vient. Non seulement, ça a le goût du poisson (ce qui pour moi suffit à rendre immangeable ) mais je crois que même sans cela, c'est tout simplement immonde. C'est le pire mélange culinaire des cultures nippones et américaines. Sébastien n'est pas capable d'aller beaucoup plus loin que moi, nous jetons discrètement la nourriture et nous enfuyons de la maison de poupée.

Nous revoilà dans la rue. Après cette expérience, j'envisage sérieusement de jeûner pour l'ensemble de mon voyage au Japon. La faim que je ressentais s'est transformée en vague nausée que la chaleur étouffante n'arrange pas. J'ai besoin de me nourrir mais, encore plus que tout à l'heure, la grande majorité des aliments me parait repoussante. Heureusement, nous arrivons sur la grande avenue Omote sando, équivalent local des Champs Élysées. Là nous entrons dans un café "bio chic" où je commande un sandwich végétarien (ne prenons plus de risques inutiles) à l'avocat et un jus de fruit qui me réconcilie avec la nourriture. Assis à l’abri de la chaleur, requinqués par notre repas, nous pouvons essayer de nous repérer sur nos plans, essayer d'aborder la ville immense qui nous entoure. Tokyo me semble alors un monstre géant où il faut nous débattre. Tout semble incompréhensible, gigantesque, grouillant de foule, de chaleur et de signes illisibles (car le japonais n'est pas très lisible). Mais nous ne perdons pas espoir et petit à petit, espérons comprendre quelque chose de cette immense mégalopole.

Nous nous promenons sur l'avenue Omote sando où l’excentricité de la rue Takeshita a été remplacée par les boutiques de luxe internationales dans lesquelles nous entrons parfois pour profiter de la climatisation. Au bout de l'avenue, nous découvrons le parc du sanctuaire Meiji.  La végétation apporte une fraîcheur salutaire mais j'avais espéré une clairière où me reposer et je ne trouve que de grandes allées sans même un banc ou s'asseoir. C'est complètement épuisée que je m'écroule sur le premier que je trouve à l'intérieur du sanctuaire, accablée de chaleur et de fatigue. Nos efforts pour la journée ont été suffisants et nous revenons assez vite vers la station pour rentrer chez nous. Mais nos peines ne sont pas terminées car comprendre quel train prendre dans l'immense gare de Shinjuku relève de l'exploit. Nous restons parfois plusieurs minutes devant un panneau cherchant à tirer du sens de l'information présentée devant nous. C'est donc avec soulagement et bonheur que nous retrouvons l'appartement, have de paix et de fraîcheur dans la grande ville. Le soir, comme la veille, nous n'avons qu'à suivre nos amis et les laisser commander au restaurant, profitant de leur expérience du pays et nous reposant sur nos lauriers...

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