Nous nous levons tard ce matin mais rien de spécial n'est prévu donc nous ne sommes pas pressés. D'ailleurs, le chauffeur est parti avec la voiture pour aller voir un dentiste en ville car sa dent le fait souffrir. Ça m'embête un peu car mes tennis sont restés dans la voiture, or il a plu et l'herbe est mouillée. Après le petit déjeuner, je rejoins Erica dans la yourte familiale où la femme prépare les petits beignets traditionnels qui nous sont souvent servis. Sur le poêle central, les petits gâteaux sautent dans l'huile bouillante tandis que sur des bâches les enfants et Erica découpent la pâte en larges lamelles. L'homme est assis à une petite table et sculpte du bois. Il nous montre les boîtes et outils qu'il a construits.
Nous goûtons les délicieux beignets frais puis partons nous balader dans la steppe. Il faut faire attention car les yourtes sont bien cachées dans le creux des collines et une fois passée la première crête, nous ne les voyons plus. Sur notre chemin, nous croisons trois hommes à moto. Ils s'arrêtent pour nous saluer et s'assoient par terre pour échanger avec nous leur tabac prisé : c'est la petite bouteille qu'il faut renifler, nous avons appris à le faire dans la toute première famille. Nous comprenons à leurs gestes qu'ils viennent du campement voisin que nous pouvons voir d'ici. Nous les prenons en photo sur leur moto et les laissons repartir puis nous même revenons vers notre yourte.
Le chauffeur revient bientôt et nous prenons le déjeuner dans la yourte. Erica est pressée car nous avons la chance qu'un Naadam ait été organisé aujourd'hui non loin d'ici. Nous allons nous y rendre avec la famille et tout le monde est impatient. Le Naadam est une grande tradition mongole. Ce sont des fêtes organisées autour de compétitions sportives tout au long de l'été. Les grands Naadams ont lieu plus tôt en juillet mais celui-ci est un petit Naadam local. Le sport le plus prisé est la course hippique mais il y a aussi la lutte traditionnelle et le tir à l'arc.
Nous emportons donc toute la famille avec nous dans la voiture et partons vers le Naadam. Le couple a mis ses beaux vêtements, la femme a troqué ses grosses bottes de travail contre de jolies bottines. Nous arrivons sur place au milieu des autres voitures et des chevaux. Au centre de l'attroupement, a lieu la compétition de lutte. Les lutteurs portent de gros slips colorés avec des chemises ouvertes laissant voir leurs muscles impressionnants et des petits chapeaux pointus attestant de leurs victoires passées. Ils se prennent par les épaules et essaient de se mettre à terre. Le gagnant marche vers la foule en ouvrant les bras. De nombreux lutteurs s'affrontent. Entre les différentes manches du combat, des chanteurs entament des chansons populaires reprises par la foule.
Nous nous promenons un peu. Partout des petites camionnettes vendent des beignets frits à la viande visiblement liés à ce genre de fête. Il y a aussi des étals de différentes choses : jouets, vêtements, bonbons... Mais malheureusement pour nous, aucun artisanat local, seulement des produits importés de Russie ou de Chine. Nous découvrons bientôt les chevaux préparés pour la course. Il y a plusieurs courses en fonction de l'age des chevaux. La plupart ont déjà eu lieu, il ne reste que celle réservée aux jeunes chevaux de deux ans. Par contre, ce sont toujours de jeunes enfants qui les montent. Et nous les voyons d'ailleurs, tout jeunes, parfois sans selle, arborant leur numéro et marchant doucement avec leur monture pour les entrainer. Ils partent bientôt vers le lieu de départ de la course, à 10 km de là. En attendant leur retour, nous nous installons dans la voiture d'où nous pouvons voir la lutte. Les enfants sont là aussi. Le petit garçon a reçu un nouveau jouet : un pistolet en plastique. Il s'amuse avec en mimant des tirs un peu partout. Erica achète des beignets et des bonbons que nous partageons avec la famille.
Puis voilà les jeunes coureurs qui reviennent. Nous les voyons arriver de loin dans la plaine. La foule les attend et acclame le vainqueur qui passe la ligne d'arrivée bien avant les autres. Nous les regardons tous, un par un, arriver. Seuls les cinq premiers seront récompensés. Mais ici, c'est le cheval qui compte plus que le cavalier. D'ailleurs, si le cavalier tombe mais que le cheval arrive tout de même, cela compte quand même. Un des chevaux est d'ailleurs arrivé seul, des adultes sont partis à la recherche du petit, nous espérons qu'il va bien mais n'en saurons pas plus. Nous retournons à la lutte où il ne reste plus qu'une manche mais visiblement, elle n'est pas prévue pour tout de suite. En ce moment, ce sont les enfants que l'on fait lutter pour imiter les adultes. Ils ont d'ailleurs l'air très doués mais pas de prix à la clé, c'est seulement informel. Erica voudrait que nous repartions mais nous ne trouvons plus le mari qui a disparu. En fait, il est avec des amis et a un peu bu. Sa femme arrive avec du mal à le pousser dans la voiture car il ne veut pas s'en aller. D'ailleurs, il insiste pour rester regarder la dernière lutte. Seulement, en ce moment, c'est la remise des prix pour les chevaux et, après 10 minutes, Erica et la femme en ont marre et nous partons tout de même. Il aurait pu se passer encore une heure ou deux avant que la lutte ait lieu.
Nous sommes vraiment très heureux d'avoir pu assister à ce évènement. Il fait entièrement partie de la culture mongole et ça aurait été dommage de ne pas le voir. Nous avons eu de la chance qu'il soit organisé justement aujourd'hui. Nous avons vu de nombreux touristes en Mongolie, mais ici, nous étions les seuls. Les gens nous lançaient des regards amusés et curieux et parfois même des petits "hello". L'évolution culturelle est amusante, il y a encore 10 ans, nous dit la femme, il n'y avait presque pas de voitures et que des chevaux. A présent, ce sont les voitures qui ont pris le pas. De nombreuses personnes portent l'habit traditionnel, elles se mettent sur leur 31 pour la fête. D'autres sont à la mode occidentale mais elles aussi essaient d'être au mieux. On voit les femmes marcher avec leurs talons aiguilles dans la poussière...
Nous rentrons donc en fin d'après midi. Je m'installe dehors pour peindre mais les conditions sont assez extrêmes. Le vent souffle avec beaucoup de force. Non seulement, il me glace et fait voler mes cheveux mais je dois retenir ma peinture sur mes genoux et ma palette qui veut se faire la belle. J'arrive à faire le dessin et à peindre les grosses tendances du paysages mais pour les détails et la finition, je rentre dans la yourte, ce n'est pas possible dehors !! Erica nous prépare le dîner. Le petit garçon de la famille nous accompagne. C'est le petit-fils du couple. Il a cinq ans et parle très bien. Il dit même quelques mots d'anglais et de français. Il nous chante des chansons et nous récite des poèmes. Puis il se met à raconter à Erica des épisodes de Tom et Jerry qui n'en finissent pas. Erica essaie de nous traduire mais évidemment, ça ne fait pas beaucoup sens. Avec ce petit, nous pouvons nous rendre compte des différences de niveaux de vie et d'éducation. La petite fille dans la première famille avait à peu près le même age mais elle n'avait jamais vu d'étrangers ni entendu d'autres langues que la sienne. Et je suis contente d'avoir offert les derniers crayons de couleurs à Monhbat. Ils auraient sans doute fait plaisir à ce petit mais il a visiblement d'autres jouets et d'autres occasions de s'amuser. Monhbat va à l'école l'hiver et travaille tout l'été comme guide pour chameaux. Il n'a que peu de temps à lui et peu de choses qui lui appartiennent.
Nous passons la fin de la soirée à jouer aux cartes avec les autres jeunes de la famille. Ils nous expliquent les règles de leur jeu qui sont assez compliquées. On met du temps à comprendre. Il faut dire qu'ils avaient oublié un détail assez fondamental mais qui leur semblait peut-être évident : l'ordre des cartes. En effet, cela fait : As, deux, trois, roi, reine valet, dix, neuf, huit, sept. Or, quand on ne sait pas que le deux et le trois sont des cartes maitresses et sont plus fortes que le roi, il est difficile de voir la cohérence des règles. Au bout d'un moment, nous arrivons à nous en sortir même si je ne suis pas sure que nous arriverions à y rejouer nous même, il nous manque encore trop de subtilités.
Ce soir, a lune ne se lève pas tout de suite et la nuit est sombre et sans nuages. Enfin, nous pouvons voir les étoiles ! Mais il fait si sombre que ça peut être effrayant surtout que l'on sait qu'il y a des loups et qu'il nous faut marcher un peu pour atteindre les toilettes. Hier soir, les yeux brillants du chat tapi dans la nuit ont effrayé Sébastien. Même les placides moutons ont un air satanique quand on ne voit d'eux que de petites billes jaunes au milieu des ombres. Les chiens sont là qui surveillent le troupeau et aboient souvent. Chassent-ils vraiment des animaux ou leur imagination leur joue-t-elle des tours ?