World Books Challenge : Pérou, Qui a tué Palomino Moléro ?
Pour le Pérou, je lis un auteur qui a obtenu le prix Nobel de littérature cette année et je valide un nouveau continent pour le challenge : littérature policière des cinq continents. Car oui, ce roman est un roman policier, ce qui ne semble pourtant pas être le genre de prédilection de Mario Vargas Llosa.
Certes, l'histoire policière n'est pas vraiment le coeur de ce roman mais elle est tout de même très bien menée. L'auteur prend un point de vue original, celui d'un des policiers menant l'enquête, mais pas celui DU policier. Car le jeune gendarme Lituma, qui est le héros du livre, n'est vraiment qu'un modeste assistant et ne résoudrait sans doute rien sans son supérieur. Les moyens de la gendarmerie semble d'ailleurs dérisoires. Le crime est sordide mais n'intéresse pas la hiérarchie, il dérange même à haut niveau. Le gendarme et son supérieur doivent mener l'enquête avec uniquement leur amour pour la vérité, se déplaçant en stop au milieu des poules.
On en arrive à ce qui fait la grande valeur du livre : cette description vivante et précise d'un Pérou jovial et populaire. En toile fond, un aperçu de la situation sociale : manque de moyens, tensions raciales, clivages. Mais le ton reste plus gai, presque comique. Le style est piquant, un peu familier. Au milieu de l'histoire triste et sordide du meurtre, on trouve des personnages décalés comme cette patronne de bar, d'un certain age, ronde et mariée et dont le lieutenant est très crument amoureux. Le personnage central lui même apporte beaucoup de légèreté avec sa naïveté et sa bonhomie.
Cependant, l'histoire centrale n'est pas négligée et l'on suit l'enquête avec une grande curiosité. Les personnages que l'on rencontre sont toujours très bien ciselés, difficilement saisissables, loin d'être des caricatures ou des simple représentant de leur milieu social. Comme les deux enquêteurs, on s'attache au jeune homme qui s'est fait tué : innocent, gentil et amoureux. On imagine son chant sur la plage, on entend sa musique. Le roman nous transporte avec lui et nous touche profondément. La fin, amère, nous ne déçoit pas...
World Books Challenge : Australie, La loi de la tribu
Cet article est aussi le premier dans le cadre du défi littérature policière des 5 continents et ouvre la danse avec l'Océanie !
Bien que Arthur Upfield soit un écrivain britannique c'est lui que je choisis pour l'Australie car c'est le pays où il a passé la plus grande partie de sa vie et je le considère donc comme australien d'adoption. Sans compter que tous les "blancs" australiens sont en fait d'anciens immigrés d'Europe. Arthur Upfield y est arrivé à 22 ans, en 1810. Il faisait partie de tous ses jeunes européens qui après un échec sur le vieux continent rêvaient d'un monde meilleur. Il est connu pour ses romans policiers mettant en scène l'inspecteur Napoléon Bonaparte, né d'une mère aborigène et d'un père blanc.
Le roman que j'ai lu, La loi de la tribu, se déroule au début des années soixante dans une ferme du nord de l'Australie à la frontière du désert. Ce n'est pas vraiment l'intrigue policière elle-même qui est frappante, même si, malgré un dénouement un peu peu décevant, elle est bien menée et tient le lecteur en haleine. Non, ce qui marque dans ce roman, c'est la description de ce monde en équilibre précaire entre les fermiers blancs et les tribus aborigènes. On est à une période clé de l'histoire australienne et surtout aborigène. Les tribus ne peuvent plus ignorer la présence blanche, certains jeunes "s'assimilent" en obtenant une éducation et un métier mais il leur reste le tiraillement entre leur nouvelle identité et leur origine. La ferme est tenue par un couple blanc mais les travailleurs sont principalement aborigènes et appartiennent à la la tribu voisine. Cette dernière s'accommode comme elle peut et s'adapte à la situation tout en se battant pour préserver son mode de vie. D'autres tribus sont évoquées, les "sauvages", ceux qui n'ont pas de rapports avec les blancs et ont réussi à éviter jusqu'à présent la nouvelle civilisation qui s'installe. Chaque personnage, qu'il soit blanc ou aborigène, est traité d'une façon précise et ce petit monde prend vie sous la plume de l'auteur. Le personnage principal est l'enquêteur qui, appartenant aux deux cultures, est capable d'en comprendre les modes de pensée et de décrypter les tensions sous-jacentes à l'affaire. Un roman très agréable donc, qui nous plonge à la frontière du désert australien et nous donne envie de découvrir plus profondément la culture et l'histoire aborigène.
World Books Challenge : Syrie, La preuve par le miel
C'est par hasard, en flânant au rayon littérature étrangère, que je découvre ce petit livre intriguant : La preuve par le miel de Salwa Al Neimi. La Syrie est un pays qui me reste à découvrir et l'auteure est une femme ce qui m'intrigue d'autant plus. La quatrième de couverture est assez mystérieuse, j'en retiens que c'est un livre écrit par une femme et qui parle de la sexualité dans le monde arabe, j'achète !
Ce n'est pas vraiment un roman, mais ce n'est pas un essai non plus. Le style est très poétique, inspiré des textes anciens arabes et, en particulier, des textes érotiques. Il y a d'ailleurs tout un aspect érotique dans le récit lui même, mais comme l'avoue l'auteure elle même, ça reste très "soft". Pourtant, la provocation est là, assez forte pour le que le texte soit interdit dans de nombreux pays. C'est une femme qui écrit, une femme qui assume une sexualité libre et sans tabou qu'elle conçoit comme faisant intégralement partie de sa culture, de la culture arabo-musulmane. Le texte est d'ailleurs à l'origine écrit en arabe et je suis bien désolée de ne pas maitriser cette langue et de devoir me contenter de la traduction. Car les mots mêmes du texte sont une revendication : ces mots qui, censurés par la morale religieuse qui sévit actuellement dans le monde arabe, risquent de disparaitre ! Le texte est beau, poétique et sensuel, truffé de citations et références à des textes anciens et des auteurs et poètes qui me sont inconnus. A travers les chapitres, l'auteure aborde les différents aspects de la sexualité dans le monde arabe avec toute la duplicité et l'hypocrisie qu'elle engendre. Elle fissure cette chape de moralité plaquée sur le monde musulman et en éclaire les pulsions et les désirs. Je vous invite à découvrir cette œuvre et à lire aussi cette interview de l'auteure publié sur le site telquel.