On ne peut pas dire que j'ai vraiment eu le temps de visiter Toronto. J'y suis restée une journée entière mais j'étais principalement à l'université. Levée à 5h30 du matin, je quitte Montréal par avion à 8h. Il est donc relativement tôt quand j'atterris à Toronto. Je ne savais pas qu'il existait un aéroport en centre-ville et j'arrive donc dans le grand aéroport international à l'extérieur de la ville. De toute façons, ce n'est pas dans le centre que je me rends mais à l'université de York. On peut s'y rendre en bus depuis l'aéroport et me lance pleine de volonté dans la tache ardue de prendre le bus dans une ville inconnue.
L'université de York a été créée en 1960 avec la volonté de faciliter l'accès à l'éducation pour tous et elle se trouve dans une banlieue lointaine. En terme d'habitants, Toronto n'est pas tellement plus grande que Montréal mais la ville est beaucoup plus étendue. En dehors du centre, des kilomètres de banlieues résidentielles s'étalent en petits blocs d'immeubles bas ou de maisons découpés en un strict quadrillage par des rues infinies. C'est l'une de ses rues interminables que je longe en bus. Evidemment, mes indications ne sont pas assez claires et je descend au mauvais endroit. Mais bien vite, je me rends compte de mon erreur : les stations de bus ne portent pas le même nom en fonction du bus dans le lequel on se trouve. En fait, un bus avance toujours dans la même direction sur une seule et même rue. Il s’arrête à toutes les intersections et la station porte simplement le nom de la rue que l'on croise. Pour aller à l'université il faut prendre deux bus qui semblent ne jamais vouloir arriver. Heureusement, après mon erreur, j'ai réussi à convaincre un chauffeur de me laisser remonter sans devoir payer à nouveau un ticket.
Me voilà donc sur le campus de York University. On peut dire qu'on est non seulement loin du centre mais aussi loin de tout. La seule animation semble venir des travaux d'extension du métro qui devrait bientôt enfin atteindre l'université. Dans ce no man's land, le campus fait office de ville miniature, pour moi qui ne connais que quelques universités parisiennes, il parait très grand, et d'ailleurs si je ne passais pas mon temps à suivre des collègues, je me perdrais à coup sûr. Pour vous donner une image : on y trouve en plus des bâtiments universitaires un espèce de centre commercial où sont regroupés des restaurants pour les étudiants. Si en France, on considère que l'état doit pourvoir aux besoins des étudiants (comme les repas), ici on mélange aisément le service public avec le privé. Je ne pense pas qu'il serait très bien vu que l'université de Marne-la-Vallée permette à Starbucks d'ouvrir une antenne au rez-de-chaussée du bâtiment...
Je vous passe les détails de ma journée à l’université qui c'est d'ailleurs très bien passée. Vers 16h, on me propose de me déposer dans le centre. Je dois d'abord aller déposer mes affaires à l'hôtel : car oui, j'ai trouvé un hôtel à côté de l'université de York et sans doute le moins cher de la ville. Enfin, "hôtel" est un bien grand mot. au sud de l'université, on trouve un petit lotissement de maisons en briques tout nouvellement poussé. En fait, l'université à vendu des terrains à des promoteurs à des prix très attractifs pour essayer de développer le quartier et ainsi forcer le gouvernement à presser un peu les travaux d'extension du métro. Mon logement de ce soir est censé se situer dans l'une de ses rues. J'arrive devant une porte fermée avec l'affiche suivante : "Ne pas sonner, ne pas frapper à la porte, appeler ces numéros". Je ne suis pas l'injonction et commence par sonner et frapper. Comme je ne reçois aucune réponse, j'appelle, un peu irritée d'avoir à utiliser mon forfait qui s'écoule plus vite que le Saint-Laurent. Au premier numéro, personne de répond, au second, on ne me donne pas vraiment d'informations mais on m'assure qu'on va me rappeler. Seule avec mon sac devant cette porte fermée, et mes amis dans la voiture qui m'attendent un peu dubitatifs, je suis sur le point de partir me chercher un autre hôtel (un vrai cette fois, dans le centre ville). Quand voilà un irlandais qui rentre chez lui avec ses courses. Et chez lui, c'est chez moi, car ma chambre est en fait à l'intérieur d'une maison louée en collocation. L'irlandais appelle le proprio et après quelques "yes" et "ok", il me montre une petite chambre. Je laisse mon sac, je prend la clé posée sur le mini-frigo et je repars sans plus d'explications.
Nous descendons donc vers le centre ville. La personne que je suis venue voir à Toronto ne peut pas passer la soirée avec moi : en effet, ce soir c’est Halloween, et tout bon parent rentre faire le tour des maisons avec ses bambins déguisés en pumkin ou en cup cake. Me voilà donc au croisement de deux grandes rues, libre et souriante. Quel bonheur de n'avoir rien à faire d'autre que de se promener dans une ville inconnue sans but précis, sans programme, sans contrainte. J'avance un peu au hasard, je m’arrête pour regarder les boutiques je prends en photo les beaux exemples d'architecture contemporaine que je trouve un peu partout. Les couleurs de l'automne sont particulièrement belle : ici nous sommes plus au sud et très peu de feuilles sont déjà tombées. Les arbres rougeoient de toute leur puissance. Je n'avais pas l'intention de visiter la CN tower, je ne savais d'ailleurs pas ce que c'était, mais quand j'ai vu ce grand pic dressé au milieu de la ville avec au sommet une espèce de soucoupe volante, je n'ai pas pu résister. C'est un peu comme monter en haut de tour Eiffel, un truc à touriste qu'on ne fait pas quand on vit dans la ville mais qui est très amusant. Le billet coûte un prix tout à fait exagéré mais soyons fous ! En plus, on voudrait me vendre des tas d'extras complètement inutiles comme une séance de cinéma 3D ou d'autres choses du même genre, mais je me contente du prix minimum (tout de même presque 30 dollars canadiens). Je ne regrette pas l'achat, une fois en haut, la vue sur la ville est splendide : je n'ai qu'une soirée à Toronto, autant en voir le plus possible d'un coup ! J'y suis à la meilleure heure, le soleil baisse dans le ciel et la ville s'allume sous les lumières du crépuscule. Je vois les grandes tours de bureau, le lac qui s'étend au sud comme une mer et la ville interminable jusqu'à l'horizon. Toronto est plus impersonnelle que Montréal, plus américaine, mais que les villes américaines sont belles de nuit ! Je reste longtemps, attendant que la pénombre ait complètement remplacé le jour, laissant la ville ne devenir plus qu'une série de points lumineux sur la toile sombre. Les voies rapides se transforment en myriades rouges et jaunes, étoiles filantes dans l'infini de la nuit.
Je redescend sur la terre ferme. Je marche dans les rues, cherchant à quitter celles visiblement dédiées aux boutiques et commerces pour trouver les restaurants. Enfin, je m'installe dans un agréable pub où je mange une tourte dans une ambiance chaude et feutrée. Pour rentrer, il me faut prendre le métro et le bus mais, par miracle, je descends exactement au bon endroit et retrouve tout de suite la maison où je loge. Pour le prix que je paye (30 dollars la nuit), la chambre est relativement correcte. Je pensais voir le manager ce soir pour payer, mais personne n’est là alors tant pis. Finalement, je recevrai un mail le lendemain et la somme sera directement prélevée sur mon compte : je n'ai vu personne à part l'irlandais qui m'a ouvert. Le lendemain, je vais à 9h prendre le bus sur la place principale du campus encore étouffée par la brume, des écureuils noirs courent sur le trottoirs et je bois un thé Starbucks à emporter. Cette fois, j'arrive à l'aéroport sans encombre et suis tout à fait à l'heure pour mon vol pour Montréal. Je n'ai eu que peu de temps à Toronto, la ville ne m'a pas autant séduite que Montréal mais je pense qu'elle a beaucoup à offrir, une autre fois peut-être ?