Tadoussac et Charlevoix
Depuis que nous avons atteint Kegaska et la fin de la route 138, nous sommes de fait sur la route du retour. Mais ce n'est que quand nous quittons Mingan que nous avons vraiment l'impression de repartir vers Montréal. Et si la côte nord est belle, elle nous apparaît surtout bien longue. Nous pensions faire une étape puis passer deux nuits en camping à Tadoussac pour aller voir les baleines, mais la météo s'en mêle. Ce matin, alors que nous replions la tente dans le vent, il fait un magnifique soleil. Demain, il fera aussi beau mais pas le jour suivant où nous avions prévu d'être à Tadoussac. Je propose donc de réserver l'excursion aux baleines directement pour demain. Cela suppose, non pas de rejoindre Tadoussac ce soir, mais de s'en rapprocher assez pour pouvoir prendre le bateau à 13h.
Nous rejoignons d'abord Sept-Îles où nous nous arrêtons déjeuner. Nous profitons du brunch de l'hôtel qui donne sur la baie puis laissons l'enfant s'amuser dans les jeux avant de repartir. Malheureusement pour nous, l'enfant a déjà dormi ce matin entre Mingan et Sept-Îles et n'a pas l'intention de faire de nouveau la sieste. C'est donc, pour lui comme pour nous, un très long trajet. On écoute les "histoires de loup", on joue au "rat des villes et rat des champs", on joue aussi à lister les choses : les animaux, les objets de la voiture, les couleurs, les gens, les fruits, les légumes... Mais la fatigue, l'impatience, la lassitude s'installent. Lorsque nous atteignons Baie-Comeau, nous sommes déjà épuisés mais nous souhaitons rouler encore une heure jusqu'à Forestville. Enfin, nous y voilà. Le premier motel est plein mais heureusement pas le second. On ressort immédiatement pour aller manger à la "Cantine La Bonne Franquette". C'est un simple stand de vente à emporter installé le long de la route avec quelques jeux pour enfants. J'ai l'impression d'attendre une éternité ma "guedille au poulet", éternité d'autant plus désagréable qu'il y a des moustiques.
L'avantage d'avoir rouler si longtemps est que le lendemain, nous n'avons plus qu'une heure jusqu'à Tadoussac. Nous réalisons d'ailleurs avec soulagement que notre retour n'implique plus d'étapes aussi longue. Comme prévu, il fait un temps magnifique et la ville de Tadoussac est en pleine effervescence touristique ce qui change beaucoup par rapport au calme de la côte nord. On récupère nos billets puis on se rend sur le quai pour prendre le bateau qu'on attend en grignotant quelques tranches de pain au jambon.
Il y a deux types d'excursions à Tadoussac : on peut prendre les zodiacs, grosses barques à moteur comme celles de Sept-Îles et Mingan, ou le grand bateau de tourisme comme à Saguenay. Beaucoup privilégient les zodiacs : on est moins nombreux, il y a plus de flexibilité pour se déplacer, on voit sans doute mieux les animaux. Mais l'excursion dure 3h et avec l'enfant, cela semble compliqué et dangereux. D'ailleurs, il n'est possible de réserver un billet que pour les 6 ans et plus. Donc nous prenons le grand bateau qui est celui des familles et des cars de tourisme. L'enfant, qui n'a pas encore fait sa sieste, n'est donc pas le seul à être agité. Il y a des bébés qui pleurent, tout un tas d'enfants que les parents cherchent constamment à empêcher de courir et grimper sur les chaises. Ça parle dans toutes les langues et tout le monde se rue en pointant du doigt dès qu'une baleine est aperçue. C'est compliqué avec l'enfant car l'observation des baleines demande une patience et une concentration qu'il n'a pas du tout à son âge. Il arrive tout de même à apercevoir un bout de queue noire plongeant dans l'eau d'une baleine particulièrement accommodante en début de balade. Ensuite, il y a surtout beaucoup de frustration. De nous, car nous ne pouvons pas regarder tranquilles les animaux ni même écouter les explications de la guide, de lui car il est fatigué, ne peut pas faire ce qu'il veut et n'a pas notre pleine attention. Après une ultime crise de larme lorsque je décide de sortir sur le pont voir les marsouins, il finit par s'endormir dans sa poussette et nous pouvons admirer dans le calme une très amusante colonie de phoques. Par ailleurs, l'expérience est amusante sans être aussi impressionnante que lorsque nous étions à Monterey il y a quelques années. Nous ne voyons pas de grandes baleines bleues, très rares dans ce coin, ni de baleines à bosse et nous loupons même les bélugas qui passent près du bateau. Nous voyons les phoques, les marsouins et les baleines petit rorqual. Par ailleurs, la promenade que ce soit dans la baie ou dans le fjord que nous remontons un peu est très belle.
L'enfant dort sur toute la seconde moitié de l'excursion et ne se réveille qu'une fois sorti du bateau alors que nous remontons tranquillement vers la petite ville. Après un goûter dans un café, nous reprenons la route. Vu la météo maussade du lendemain, nous avons décidé de continuer un peu après Tadoussac pour notre dernière étape. Nous traversons donc de nouveau le fjord sur le bac et nous voilà de l'autre côté, dans la région de Charlevoix qui est d'après la guide du bateau "la plus jolie du Québec". Il est vrai que la route longeant le fleuve est particulièrement belle. Nous roulons à peu près une heure avant d'arriver au camping que j'ai réservé le long de la rivière Malbaie.
Ce sont nos deux dernières nuits de camping. Après le long voyage sur la côte nord, j'ai envie d'un peu de repos. J'ai donc choisi ce camping familial et tranquille, pas aussi saisissant que les lieux où nous nous sommes arrêtés d'autre fois mais qui respire une douce atmosphère de vacances. Notre emplacement est juste en face d'une grande aire de jeux avec un château gonflable, un trampoline géant et même une mini ferme avec des poules et des chevaux un peu plus loin. La route 138 que l'on voit et entend n'est pas accessible pour l'enfant et il peut en fait gambader librement dans tout cet espace sans danger. La rivière Malbaie coule derrière quelques buissons à quelques mètres de notre emplacement, très tranquille et peu profonde (l'enfant est d'ailleurs tellement accaparé par les jeux qu'il ne remarque même pas la rivière).
Mon choix stratégique a bien fonctionné. L'enfant est ravi et disparaît immédiatement dans les jeux. Une fois la tente installée, je peux me poser sur ma chaise et me reposer. Quand vient l'heure du repas, nous préparons des pâtes. L'enfant réapparaît car il a faim puis retourne sauter sur le trampoline tandis que nous restons au coin du feu. À 21h, il est encore à bondir dans la nuit noire quand la gérante du camping vient fermer le trampoline pour la nuit et arrêter la soufflerie qui l'alimente ainsi que le château.
La première phrase qu'il dit en se réveillant le lendemain est "Maman, je veux aller au parc". Il est cependant un peu déçu car la soufflerie n'a pas encore été rallumée et qu'il n'y a pas les autres enfants si tôt. Ce n'est donc pas trop difficile de le convaincre de se préparer et de venir dans la voiture en lui promettant qu'on reviendra cet après-midi.
Le temps est maussade mais nous avons tout de même décidé de nous rendre au parc national de la Malbaie à environ 1/2 h du camping. C'est une route magnifique à travers des petites montagnes couvertes de forêts. C'est le massif des Laurentides qui s'étend tout le long de la rive nord du Saint-Laurent et dont on connaissait surtout la partie proche de Montréal. Sébastien a repéré deux randonnées qu'on pourrait faire : une depuis l'entrée du parc, une plus loin. En arrivant, on découvre que la deuxième randonnée n'est en fait pas possible pour nous car il faudrait se rendre au point de départ en vélo ou même en canoë. Par contre, on apprend que le parc propose des excursions en bateau sur la rivière. On hésite à réserver celle de 15h car c'est un peu juste avec notre balade. Finalement, on décide de faire immédiatement celle de 11h ce qui suppose de partir maintenant. Il faut prendre un petit bus pour rejoindre le départ du bateau et on arrive de justesse.
Nous voilà donc voguant sur la jolie rivière Malbaie. Elle est plus large sur cette portion car on est juste en amont d'un petit barrage. Il a été installé à l'origine par les bûcherons et le bois coupé était stocké directement flottant dans la rivière. Les troncs étaient ensuite envoyés par paquet, portés par le courant. C'est la guide du parc qui nous raconte tout ça et nous parle de la faune et la flore : les oiseaux, les huttes des castors que l'on voit sur les bords, les magnifiques forêts de bouleaux, érables et sapins, les vallées creusées par les glaciers, etc. Encore une fois, on est à l'heure pré-sieste de l'enfant qui est donc pénible. Mais cela reste supportable. Une pluie fine commence à tomber dans la deuxième partie de la balade. Alors que nous reprenons le bus pour revenir à la voiture, elle se transforme en grosse averse et nous pique-niquons sous un abris. Mais bientôt la pluie s'arrête et nous pouvons faire notre randonnée au sec. C'est environ la même distance que celle de Saguenay mais avec moins de dénivelé. Notre objectif est d'atteindre le "lac sans oreille". Ça monte tout de même assez et cela reste un bel effort. Comme prévu, l'enfant s'endort dans le sac à dos et toute la première partie de la balade est très calme. On arrive au lac, on admire la belle nature sauvage. Seb avait lu qu'on pouvait voir des orignaux mais il aurait fallu être là très tôt le matin et il n'y a pas d'animaux. L'enfant s'est réveillé et nous continuons la boucle qui redescend maintenant vers la vallée. Comme la dernière fois, l'enfant marche un peu tout seul même si ça nous demande aussi beaucoup d'efforts pour l'accompagner pas à pas sur le sentier cabossé. De nouveau dans le sac, le retour nous paraît long car il s'impatiente et nous aussi.
Enfin, nous atteignons la voiture et repartons vers le camping en milieu d'après-midi. Le soleil est revenu et nous profitons bien du lieu. Tandis que l'enfant joue, je vais me baigner dans la rivière. Elle n'est pas très profonde mais je peux m'asseoir dans le courant et me rafraîchir ainsi dans une agréable solitude _ il n'y a personne d'autre, la rivière semble être juste à moi. Plus tard, je joue aussi avec l'enfant sur le trampoline et l'accompagne voir les animaux. Comme la veille, il reste jusqu'à la fermeture et en oublie presque de manger.
Le lendemain, nous replions la tente pour de bon. Il fait beau, sec, sans vent, conditions idéales pour ce dernier rangement. Comme il fait beau et que nous avons le temps, nous restons un peu au camping une fois terminé. Nous arrivons, difficilement, à convaincre l'enfant de venir dans la piscine : il n'y a pas de pataugeoire et il déteste ne pas avoir pied. On joue aussi avec lui sur le trampoline et nous décidons à partir quand la faim commence à se faire sentir.
Nous reprenons la route 138 et déjeunons tranquillement sur un coin d'herbe à côté d'un poulailler et d'un restaurant de burgers. Nous continuons de traverser la région de Charlevoix jusqu'à longer l'île d'Orléans et d'atteindre Québec. Nous nous arrêtons aux chutes Montmorency que nous avions vues cet hiver couvertes de glace et de neige. Puis nous quittons définitivement la route 138, laissons au loin la silhouette de la ville de Québec et rejoignons l'autoroute vers Trois-Rivières. C'est là que nous avions commencé le voyage et c'est là que nous le finissons dans un motel pas trop loin du centre. Le lendemain, nous arrivons à Montréal en fin de matinée, heureux de nous poser après plus de deux semaines d'itinérance. Il nous reste quelques jours pour dire au revoir à la ville avant de nous envoler pour la France.
Côte Nord : Mingan et Natashquan
Nous quittons Sept-Îles et continuons notre périple sur la route 138. Notre prochaine étape se situe à environ 200 kilomètres et nous ne croisons que de minuscules villages. Nous déjeunons sur une "aire de repos" le long de la route : une plage sauvage avec une table de pique-nique. Nous nous arrêtons à Longue Pointe de Mingan. C'est un village à peine plus gros que ceux que nous avons dépassés. Il y a deux rues dont la rue de la Mer qui longe l'estuaire sur environ deux kilomètres. Au bout de cette rue deux campings tenus par deux familles qui affichent fièrement leurs noms. Chacune d'elle propose aussi des excursions en mer pour visiter le petit archipel que l'on aperçoit au large. Cette étrange concurrence m'interroge et j'imagine une situation "Capulet et Montaigu" sur la côte nord. De façon arbitraire, nous choisissons le Camping de la Minganie, installons notre tente quasiment sur la plage, et réservons l'excursion pour le surlendemain.
Comme il est encore tôt et qu'un beau soleil brille. Nous repartons peu de temps après nous être installés. L'eau de l'estuaire est beaucoup trop froide pour pouvoir se baigner (5 degrés nous dira plus tard le guide) mais ce n'est pas le cas de la rivière Mingan toute proche. Pour y aller, nous traversons le village Innu de Mingan (plusieurs des villes par ici semblent être doublées, d'un côté la ville des colons, de l'autre le territoire autochtone). La rivière est juste à la sortie du village. On s'arrête sur le bord de la route et on descend directement sur une très belle plage. C'est une large rivière assez peu profonde avec des bancs de sable. L'embouchure est juste là et je remarque le courant en sens inverse dû à la marée montante. Il y a du soleil mais il ne fait pas très chaud, à peine 18 degrés et avec un fort vent. L'enfant se plaint du froid et réclame pulls et manteaux. Nous décidons tout de même de nous baigner. En fait, l'eau est plus chaude que l'air et la rivière est particulièrement agréable. Elle est assez profonde pour que je m'y enfonce complètement et que je nage doucement dans l'agréable courant. L'enfant n'est pas content, il aurait voulu que je reste avec lui sur la plage plutôt que d'aller me baigner. Voyant que, mère ingrate, je ne me décide pas du tout à sortir, il finit par se déshabiller sous les encouragements de son père pour venir me rejoindre. Mais il n'aime ni l'eau trop froide, ni le vent et trouve l'eau trop profonde (même avec son gilet flottant, l'enfant est terrorisé dès qu'il n'a plus pied). Il s'accroche à moi de toutes ses forces en criant "j'ai froid, j'ai peur, j'ai froid et peur. Je veux sortir, je veux sortir ! ". Lorsqu'on sort finalement, il s'enroule de plusieurs serviette en boudant.
Sur un point, il a raison. Il fait assez froid. Lorsque nous revenons à Longue Pointe de Mingan et allons nous promener sur la grève, je sens le vent glacé du nord malgré le soleil. Ma petite jupe et mes sandales ne sont pas tellement de saison. Ici, tous ceux que je croise sont couverts de pantalons, chaussures fermées et vestes polaires. De retour à la tente, nous sortons tous nos vêtements "pour le froid". Seb arrive à lancer un feu malgré le vent qui est cependant trop intense pour notre pauvre réchaud à gaz : nos pâtes refusent obstinément de cuire dans l'eau qui ne boue jamais. Assis par terre dans le sable autour de notre feu, nous mangeons nos pâtes mal cuites en nous réchauffant près des flammes. Enfin, nous rentrons nous calfeutrer sous la tente.
Le vent du soir annonce la tempête prévue le lendemain et qui nous fait légèrement douter de notre choix d'emplacement à la merci des éléments. Mais advienne que pourra. Nous nous réveillons comme prévu sous la pluie (mais au sec, la tente résiste bien). Nous avions fait en sorte d'avoir directement sous la tente tous nos vêtements et nos vestes. J'ai troqué ma jupe d'été contre ma grande salopette en toile épaisse et mon pull à col roulé. Je suis au moins satisfaite de ne pas les avoir apportés pour rien.
Nous quittons directement le camping et roulons la vingtaine de kilomètres qui nous sépare de la petite ville de Havre Saint-Pierre (à Longue Pointe où nous sommes, pas de quoi se nourrir). Il est encore tôt et la plupart des restaurants sont fermés. Finalement, nous trouvons refuge au Tim Hortons qui en cette heure matinale nous sert un petit déjeuner à peu près acceptable. C'est dans ce lieu improbable, cette chaîne de restaurant au milieu d'un parking pluvieux, que j'apprends en direct la naissance de mon neveu à des milliers de kilomètres de là et que je peux voir les photos du nouveau né grâce au wifi (je ne capte plus la 3g depuis Baie-Comeau, je pique celle de Seb qui est très instable).
Après cette jolie nouvelle, j'emmène l'enfant dans un parc de jeux entre deux averses tandis que Seb va chercher quelques nouvelles provisions. La ville de Havre Saint-Pierre n'est pas désagréable. La mer prend une couleur vert foncé sous la pluie et on voit les autres îles de l'archipel de Mingan. À l'office du tourisme, on loue le CD qui va nous accompagner dans notre route du jour. En effet, à 150 kilomètres se trouve la ville de Natashquan puis encore 40 kilomètres plus loin le village de Kegaska qui marque la fin de la route 138. Notre projet du jour sous le mauvais temps est de parcourir cette route. Vu la pluie, on ne peut, de toutes façons, pas faire grand chose d'autre.
L'office du tourisme propose un CD de "visite guidée de la route". On le loue à Havre Saint-Pierre, on l'écoute le long des 150 kilomètres et on le rend à Natashquan. Les différentes pistes du CD correspondent aux bornes kilométriques comme si on avait un audioguide. Le CD propose aussi différents arrêts et quelques suppléments.
Nous nous lançons donc sur cette route observant les kilomètres et essayant de synchroniser notre écoute et notre progression tandis que l'enfant s'est endormi. Autour de nous, les sapins sont de plus en plus rabougris, effet du sel nous dit-on sur le CD. Nous voyons d'ailleurs moins de forêt et nous traversons de grandes tourbières où pousse une végétation rase. On voit surgir de petits monticules rocheux : c'est le début du granite qui remplace petit à petit le calcaire dont est fait l'archipel de Mingan. L'hostilité sauvage du paysage est renforcée par le mauvais temps, des kilomètres de tourbières et forêts battus par la pluie et le vent.
La portion de route où nous sommes est récente. Pendant longtemps, la route 138 s'arrêtait à Havre Saint-Pierre. Ce n'est que dans les années 90 que la route fut prolongée jusqu'à Natashquan et seulement en 2013 jusqu'à Kegaska. Le CD nous raconte la construction de la route, les difficultés, en particulier pour traverser les nombreuses rivières, et propose plusieurs témoignages d'habitants. On nous raconte l'arrivée de l'électricité dans les années 60, le transport du courrier en traîneau l'hiver, la cueillette de la chicoutay, la pêche, le travail de trappeur, etc. Entre les explications, il y a des chansons, en particulier celles du poète Gilles Vigneault, célèbre ici et originaire de la ville.
Le CD est très intéressant mais alors que nous avançons, un manque se fait de plus en plus flagrant : les populations autochtones innus sont totalement oubliées. Certes il est indiqué que les noms des lieux (Natashquan, Aquanish) sont des noms innus et quelques légendes sont parfois mentionnées mais on n'entend aucun témoignage innu, aucune chanson. On ne nous apprend rien de leur mode de vie plus ancien ou plus récent. Or les innus font partie intégrante de la région. Non seulement, ils étaient là bien avant les européens et vivent ici depuis des centaines d'années mais ils forment aujourd'hui une grande proportion de la population. Le village québécois de Natashquan compte 263 habitants tandis que la communauté innu de Nutashquan a 800 membres ! La route s'est-elle construite avec eux ou contre eux ? Est-ce qu'ils ont été consultés ? Y-a-t-il eu des accords, comme par exemple pour les centrales hydroélectriques ? Cela reflète malheureusement un racisme nord américain encore bien présent. Ces dernières années, le Canada a fait des efforts et une prise de conscience est en cours. Pendant notre voyage, le pape a présenté ses excuses aux populations autochtones pour les exactions de l'Église Catholique (on parle ici d'enfants arrachés à leurs familles et placés dans des orphelinats où ils étaient maltraités, déracinés, et mourraient en masse). Mais le CD date quasiment de la construction de la route à la fin des années 90 où une omission de toute une population paraissait naturel. La question ne s'est sans doute même pas posée. D'ailleurs, à la fin du CD, le narrateur nous invite à demander à l'office du tourisme un second CD sur la culture innu. Je le demande à notre arrivée à Natashquan mais il n'existe plus, me dit-on. Je soupçonne que le ton était tellement éculé, paternaliste et essentialisant que le CD a tout simplement été supprimé. Peut-être un jour, le "CD de la route" sera refait et cette grosse lacune comblée. En attendant, je reste aussi ignorante qu'avant. J'aurais voulu visiter la maison de la culture innu qu'on trouve à Mingan mais je découvre trop tard qu'elle est fermée le samedi. En feuilletant wikipedia, je découvre le nom de Natasha Kanapé Fontaine que je note pour des prochaines lectures.
Nous voilà donc à Natashquan. C'est un tout petit village posé le long de la mer juste après l'embouchure de la rivière des Plaines. Après être passés à l'office du tourisme, on marche le long d'une rue mouillée, dépassant la maison de Gilles Vigneault pour rejoindre le café "L'echouerie". C'est une agréable surprise, véritable petit havre chaleureux face à une plage battue par les vents. Toutes les spécialités ici tournent autour de la mer : morue, crabe, homard. Mais je trouve un "ragoût de bœuf salé" plus à mon goût. Après le repas, je marche sur la plage avec l'enfant pendant que Seb est allé chercher la voiture garée plus loin. C'est marée basse, la mer froide clapote sur le sable humide et les longs rochers de granite. Quelques maisons sont posées sur le rivage au milieu des hautes herbes. L'horizon est perdu dans le brouillard et il tombe un crachin qui se transforme parfois en pluie. L'enfant est de bonne humeur, il veut jouer à chat niant la pluie qui tombe et refusant de venir s'abriter. Finalement, Sébastien revient et nous retournons dans la voiture.
Une question se pose alors : fait-on demi tour maintenant ou allons-nous jusqu'à Kegaska, le "bout de la route" ? Il nous reste tout de même 40 kilomètres mais en même temps, ce serait frustrant d'être venu jusque là pour ne pas aller jusqu'au bout du chemin. Nous décidons d'aller à Kegaska. La route goudronnée continue et rejoint la ville innue de Nutashquan un peu plus loin mais une fois dépassé les dernières maisons, surprise, la route 138 est maintenant une piste de terre battue. Quand ils disent que la route a été prolongée, cela signifie surtout qu'ils ont construit les ponts nécessaires à cette portion de chemin. On traverse en particulier la belle rivière Natashquan. Le paysage est encore plus désolé qu'avant. Il y a encore moins de forêts et nous roulons au milieu des larges tourbières humides. Nous continuons ainsi pendant environ 3/4 d'heure avant d'arriver à Kegaska. Et là nous le voyons : le panneau indiquant "138 FIN". C'est bien la fin de la route. Une piste semble continuer sans doute pour rejoindre quelques habitations du village un peu plus loin. Nous garons la voiture et descendons sur la plage. Mais cette fois l'enfant est contrarié et n'a pas l'air d'apprécier tant que ça le bout du monde. Il veut retourner dans la voiture et le fait savoir de façon véhémente. C'est ce que nous faisons (de toutes façons, il pleut). Nous roulons pour faire le tour du minuscule village. Il y a encore moins de maisons qu'à Natashquan. On trouve surtout une église et un port pour embarquer sur les bateaux qui parcourent le reste de la côte nord vers ces villages complètement isolés, au delà de la route comme l'était il y a peu Kegaska.
Cette fois, nous repartons pour de bon. Détail cocasse : alors que nous quittons Kegaska, l'enfant réclame d'un seul coup d'aller au toilette pour la grosse commission. Nous sommes littéralement au milieu de nulle part, il n'y a bien sûr aucunes toilettes. Mais nous avons ce jour là dans la voiture son pot qu'il n'utilise quasiment plus. On l'installe donc sur le bord de la route de gravier au milieu des tourbière, dans ce bout du monde, ce qui ne le trouble ni ne l'étonne plus que ça...
Il nous faut maintenant parcourir d'abord les 40 kilomètres de pistes puis les 150 kilomètres de route qui nous séparent de Havre Saint-Pierre. Cette fois, nous n'avons plus de CD guide pour nous tenir compagnie et l'enfant est réveillé. On écoute les éternelles "histoires de Loup" et on invente aussi des jeux. Le plus absurde, demandé à grands cris par l'enfant, est le "cache-cache". C'est-à-dire que l'un de nous compte jusqu'à 10 tandis que les deux autres "se cachent" se qui signifie pour Seb (qui conduit) et moi de simplement lever une main pour former un très illusoire écran. Puis celui qui a compté "trouve" les deux autres ce qui met l'enfant en joie. L'autre jeu qu'il apprécie est "le rat des villes et le rat des champs". En général, l'enfant et moi sommes les deux rats tandis que Seb est le chat. Nous devons mimer de nous enfuir en criant puis inventer des histoires rocambolesques et absurdes qui n'en finissent plus. Cela implique souvent de nombreuses destructions fictives, de portes, fenêtres, maisons, etc. L'enfant lance de tous côtés ses bras et ses jambes depuis son siège auto.
Enfin nous arrivons à Havre Saint-Pierre en début de soirée et dînons dans le restaurant recommandé par l'office du tourisme. Quand nous repartons vers Longue-Pointe-de-Mingan, il fait déjà nuit noire. La route est couverte d'un très épais brouillard que les phares peinent à percer. En arrivant au camping, il est même difficile de distinguer la tente et de ne pas rouler sur les emplacements des voisins. Plus tard, quand je me lèverai dans la nuit, j'aurai bien du mal à me diriger vers la petite cabane qui abrite les toilettes. Mais cependant, la tente a bien résisté aux intempéries. Elle est toujours debout et nos affaires sont au sec.
Au matin, le brouillard est toujours présent. L'air est froid et humide, on ne voit pas le ciel et c'est à peine si on devine la mer à quelques mètres pourtant. Le camping propose un petit abri où nous nous refugions pour le petit déjeuner. Nous laissons tranquillement passer la matinée. Le brouillard commence tout juste à se lever. Après un rapide pique-nique, nous partons à pied marcher sur la grève. Il y a un long chemin qui part du camping et longe la mer jusqu'au bout du village. L'enfant s'endort : c'était ce que nous voulions pour qu'il soit en forme cet après-midi pour la balade en mer. Vers 14h30, nous sommes au petit kiosque des excursions devant le ponton et enfilons nos gros gilets de sauvetage. L'enfant se réveille : nous sommes prêts à partir.
Nous montons dans une grosse barque à moteur qui ressemble assez à celle que nous avons prise à Sept-Îles. Il y a une dizaine de personnes dans le bateau et je suis cette fois à l'avant avec l'enfant. Il a un peu peur quand nous filons et sautons sur les vagues et me demande de toujours le tenir. Notre première étape est l'île Nue De Mingan. Nous sortons du bateau et suivons notre guide pour une promenade d'une heure. Mais l'île est en fait très étendue et on pourrait y faire des randonnées de plusieurs kilomètres. Elle porte bien son nom car elle n'est couverte que d'une végétation rase haute d'à peine quelques centimètres. Ce sont des plantes charnues, grasses, aux épaisses tiges et feuilles pour conserver l'eau et se prémunir du sel de la mer. C'est un paysage digne de l'Arctique et les eaux glacées qui nous entourent viennent directement de là. D'ailleurs, il y a quelques années, on trouvait de la neige ici même en été. L'île est surtout célèbre pour ses étonnantes formations géologiques en calcaire rongé par la mer. Partout se dressent des monolithes aux formes les plus étranges donnant à l'île un aspect presque surnaturel. Il reste encore des traces du brouillard de ce matin et le paysage est éclairé d'une lumière blanche sous le ciel bas. Les monolithes se reflètent dans longues flaques laissées par la marée, c'est magnifique.
Nous reprenons le bateau et nous dirigeons vers l'île aux perroquets. En nous approchant du rivage, le bateau ralentit pour nous laisser admirer une colonie de phoques. Plus tard, nous sommes entourés de dizaine d'oiseaux : des petits pingouins et des macareux, les fameux "perroquets". Les animaux sont assez près et nombreux pour que l'enfant arrive à les voir, il est ravi. Cette visite est plus à son goût que celle de l'île Nue car s'il est assez grand pour apprécier (et adorer) les animaux, il reste tout à fait hermétique aux beaux paysages. Heureusement, l'île avait aussi de nombreux cailloux qui ont su éveiller son intérêt. L'île aux perroquets est beaucoup plus petite. C'est un gros rocher posé sur les flots sur lequel a été construit un phare. Sur le flanc de ses petites falaises, on trouve les nids des pingouins et macareux que l'on observe maintenant depuis le rivage. L'intérieur de l'île est plein de charme, couvert de hautes fleurs colorées. En plus du phare, il y a quelques maisons : anciennes habitations du gardien du phare et de son assistant (qui se louent à présent une fortune). Une petite exposition nous présente la vie qu'ils menaient sur ce rocher coupé du monde où leur vie était en danger à chaque traversée. L'un d'eux est d'ailleurs mort noyé en allant chercher la sage-femme qui devait accoucher son épouse. Je découvre aussi l'existence de Mary Collin-Kavanagh qui vécu 25 ans sur cette île minuscule, femme du gardien du phare. Ses mémoires ont été publiés, je les achèterai à mon retour à la petite boutique du village. À présent, le brouillard a complètement disparu. La minuscule île brille de milles feux dans la lumière de la fin d'après-midi, son ciel strié par les centaines d'oiseaux qui nous entourent. À l'horizon, on aperçoit même la forme de l'île d'Anticosti immense terre sauvage au bout de l'estuaire. Après notre retour, nous retournons au camping. Le temps est maintenant très agréable. Le vent a tourné, il vient du sud et est beaucoup plus doux que les jours précédents. L'horizon est dégagée et toutes les îles de l'archipel apparaissent clairement. On devine en particulier l'île aux perroquets et son phare qui étaient complètement invisibles jusqu'à maintenant. Nous prenons notre repas face à ce magnifique paysage assis autour du feu.
Côte Nord : Sept Iles
Nous quittons l'Anse Saint-Jean et bientôt le fleuve majestueux apparaît devant nous. Nous rejoignons la route 138 : 1400 kilomètres longeant la rive nord du Saint-Laurent de la frontière américaine jusqu'à l'embouchure. En arrivant un peu avant Tadoussac, il nous en reste à peu près 800 à parcourir le long de "la côte nord", c'est-à-dire la rive nord de l'estuaire qui donne ensuite le golfe du Saint-Laurent. Il y a quelques années, je regardais cette route sur la carte tandis que je faisais le tour de la Gaspésie sur l'autre rive de l'estuaire. Cette unique route sur la côte me semblait mystérieuse et sauvage, ultime frontière avec l'immensité du nord. Je me demandais ce qu'elle cachait, ce qu'on pouvait y visiter, ce qu'il y avait à voir "là bas".
Tadoussac est la porte d'entrée de la côte nord. La ville est connue pour les excursions aux baleines qui viennent se nourrir à l'embouchure du Saguenay. Aujourd'hui, nous ne faisons qu'y passer. Nous patientons au dessus d'un splendide paysage pour prendre le bac et traverser le fjord. Une fois de l'autre côté, nous déjeunons de burgers à emporter et sommes pris de cours par une averse. Nous voilà serrés sous un petit préau avec l'enfant épuisé qui hurle. Il a d'abord pleuré car il voulait aller sous le préau tandis qu'on pensait rejoindre la voiture. À présent qu'on est finalement allé sous le préau, il pleure car il veut aller à la voiture.
Enfin, nous quittons Tadoussac et commençons à parcourir la côte. Nous sommes sur une belle route sauvage à travers une épaisse forêt de sapins. Parfois, la route rejoint le fleuve et nous surplombons des falaises rocailleuses tombant dans l'estuaire. À l'horizon, la Gaspésie apparaît comme un mirage. Le plus impressionnant sont les rivières que nous traversons toutes plus magnifiques les unes que les autres. Certaines sont larges et plates, ondulant entre les bancs de sable et les sapins. D'autres tombent en cascades et rapides juste sous nos roues.
Nous traversons aussi quelques petites villes. Si l'on reste sur la route 138, on ne voit en général qu'une sorte de zone commerciale, succession de motels, stations essence, et supermarchés. À droite de la route, s'étendent des zones résidentielles parfois assez mignonnes et qui ont de temps en temps un petit centre-ville. Mais tout est organisé autour de la voiture qui reste le seul et unique moyen de transport.
La côte nord paraît plus sauvage que la Gaspésie, mais elle est aussi plus industrielle. Le tourisme n'est qu'une petite partie de l'économie. On ne peut pas louper par exemple les silhouettes métalliques des immenses lignes à haute tension qui semblent couler à travers la forêt comme les rivières dont elles tirent leur énergie par les centrales hydroliques. La ville où nous nous arrêtons ce premier soir, Baie-Comeau, vit justement de l'activité engendrée par la centrale toute proche ainsi que de quelques usines associées, comme une usine d'aluminium.
Vu que nous ne nous arrêtions ici qu'un seul soir, nous avons opté pour une nuit à l'hôtel plutôt que de monter et démonter la tente ce qui nous prend beaucoup de temps et d'énergie. (la tente en elle même est simple à installer et à défaire mais toute l'organisation associée avec les sacs, les matelas, la nourriture, l'organisation du coffre et des affaires, est compliquée). Nous prenons donc une chambre dans l'un de ses motels au bord de la route 138 à l'entrée de Baie-Comeau. Comme nous avons un peu de temps avant le dîner et que le temps s'est éclairci, nous parcourons un peu la petite ville. Derrière la jolie zone résidentielle, on trouve une petite forêt qui descend vers le fleuve avec des chemins de randonnée. En quelques minutes, on se retrouve sur une plage rocailleuse avec un paysage digne des plus beaux films d'aventure. La forêt sombre se découpe sur le ciel du soir éclairé par la lumière du crépuscule. Elle descend sur les rochers léchés par les eaux de la baie qui s'ouvre sur l'immense estuaire. C'est à couper le souffle. Difficile d'imaginer qu'on est à peine à 20 minutes à pied de la zone commerciale de notre motel.
Nous remontons vers la ville, prenant des raccourcis hasardeux à travers les bois ce qui n'est pas vraiment du goût de l'enfant. Il est dans sa poussette et ça secoue un peu, il crie aussi "Non, pas dans la forêt ! Je vois plus rien !" dramatisant un peu la situation car, en fait, il fait encore tout à fait jour.
De retour à côté du motel, nous nous dirigeons vers un restaurant que j'ai repéré sur la carte. Il est le long de la route 138 et nous devons traverser plusieurs terrains vagues peu engageants. Il a beau être à 5 minutes à pied, tout est pensé pour y aller en voiture. C'est le seul restaurant que j'ai vu qui ne soit pas une chaîne type Tim Hortons ou Mac Donald. En fait, c'est un restaurant de grillade grec assez chic et visiblement LE restaurant du coin car toute la ville semble s'y être donné rendez-vous, contraste saisissant avec led rues larges et vides que nous parcourons depuis tout à l'heure. Il est plein et il nous faut patienter bien 20 minutes pour avoir une table. Mais le repas est très agréable et nous entendons pour la première fois parler Innu ce qui trouble un peu l'enfant.
Le lendemain, nous continuons notre route vers le nord est. Après Baie-Comeau, on croise moins de petites villes. Une d'elle est Godbout où nous faisons une pause pour visiter un refuge pour rapaces (toute occasion de voir des animaux est bonne à prendre). C'est un petit village quelques maisons posées le long de la mer. La côte est devenue plus plate et sablonneuse avec de grandes et belles baies. D'autres fois, la route monte une petite colline et on la voit alors devant nous sur des kilomètres à travers la forêt. Nous nous arrêtons un peu avant la ville de Sept-Îles. Notre tente est directement en face de la mer, séparée de la plage par une petite clôture au dessus d'un bosquet. Il est encore tôt et nous allons faire un tour sur cette jolie plage qui s'étend sur des kilomètres de part et d'autre du camping.
L'eau est très froide mais on peut tout de même se baigner. De jolis rouleaux éclatent à quelques mètres sur un banc de sable puis forment une piscine plus calme proche du rivage. Je me risque jusqu'aux rouleaux et fais quelques plongeons dans l'eau glacée de l'estuaire. L'enfant a décrété que l'eau était trop froide et refuse d'y mettre plus d'un orteil. D'ailleurs il n'est pas très satisfait, il m'explique qu'il voulait une "petite piscine" (comme au précédent camping) et pas "une grande rivière comme ça". On l'emmène ensuite aux jeux qui sont à l'intérieur du camping et on rentre manger au coin du feu près de la tente.
Le lendemain matin, je tente de le convaincre de se baigner dans le petit bassin formé par la marée basse mais il n'y a rien à faire : c'est trop froid. Nous roulons ensuite jusqu'à Sept-Îles. C'est une sorte de grosse bourgade avec un joli centre le long du fleuve. Tandis que l'enfant profite des jeux, je vais me renseigner pour les excursions. En effet, la ville tient son nom du petit archipel qui l'entoure, les sept îles. La plus grande s'appelle "La Grande Basque", on peut prendre une navette qui nous y dépose pour s'y balader.
Je réserve la navette pour l'heure suivante et nous préparons quelques provisions et affaires pour pass l'après-midi sur l'île. Nous achetons nos sandwichs au "casse croûte du pêcheur" et sommes prêts à partir. La navette est en fait une grosse barque à moteur. On porte de grosses vestes / gilets de sauvetage. Je suis installée sur le rebord pneumatic de la barque, Seb est assis sur un petit siège à l'arrière et l'enfant est par terre à mes pieds assis sur une veste. La traversée secoue un peu et il s'accroche à ma jambe de toutes ses forces.
Nous arrivons à la grande basque. La navette nous dépose près d'une jolie plage avec de longs rochers plats et du sable clair. C'est là que nous pique-niquons sur une table face à la mer. Puis nous partons à la découverte de l'île. Nous n'avons ni le temps ni le courage d'en faire le tour complet qui doit faire environ 10 kilomètres. Nous visons simplement un point de vue à plus ou moins 2km du quai. L'île est recouverte de forêt et le chemin part à travers les bois. Bientôt nous débouchons sur une seconde plage toujours aussi magnifique et sur laquelle se trouvent plusieurs campeurs. Car en s'y prenant à l'avance, on peut en effet camper sur l'île. Mais ça demande une grosse organisation car les installations sont assez sommaires. L'enfant est dans le sac à dos sur son papa. Alors que nous avançons dans le bois, il s'endort. Nous arrivons devant le petit sentier qui rejoint le point de vue. Il est court mais raide et s'appelle d'ailleurs "la montée". Seb ne se sent pas de grimper avec l'enfant endormi sur son dos. On décide alors de faire ce dernier tronçon "en asynchrone". On pose l'enfant endormi dans son sac à dos par terre. Seb reste avec lui et je monte seule. Au départ, ça monte juste dans les bois avec quelques grosses marches mais bientôt il me faut pratiquement escalader les rochers pour continuer à avancer. Cependant, au sommet, la récompense est au rendez-vous. L'île s'étend devant moi avec ses collines couvertes de forêts et ses plages de rochers tout en bas. À l'est, je vois le reste de l'archipel se dessiner sur l'estuaire. De l'autre côté, on trouve le port de Sept-Îles dont nous sommes partis ainsi que le port industriel avec les ferris et les transport de marchandises. En effet, Sept-Îles est un des plus importants ports d'Amérique du nord pour les matières premières telles que le bois, l'aluminium et le fer.
Après avoir profité de la vue, je redescends et c'est à mon tour de garder l'enfant pendant que Seb monte. L'enfant se réveille avant le retour de Seb mais est encore un peu endormi et réclame le sac à dos pour la fin de la balade. Une fois sur la plage, il est bien réveillé et passe la dernière heure avant le retour à courir sur les rochers en inventant des histoires pendant que Seb et moi nous laissons reposer au soleil. La navette du retour secoue et éclabousse encore plus que l'aller. L'enfant emmitouflé dans son gilet de sauvetage est calé sur mes genoux en exigeant que je le tienne à chaque instant.