Le lundi commence lui aussi par un petit déjeuner gargantuesque. Puis on rejoint le centre ville à pied, traversant une nouvelle fois la grande avenue Vaclacske. On visite alors la première église Saint Thomas, située sur la place centrale. Nous ne l’avions vu que de l’extérieur et nous pouvons enfin découvrir son intérieur baroque magnifique. Aujourd’hui est notre dernier jour à Prague et nous ne voulons rien rater.
On se dirige ensuite vers le quartier josefov, cœur de la communauté juive pendant des centaines d’années. Le musée juif est éparpillé entre les différentes synagogues et l’on découvre l’histoire des juifs pragois à travers ce jeu de piste dans ces rues emplies d’un passé si sombre. Car l’histoire des juifs est une longue suite de persécutions entrecoupées d’accalmies plus ou moins longue. Elle est intrinsèquement liée à l’histoire de la ville, elle-même complexe, et à celle de l’Europe en général, balayée par les empires et les empereurs, par les guerres de religions, par les luttes de pouvoirs. Après le cimetière juif, on visite la dernière synagogue et c’est là que se termine l’histoire. Sur les longs murs blancs, des milliers de noms, ceux des juifs morts durant la seconde guerre mondiale. Prague est encore une ville vivante et son histoire n’est pas finie, mais la suite s’écrira sans les juifs. Sur les 5 synagogues du quartier, une seule est encore utilisée. Après la liste de noms déjà éprouvante, on peut visiter l’exposition des dessins réalisés par les enfants au camp de Terezin. Terezin était un camp de concentration et de transit. Il était « l’exemple » donné par les nazis dans une propagande visant à cacher les atrocités faites aux juifs. Les conditions de vies étaient, comme dans tout camp, intenables mais du fait de la présence de nombreux érudits, une vie culturelle impensable s’y développa. L’éducation des enfants fut, en particulier, assurée. C’est dans cette école étrange qu’ils firent ces dessins, témoignant à la fois de leur enfance, de leur peur, de leur vie. La plupart moururent avant la fin de la guerre.
Nous retournons maintenant vers le centre ville. Le marché de Noël est toujours en place mais à présent que le week-end est fini, la foule n’est plus aussi dense. On achète des sandwichs à emporter puis on se réchauffe dans un petit café avec une boisson chaude. Pour notre dernière après-midi, nous devons réussi à « tout » voir. « tout », ça commence par la seconde église Saint Nicolas qui se trouve de l’autre côté du fleuve. On traverse donc à nouveau le pont Charles et nous rejoignons la place Malostranske. L’église Saint Nicolas est un joyau de l’art baroque imposé par Vienne pour renforcer son pouvoir et la religion catholique. Nous en prenons plein les yeux en dorures, en coupoles, en plafonds peints et en petits anges.
On se balade ensuite dans ce quartier que nous n’avons pas eu le temps de visiter hier. On erre entre la mignonne île de Kampa et le quartier des ambassade (nous mettrons beaucoup de temps à retrouver l’ambassade française, réputée pour son architecture). On termine en longeant la colline de Petrin avant de visiter Notre Dame de La Victoire, encore une belle église baroque.
La nuit tombe déjà et l’on s’écroule à nouveau dans le même bar qu’hier, qui sert toujours ses délicieux cocktails chauds qu’on accompagne cette fois d’un Apple Strudle. On profite encore un peu de la ville, on effectue nos derniers achats puis on se met déjà à la recherche d’un restaurant pour ce soir. Celui qu’on trouve est agréable, il est italien mais sert aussi des plats traditionnels hongrois. Je n’ai pas très faim et je mange trop, si bien qu’après je n’ai vraiment plus faim du tout.
Mais voilà qu’arrive l’heure du clou de notre voyage à Prague : ce soir nous avons réservé des places pour un spectacle de marionnettes. Après avoir longuement regardé sur Internet, notre choix s’est porté pour une version marionnette de Don Giovani de Mozart. Le spectacle, joué depuis 1991, a été repris plus de 2000 fois. Il a fait le tour du monde, allant même jusqu’en Corée _ il y a d’ailleurs de nombreux coréens dans la salle, et des programmes imprimés en coréens. Le théâtre est petit et la scène entièrement adaptée au travail des marionnettes. Les acteurs se tiennent debout derrière des paravents et légèrement surélevé. Leurs bras maniant les fils avec agilités sont cachés par le haut du rideau, à peine les voit-on dépasser de temps à temps.
A l’excellence technique du spectacle et à la magie de l’opéra, se mêlent l’humour et l’intelligence de l’interprétation qui n’enlève rien au sublime de l’œuvre originale. Le jeu subtile entre le marionnettiste et la marionnette est évoqué par petites touches et le personnage du chef d’orchestre (manipulé par en dessous, dans ce qui devrait être la fosse de l’orchestre) est hilarant.
Après cette magnifique soirée, nous retournons vers notre hôtel. Le lendemain, après un dernier petit déjeuner royal, nous reprenons le taxi à travers la banlieue de Prague. Du haut de la colline du château, on jette un dernier regard à la ville dans la lumière matinale avant de rejoindre l’aéroport. A midi, nous sommes à Dublin. Notre bagage, lui, est resté à Prague _ c’est ce que nous apprenons après l’avoir attendu en vain sur le tapis roulant. Notre théorie c’est que les marionnettes achetées dans la petite boutique près du château, voyant qu’on voulait les arracher à leur magnifique ville, se sont rebellées et ont retardé d’une nuit leur départ inéluctable pour Dublin…