Djerba, premier jour

5h du matin, nuit courte et départ embrumé vers l'aéroport. Le taxi nous dépose à Orly et nous embarquons pour Djerba parmi une multitude de familles et d'enfants, locaux ou touristes. Trop ensommeillée pour profiter pleinement de la vue, je ne jette un oeil par le hublot que lorsque l'île apparait : plaine desséchée sur la mer bleue. Il est 9h heure locale et nous voilà atterris, le ciel est nuageux et l'air un peu plus frais que ce que nous espérions. Notre ami R. chez qui nous logeons nous accueille et nous prenons avec lui le taxi vers la ville.

J'aime cette première approche d'un pays nouveau par la vitre du taxi, encore fatiguée du voyage. Djerba se découvre à mes yeux curieux : paysage désertique, quelques palmiers, oliviers et figuiers de barbarie qui poussent au milieu du sable, de petites maisons blanches, toutes en volutes, aux volets bleus. R. loue l'une d'entre elles à l'entrée d'Houmt Souk, la principale ville de l'île. Sa rue est faite de sable, dans la terre sèche de son jardin, quelques fleurs et deux bougainvilliers poussent douloureusement. Il ne loue que le rez-de-chaussée mais l'appartement est très spacieux. Les retraités français viennent chercher la douceur de vivre à Djerba, ils peuvent avoir ici le confort et l'aisance pour 200 euros par mois. Après s'être reposés quelques minutes, nous partons à la conquête du centre ville. Il est accessible à pied et nous marchons donc dans les rues de la ville. Elle est moins dense que ce que j'avais imaginé, le long des larges rues poussiéreuses, se dressent des maisons blanches à l'architecture uniforme et agréable. Nous croisons peu de touristes, les jeunes djerbiens discutent devant leur lycée. Certaines jeunes filles sont voilées mais pas toutes, elles sont à la mode musulmane moderne : un voile discret et esthétique sur une tunique et un jean.

Nous rejoignons le centre et le fameux souk si apprécié des touristes. En ce mois d'avril post-révolution, la foule n'est pas au rendez-vous et l'on peut profiter agréablement des très jolies rues où les portes bleues ouvrent sur de magnifiques cours et corniches. Bien sûr, les vendeurs nous appellent pour nous offrir bijoux, tapis, vêtements et autres mais la demande n'est pas trop pressante. L'un d'eux, polyglotte et volubile nous montre la petite église chrétienne qui se cache derrière un tournant. Il parle très bien français et cite les villes qu'il a visitées, ce qui correspond à un véritable tour de France ("en chameau" plaisante-t-il). Puis, voyant que nous connaissons l'allemand, il se lance, tout aussi habile, dans de grandes conversations. Entre temps, il nous a montré la maison de l'artisanat où des jeunes femmes tissent des tapis pour 2 euros par jour. R. a fait tellement rire l'une d'elle qu'elle ne peut plus s'arrêter. Nous quittons le polyglotte (en anglais) qui touchera peut-être une commission si R. revient acheter un tapis.

Il est midi, nous avons pris notre petit déjeuner il y a bien longtemps et nous avons faim. D'autant plus que le temps nuageux s'est transformé en soleil tapant et que, imprudentes, ma mère et moi n'avons ma pris nos chapeaux et nous fatiguons vite. Dans une petite gargotte, nous prenons des ragouts à 2 euros par personne. Le serveur doit aller acheter l'eau que nous avons commandée à la boutique d'en face, il règne une très grande amabilité. Après le repas, retour à la maison et sieste (bien désirée) avant de se préparer pour la plage.

Il n'y a pas de plage à Houmt Souk, elles sont plus loin sur la côte est, avec les hôtels à touriste. Nous nous y rendons en taxi. Le chauffeur est très expansif, il jure sur les piétons et voitures qui se mettent sur son chemin et s'excuse de son vocabulaire auprès des "gazelles" que nous sommes ma mère et moi, R. et Sébastien sont des "gazous". Lui aussi a déjà visité la France mais ne veut pas s'y installer : il a vu la vraie vie là bas chez ses nombreux cousins / frères et n'en a pas envie. Il jure après les fous qui risquent leur vie sur des bateaux pour si peu.

La plage apparait, étendue de sable à l'infini sur laquelle se dresse les hôtels. Miraculeusement, un certain équilibre architectural a été respecté et le paysage n'est pas trop affecté. Nous restons assez loin de ces 4 étoiles, leur préférant la petite gargote "La rose" dont les parasols en paille oscillent sous le vent. Nous marchons jusqu'à la mer. La plage est loin d'être d'une propreté irréprochable mais je m'étais attendue à pire et nous pouvons sans problèmes marcher pieds nus sur le sable. Tout est vide, des pécheurs immobiles tiennent leur ligne dans les vagues. La mer turquoise vient s'éclater en douce écume blanche à nos pieds. Le vent rend l'air assez frais, mais nous décidons de nous baigner tout de même. Et quel plaisir car l'eau n'est pas du tout froide ! J'y rentre très facilement et me laisse balancer par les vagues, sautant au dessus de l'écume. Je ne me suis pas baignée en mer depuis longtemps et c'est un vrai bonheur. Au sortir de l'eau, on se rhabille très vite car le vent nous glace. Nous attendons le taxi en sirotant de délicieux jus d'orange mais regrettons de ne pas s'être un peu plus couvert.

Enfin, ce soir, nous mangeons plutôt à l'intérieur qu'en terrasse, dans un très bon restaurant où l'on nous sert du riz djerbien  et du couscous épicé. Fin de cette première journée, demain, le désert !

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Challenge 1000 ans de littérature française : Molière

Ce trimestre, pour le challenge de Bookine, nous avions le choix entre Molière et La Fontaine / Boileau. Je vais vers ce qui me plait le plus, et un peu la facilité, Molière. Je connais déjà de nombreuses pièces, j'ai joué plusieurs fois des scènes de Tartuffe, des Femmes savantes, ou autre. Plusieurs fois aussi j'en ai vu au théâtre sans compter ce que j'ai étudié à l'école. Mais je prend l'occasion offerte par Bookine pour découvrir une pièce bien connue mais que je n'avais jamais ni lu ni vu : Le Misanthrope.

Elle semble un peu à part dans l'œuvre de Molière, elle ne suit pas les schémas habituels. C'est une "comédie sérieuse". Ici, pas de farce alambiquée, de valet extravaguant, de vieux grigou s'éprenant d'une jeune fille ni de deus ex machina. Nous suivons un jeune homme, Alceste qui aime une jeune femme, Célimène. Pour l'instant, rien d'orignal. Aucune force extérieure ne s'oppose à leur union, mais c'est leur nature même qui semble les éloigner. Alceste est un être emprunt de grands principes, très attaché à la franchise et qui exècre la cour et ses manières détournées. Écœuré par la fausseté de ceux qui l'entourent, il va même jusqu'à renié l'ensemble de la race humaine et voudrait vivre loin de toute société. Célimène, au contraire, aime la mondanité et s'y prête aisément. Elle joue facilement de son hypocrisie, flattant ceux qu'elle dénigre par ailleurs. Elle est charmante et le sait, elle en joue et veut se faire aimer, quitte à l'être l'amante de tout le monde et de personne à la fois.

Pourquoi deux êtres si différents sont ils attirés l'un par l'autre ? C'est le paradoxe de la pièce, mis en évidence par les personnages eux mêmes. Chacun se demande pourquoi Alceste donne sa préférence à Célimène, si éloignée de ses critères moraux. Lui même se maudit ne pouvoir aimer qu'elle alors qu'il déteste ses minauderies. Quant à Célimène, on pourrait penser que ses sentiments envers Alceste ne sont que caprices loin de l'amour véritable. Cependant, quant elle est confrontée à ses infidélités, elle semble tout de même se tourner vers lui, le seul envers qui elle se sente véritablement coupable. Elle semble même prête à l'épouser. Mais comme je l'ai dit, pas de fin joyeuse : Célimène ne peut accepter l'extrémisme d'Alcetse en se retirant de la société et les deux êtres sont condamnés à rester séparer.

La pièce nous laisse donc sur une touche amère, à peine relevée par quelques personnages secondaires plus légers. De façon tout à fait évidente, c'est la cour et sa fourberie qui sont ici pointées. Cependant, Alceste parait lui aussi caricatural, attaché à ses principes jusqu'à agir en dépit du bon sens. Sa décision d'aller "s'installer dans un désert" est aussi comique que pitoyable. Célimène semble  plus raisonnable mais est "corrompue" par la cour qui flatte ses vices, appréciant sa belle parole et son cynisme. Malgré leur amour, Célimène et Alceste ne peuvent être ensemble et on ne sait qui blâmer. La cour qui a rendu Alceste "extrémiste" et Célimène une intrigante ? Ou bien eux même qui ne peuvent aller au delà de leur superficialité pour suivre ce qu'ils ressentent vraiment ?

Une pièce  dont le message n'est donc pas si clair qu'il parait. Molière ne donne pas de solution quant à l'attitude à avoir face à la société corrompue (car nous ne sommes plus à la cour de Louis XIV mais c'est toujours d'actualité !). Celle d'Alceste, trop droit dans ses principes ne mène à rien qu'à la solitude, mais quand on commence à transiger, on fait alors partie du manège et la demi mesure semble difficile. A jouer, elle n'est sans doute pas simple. Au delà de la farce, il faut rendre l'aspect malheureux d'Alceste et l'ambigüité de Célimène dans un monde fait de faux semblants... A présent que je connais la pièce, j'apprécierai beaucoup de la voir, vivante, sur un théâtre !

En tout cas, je remercie encore Bookine d'organiser ce challenge ! Et avec ce billet, je fais d'une pierre deux coups avec le challenge Tous au théâtre proposé par Leiloona. Et puis je finis par une chanson de Boby Lapointe qui a une interprétation bien particulière de la pièce :

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Films de mars

En mars, 4 films !

True Grit des frères Coen

C'est toujours agréable de voir un film des frères Coen et je manque rarement une sortie. Ils nous étonnent ici avec un genre assez éloigné de leur registre habituel : le western. Mais on retrouve leur griffe dans leurs personnages, "beautiful losers" tels qu'ils savent si bien les peindre. Le western n'est pas mon genre de prédilection, mais j'ai pris plaisir à ce film : tout tient grâce à la jeune fille, très bonne actrice, pleine de malice de courage.

Avant l'Aube de Raphaël Jacoulot

Je ne ne connais pas ce réalisateur dont le premier film semble être passé inaperçu. Mais Avant l'aube me donne envie de le découvrir : un film inquiétant à la réalisation tendue, mené par une magnifique direction d'acteurs. Jean-Pierre Bacri est excellent : il arrive à nous rendre sympathique son personnage objectivement odieux. Le jeune Vincent Rottiers est parfait en gamin paumé. Leur relation est dessinée par petite touche dans toute sa subtilité et son ambiguïté. Vraiment, une belle surprise et un réalisateur à suivre.

Une Pure Affaire de Alexandre Coffre

On change de style avec Une Pure Affaire, agréable comédie française qui nous change un peu des niaiseries habituelles. La qualité tient beaucoup à l'acteur principal, François Damien, et à tout son génie comique plein de simplicité. Le scénario, bien que prévisible, ne tombe pas dans la bêtise habituelle et continue de nous divertir jusqu'à la fin. Un film sans grandes prétentions mais qui de déçoit pas.

Fighter de David O. Russell

Le film raconte l'histoire vraie de deux boxeurs, demi-frère, Micky Ward et Dicky Eklund. Mais tout comme Black Swan n'était pas tout à fait un film sur la danse, Fighter n'est pas tout à fait un film sur la boxe. Bien sûr, il y a de magnifique scènes de combat, pleine du suspense qu'on peut attendre dans ce genre d"histoire. Mais le film nous montre surtout une famille, un milieu populaire d'une petite ville industrielle américaine. On comprend la gloire et la chute de l'ainé, les difficultés du cadet, la mère étouffante, les illusions perdues. La boxe est là comme une damnation et un salut avec tout son rituel plein de paillettes et ses amères défaites.

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