Gerardmer 2013 palmarès et conclusion
Vous trouverez le palmarès officiel et complet sur de nombreux site, ici je vais surtout en faire le commentaire.
Sans grande surprise, Mama remporte plusieurs prix (grand prix, jury jeune, prix du public). Pour le grand prix, c'est assez logique. Je m'y attendais assez bien que j'ai entendu qu'il n'avait pas fait l'unanimité. En tout cas, c’est un choix assez consensuel qui fera plaisir au public. Le prix du jury jeune aussi me parassait évident. Pour le prix du public, je suis plus étonnée. Ayant été dans la salle, j'avais vraiment eu l'impression que You're Next avait remporté plus de suffrages et d'enthousiasme, mais bon, ça se jouait clairement entre les deux.
You're Next ne repart qu'avec le prix SciFi. C'est bien dommage car c'est pour moi le meilleur film de la sélection et il a vraiment eu beaucoup de succès ici auprès du public.
Le prix spécial du jury a été donné ex aequo à Berberian Sound Studio et The End. Pour le premier, je comprends tout à fait car c'est typiquement le genre de film qui peut plaire à un jury de réalisateurs : beau techniquement, audacieux, original. Mais alors The End ! Souvent le jury m'étonne mais là je ne m'y attendais vraiment pas, il était pour moi clairement en dessous et nageait dans le grand lac des films moyens et oubliables et d'ailleurs, je pense que l'avenir me donnera raison et qu'il sera complètement oublié (c'est pas la première fois que le jury se plante). Le prix de la critique est donné à Berberian Sound Studio ce à quoi je m'attendais aussi.
J'ai lu que le jury n'avait pas apprécié les films et eu du mal à choisir son prix (qu'ils auraient sélectionné plutôt par défaut que par vrai engouement). En particulier, de nombreux membres avaient détesté You're Next ! C'est vrai que le film ne révolutionne pas le genre mais dans son style classique, il sait se rendre intelligent et drôle. Le scénario arrive à surprendre tout en nous offrant les scènes attendues. En particulier, les personnages et les dialogues y sont teintés de petites touches qui en font toute la qualité : un frère qui reste odieux avec sa famille même à moitié mort avec une flèche dans l'épaule, la grimace dégoutée de l'autre frère quand il reçoit son père mourant et ensanglanté dans les bras, le méchant masqué si impressionnant qui éclate en sanglot à la vue de l'autre méchant mort sur le sol ou bien qui se met à jurer d'une façon très naturelle et spontanée quand il se prend un pain dans la figure. J'ai lu que le film avait des défauts techniques, je ne suis pas spécialiste et ne les ai pas remarqué. On lui reproche de n'être pas révolutionnaire, d'user de grosses ficelles et d'une forme éculée, c'est vrai, mais il en use bien et on y prend du plaisir...
Les membres du jury sont bien difficiles de n'avoir pas trouvé film à leur goût : peut-être surtout avaient-ils des avis si différents qu'ils n'arrivaient pas à se mettre d'accord. La sélection était variée et variée aussi en qualité, comme tous les ans. Chaque année, les spectateurs semblent redécouvrir qu'il y a aussi de mauvais films (ou tout simplement des films moyens) à Gerardmer mais il ne peut pas y avoir que des bons films ! Car, tout simplement, il n'y a pas toujours tant de bons films de genre. En fait, de façon générale, les bons films sont rares et les bons films de genre encore plus, et je ne parle même pas des difficultés de les faire venir au festival... Personnellement, je n'ai pas trouvé la sélection cette année moins bonne qu'une autre. Ce n'était pas une "grande" année comme il y en a eu parfois (mais même dans ce cas, il y a souvent des daubes, simplement on en retient certains plus que d'autres) mais j'ai vraiment apprécié.
Par ailleurs, je me demande un peu ce que Christophe Lambert venait faire là car comme spécialiste de film de genre, on fait mieux... Mais bon, j'avoue que sur le plan du jury (et de ses choix discutables), j'ai souvent plus à redire que sur la programmation.
Gerardmer 2013 week-end
Alors que le palmarès vient de tomber, voici le compte rendu de mes deux derniers jours de festival.
Samedi matin, la neige a remplacé la pluie. Elle n'adhère pas encore au sol mais tombe obstinément et recouvre déjà les pare-brises. C'est donc grelotants, serrés sous un parapluie, que nous attendons le début de la première séance à l'espace Lac, Mama. Production anglophone, avec Jessica Chastain en premier rôle, d'un jeune réalisateur argentin, c'est un premier film très maîtrisé. Avant la projection, le réalisateur très sympa nous fait un petit discours qui nous donne envie d'apprécier son film. Il a en effet beaucoup de qualité et en particuliers deux jeunes actrices jouant de sauvages petites filles très convaincantes. Jessica Chastain a les cheveux teints en noir et un look de punk, ça la change beaucoup. J'apprécie le film qui est clairement un des meilleur de la sélection mais j'aurai aimé quelque chose d'un peu moins conventionnel, la fin un peu grandiloquente me déçoit un peu.
avant d'attaquer l'après-midi, nous nous restaurons à la géromoise en regardant tomber la neige. Nous faisons bien de prendre des forces car ça va être rude. On commence par rester à la porte du Casino. Nous étions arriver une heure avant le début de la séance de courts-métrages mais, dans ce cinéma, les pass festivals ne sont pas prioritaires et ils font rentrer très peu de gens : la salle devait être remplie d'invités. L'année dernière, les courts-métrages avaient été présentés à l'espace Lac et c'est, je pense, une erreur de les avoir remis au Casino cette année. Les séances où personne ne rentre sont toujours extrêmement frustrante et déstabilisent la programmation. Surtout que les courts-métrages, nous ne pourrons pas les voir. Ils ne repassent que le dimanche soir, nous serons déjà parti. C'est la première année que ça m'arrive (de ne pas voir les courts pas de trouver salle pleine) et c'est ma plus grande déception du festival. A la frustration de ne pas rentrer dans la salle s'ajoute celle de rester dans le froid après une heure d'attente sous la neige. Nous nous replions à la MCL où nous devons attendre encore au moins une demi-heure. Je suis gelée. Là aussi la séance est pleine et nous avons eu peur d'être à nouveau à la porte.
Mais, ouf, nous voilà installé pour House of last things, film en compétition que nous n'avons pas pu voir jeudi matin. Surprise, le réalisateur est parmi nous et nous parle quelques minutes en anglais sans traducteurs. C'est la première fois que je vois une équipe de film qui vient à une séance autre que celle de présentation officielle à l'espace lac ! Du film lui même, j'avais eu des échos partagés et plutôt négatifs. Visiblement il s'est fait cassé à la fois par le public et la critique. Mais moi, je revendique ma différence, j'ai beaucoup apprécié. On lui reproche d'être un "sous Lynch" mais j'ai surtout trouvé qu'il était troublant et assez beau. Il était très étrange, sa bizarrerie n'a pas séduit le public. Pour moi, c’est un vrai film fantastique et qui assume tout à fait son absurdité avec un scénario que j'ai trouvé cohérent sans explications lourdingues (et contrairement à ce que je lis ailleurs, oui il y avait de l'humour dans tout ça). Evidemment, il avait des défauts : un symbolisme un peu trop appuyé, des images assez clichés, mais il était original d'une façon qui a déplu et qui lui vaut des réactions de rejet.
En sortant de la salle, nous évitons de nous casser la figure sur le sol patinoire et retournons (en voiture, sur la neige fraiche) au cinéma du Casino. Cette fois, la salle n’est pas pleine pour voir In Fear. Il faut dire que le film n'est pas sous-titré et que tout le monde est à la projection de Cloud Atlas en avant première. Mais In Fear est une jolie surprise britannique parmi les belles découvertes du festival. Un jeune couple se perd en voiture et semble persécuté par un étrange personnage. J'aime la façon dont l'ambiance fantastique s'installe à travers une situation classique (se perdre sur une route de campagne). Il se passe beaucoup de temps avant que le "persécuteur" ne passe réellement à l'action, le film insiste surtout sur la pression psychologique qu'il exerce sur ses victimes, sur le doute, la méfiance et mépris qu'il fait naitre chez ce jeune couple nouvellement amoureux. Peu de spectaculaire mais beaucoup de finesse, c'est le premier film d'un réalisateur qui n'avait fait que des séries télé : Jeremy Lovering, un nom à suivre.
Retour à la MCL pour les deux dernières séances de la journée. On grignote un sandwich et on s'installe pour Come out and play, remake raté d'un film qu'il faudrait que je vois, "Quién Puede Matar A Un Niño?. Je dis raté car bien que l'idée du film original soit bonne : un couple arrive sur une île où les enfants ont tué tous les adultes, elle est ici très mal utilisée. Le film commençait plutôt bien mais le couple central manque clairement de caractère, leurs actions semblent dénués de sens et on se désintéresse vite de ce qu'ils vont devenir. Étant donné que ce sont les deux seuls personnages en dehors des enfants (relativement inquiétants, mais ce n'est pas trop difficile) forcément, ça joue sur la qualité globale. Il est bien dommage qu'une bonne idée se transforme en scénario insipide...
Je dois avouer que pour la dernière séance, je n'étais pas au meilleur de ma forme. 15ème film en trois jours à 23h30, je me sens accablée de fatigue, la tête qui tourne et une grande envie de mon lit. Cependant, j'arrive tout de même à apprécier Berberian Sound Studio avant-dernier film en compétition. Heureusement, il n'y a pas tellement d'histoire donc je ne suis pas obligée d'être concentrée. C'est un film d'ambiance assez étrange qui ressemblerait presque à un cauchemar (ça tombe bien, justement, j'étais dans un état de demi sommeil). On y découvre l'arrière plan d'un studio italien de prise de son où l'on fait les bruitages d'un film d'horreur qu'on ne voit jamais (à coup de hache dans des pastèques). L'horreur du giallo, on la voit sur le visage du personnage central, un anglais un peu timide, entrainé là dedans contre son grès. C'est à peu près tout ce qu'il y a dans le scénario, le reste ce sont des personnages qui semblent tourbillonner en criant en italien autour de l'anglais. De belles images, de beaux sons, une belle expérience si on accepte de quitter la forme et le sens d'un film classique.
Enfin je peux dormir, mais la nuit est trop courte et je me lève pour aller voir le dernier film en compétition. Finalement il n'y a pas tant de monde que ça le dimanche matin et j'aurais pu dormir plus au lieu d'attendre 1h30 dans le froid. Enfin bon, voici ma dernière séance du festival, le bien nommé The End. Je n'avais pas un très bon à priori sur le film, mal noté sur IMDB. Mais bon, je le découvre le plus objectivement possible. Au départ, je me laisse tout à fait séduire : le film commence d'une façon classique avec une bande d'amis qui se retrouvent dans une maison à la campagne. Il y a des tensions, des non dits, un évènement passé qui va ressurgir. Il prend ensuite un tournant inattendu et devient intéressant. Cependant, il s'essouffle et n'a plus grand chose à dire. Il faut dire que les personnages sont finalement assez creux. Les scènes finales pleines de dialogues pseudo philosophiques finissent de le rabaisser dans mon estime. Là encore, l'idée était bonne mais le traitement médiocre et je retiendrai surtout les jolis paysages (je ne sais pas où c'est mais je voudrais bien y aller en vacances).
Et voilà, le festival est terminé ! Nous rendons le petit appartement loué en centre ville et retournons vers Paris...
Gerardmer 2013 jour 2
Vendredi matin à Gerardmer, nous commençons par attendre 1 heure sous la pluie battante pour pouvoir entrer à l'espace lac, opération parapluie ! Ce matin, nous voyons un film compétition d'origine colombienne, The Crack. On ne peut pas dire que la salle ait apprécié le film, je dirai même qu'il a été conspué. J'ai été assez étonnée lors des premières réactions négatives au cours du film car, personnellement, j'appréciais assez. C'est vrai que le film était assez lent et que l'action trainait à se mettre en place, mais j'étais assez séduite par l'ambiance, par les personnages, par l'étrangeté. Ce c'était pas le cas pour Christophe Lambert, président du jury, qui s'est levé pour partir environ 1/2 heure avant la fin du film. Il n'a pas pu sortir tout de suite car la porte était fermée et son personnel dédié n'étaient pas prêt. Le temps que tout se mette en place pour qu'il puisse s'en aller, il a enfin semblé se passer quelque chose à l'écran et il est donc resté piqué debout à quelques mètres de nous (pas très confortable pour regarder un film). Le film avait certes des défaut, il trainait trop et manquait d'une résolution mordante mais je trouve qu'il ne méritait pas le traitement qui lui a été fait, sans doute une erreur de casting pour le festival.
Notre séance suivante a lieu au cinéma du Paradisio où nous assistons à un second film de Taboada, Venero para las hadas (du poison pour les fées). Il est du même haut niveau que celui de la veille, plus cynique peut-être, plus cruel en tout cas. Les héroïnes sont deux petites filles aux relations troubles et le film se passe entièrement dans leur monde enfantin, les adultes étant à peine filmés, entendus presque toujours en voix off. La petite blonde, manipulatrice, exerce sur la petite brune son influence enchanteresse. Les deux jeunes actrices jouent très bien et on ressent pleinement leur violence de leur relation et leur rapport au monde. Un beau film d'une acide douceur.
Notre film est assez court, nous arrivons à l'espace lac une demi-heure avant la fin de la séance précédente. Il faut attendre près de deux heures pour le prochain film mais en arrivant si tôt, nous sommes à l'abri sous les tentes qui protègent le début de la queue (vraiment le tout début). Car la pluie, depuis ce matin, n'a pas cessé et les rues comme les festivaliers sont détrempés. Quand on est au sec, un peu de patience est supportable et bientôt nous sommes en place pour le prochain film en compétition : You're Next. C'est la grande révélation de la journée, et peut-être même du festival. Le scénario n'est pas très original : un slasher classique où de méchants inconnus masqués viennent décimer une pauvre famille. Mais sans s'éloigner d'un certain classicisme de genre, le film a su trouver son style. Maîtrisé jusqu'au bout, il mêle un humour cynique et une énergie salvatrice. Le rythme est bon et monte en crescendo sans fausses notes jusqu'à la fin du film, réussissant même à surprendre le spectateur (ce qui n'est pas toujours facile dans ce genre de film). La séance est mémorable, le public, plus ou moins privé de sang jusqu'à présent, se délecte et applaudit les magnifiques escarmouches de l'héroïne. Le film est centré sur une jeune femme, entrainée malgré elle dans la tuerie qui vise la famille de son nouveau compagnon, et qui visiblement se débrouille très bien comme le dit son fiancée : "You're very good at killing people, which is kind of weird by the way". Le film se termine sur une large salve d'applaudissements et de cris de joie de la part des festivaliers, le film me semble bien parti pour le Prix du Public et peut-être plus.
Il fait nuit à présent et la pluie tombe toujours. Nous rentrons de justesse à la séance de Grabbers au Paradisio. Il faut dire que nous avons attendu un certain temps dans la voiture avant d'oser sortir sous la douche continuelle. Grabbers est un film irlandais où un gros monstre violet à tentacules digne des vieux nanars attaque une petite ville. La seule solution pour lui survivre : être bourré ! Au final, une comédie horrifique tout à fait agréable qui tient bien ses promesses.
On termine à l'espace lac avec The Conspiracy. Sous le prétexte d'un faux documentaire, le film commence comme une mauvaise théorie conspirationiste truffée d'images d'archives plus ou moins bidons et de discours tordus. On ne sait pas si le film adhère vraiment à ces théories mais il ne prend en tout cas pas la peine de vraiment les contredire. Les deux héros enquêtent sur un vieil homme féru de ce genre de chose et qui disparait étrangement. Le scénario devient alors de plus en plus obscure et invraisemblable jusqu'à une scène d'initiation dans la forêt assez ridicule. A la fin, malgré une espèce de twist, j'ai du mal à voir quel est son point de vue et ce qu'il veut faire passer, mais je crois que ça ne m'intéresse pas trop...
C'était le dernier film du vendredi et on a déjà dépassé la moitié du festival !