La Vérité sur Gustavo Roderer de Guillermo Martinez
Je commence d'abord par remercier Livraddict et les édition Robert Laffont pour m'avoir permis de participer à ce partenariat. Je salue particulièrement le travail de la team livraddict pour nous proposer toujours de nouvelles choses et j'espère que le site continuera à vivre longtemps !
On est en Argentine dans une petite ville sur la côte, un jeune homme est battu par un autre lors d'une partie d'échec et c'est le début d'une histoire étrange entre ces deux êtres. Tous les deux très intelligents, l'un est adapté au monde et l'autre semble le combattre.
C'est un thème qui m'est cher : l'intelligence, le génie. Moi même en thèse, je sais parfaitement bien que je ne suis pas un génie mais j'aime réfléchir entre le rapport de l'intelligence à la société, à la folie, à la science. L'auteur, lui même docteur en mathématiques, nous expose sa théorie : il y a deux sortes d'intelligences, l'intelligence classique, adaptée au monde, qui assimile et comprends mais ne pourra jamais bouleverser les choses, et la seconde, celle pour qui rien n'est évident, celle qui doit faire un effort à chaque instant mais qui, si elle survit, pourra apporter un nouveau point de vue et révolutionner son époque. Les deux sont ici incarnées par deux personnages. L'un d'eux est le narrateur, il est celui qui réussit, celui qui aura un bel avenir plein de succès. L'autre est Gustavo Roderer, on ne le voit qu'à travers le récit du narrateur, on ne peut jamais vraiment le comprendre, tout comme l'auteur lui même sans doute. Plus le récit avance, plus son état semble se dégrader, comme s'il était rongé de l'intérieur. Le narrateur est jaloux de son intelligence supérieure mais pourrait-il renoncer à ce qui fait sa vie pour cette intelligence ? Et d'ailleurs, n'est-ce pas simplement de la folie ? La limite entre génie et folie est habilement traitée, on a tendance à penser que Gustavo Roderer est, en effet, un être exceptionnellement intelligent mais cela n'empêche pas qu'il puisse sombrer dans la folie et ne produire que du non sens. Là dessus, sur la vérité de Gustavo Roderer, l'auteur ne prend pas partie et laisse planer le doute, aurait-il révolutionner le monde ? Personnellement, je ne crois pas que l'intelligence soit ainsi binaire mais je pense en effet qu'il est possible de sombrer dans la folie. Une folie qui peut être mégalomane comme celle qui semble toucher Gustavo Roderer. Car si je pense qu'il est possible de faire des découvertes révolutionnaires, je ne pense pas qu'on puisse faire de découvertes "absolues" comme le croit Gustavo Roderer, on est toujours qu'un point sur une ligne et il y aura d'autres choses qui seront trouvées par la suite, on ne peut pas comprendre l'ensemble du monde en restant cloitré dans sa chambre. C'est peut être ce que je reprocherais à l'auteur, d'un peu trop croire à ce fantasme qui taraude les mathématiciens d'une intelligence supérieure dont la clairvoyance permettrait de saisir l'ensemble de l'univers et de sa complexité.
Le livre reste une belle réflexion sur le sujet, peut-être un peu abstraite. Mais heureusement, on est du côté du personnage humain, celui auquel on peut s'identifier, celui dont on comprend les doutes et la pensée. L'autre reste un mystère. On aurait peut-être aimé en savoir un peu plus sur son humanité car les intelligences pures n'existent pas. Ces sentiments sont évoqués mais de façon très brèves et le narrateur ne s'y intéresse pas vraiment. Que ressent-il ? Que refoule-t-il ? Quels sont ses rapports avec la sœur du narrateur qui lui voue une adoration sans borne ? C'est sans doute car je ne crois pas complètement à ce second personnage que le livre me semble plus une réflexion abstraite, un conte, qu'un véritable roman.
Je remercie à nouveau Livradict et les éditions Robert Laffont pour m'avoir fait découvrir cette oeuvre et je vous invite à lire les autres critiques sur la page bibliomania du livre.
World Books Challenge : Australie, La loi de la tribu
Cet article est aussi le premier dans le cadre du défi littérature policière des 5 continents et ouvre la danse avec l'Océanie !
Bien que Arthur Upfield soit un écrivain britannique c'est lui que je choisis pour l'Australie car c'est le pays où il a passé la plus grande partie de sa vie et je le considère donc comme australien d'adoption. Sans compter que tous les "blancs" australiens sont en fait d'anciens immigrés d'Europe. Arthur Upfield y est arrivé à 22 ans, en 1810. Il faisait partie de tous ses jeunes européens qui après un échec sur le vieux continent rêvaient d'un monde meilleur. Il est connu pour ses romans policiers mettant en scène l'inspecteur Napoléon Bonaparte, né d'une mère aborigène et d'un père blanc.
Le roman que j'ai lu, La loi de la tribu, se déroule au début des années soixante dans une ferme du nord de l'Australie à la frontière du désert. Ce n'est pas vraiment l'intrigue policière elle-même qui est frappante, même si, malgré un dénouement un peu peu décevant, elle est bien menée et tient le lecteur en haleine. Non, ce qui marque dans ce roman, c'est la description de ce monde en équilibre précaire entre les fermiers blancs et les tribus aborigènes. On est à une période clé de l'histoire australienne et surtout aborigène. Les tribus ne peuvent plus ignorer la présence blanche, certains jeunes "s'assimilent" en obtenant une éducation et un métier mais il leur reste le tiraillement entre leur nouvelle identité et leur origine. La ferme est tenue par un couple blanc mais les travailleurs sont principalement aborigènes et appartiennent à la la tribu voisine. Cette dernière s'accommode comme elle peut et s'adapte à la situation tout en se battant pour préserver son mode de vie. D'autres tribus sont évoquées, les "sauvages", ceux qui n'ont pas de rapports avec les blancs et ont réussi à éviter jusqu'à présent la nouvelle civilisation qui s'installe. Chaque personnage, qu'il soit blanc ou aborigène, est traité d'une façon précise et ce petit monde prend vie sous la plume de l'auteur. Le personnage principal est l'enquêteur qui, appartenant aux deux cultures, est capable d'en comprendre les modes de pensée et de décrypter les tensions sous-jacentes à l'affaire. Un roman très agréable donc, qui nous plonge à la frontière du désert australien et nous donne envie de découvrir plus profondément la culture et l'histoire aborigène.
World Books Challenge : Syrie, La preuve par le miel
C'est par hasard, en flânant au rayon littérature étrangère, que je découvre ce petit livre intriguant : La preuve par le miel de Salwa Al Neimi. La Syrie est un pays qui me reste à découvrir et l'auteure est une femme ce qui m'intrigue d'autant plus. La quatrième de couverture est assez mystérieuse, j'en retiens que c'est un livre écrit par une femme et qui parle de la sexualité dans le monde arabe, j'achète !
Ce n'est pas vraiment un roman, mais ce n'est pas un essai non plus. Le style est très poétique, inspiré des textes anciens arabes et, en particulier, des textes érotiques. Il y a d'ailleurs tout un aspect érotique dans le récit lui même, mais comme l'avoue l'auteure elle même, ça reste très "soft". Pourtant, la provocation est là, assez forte pour le que le texte soit interdit dans de nombreux pays. C'est une femme qui écrit, une femme qui assume une sexualité libre et sans tabou qu'elle conçoit comme faisant intégralement partie de sa culture, de la culture arabo-musulmane. Le texte est d'ailleurs à l'origine écrit en arabe et je suis bien désolée de ne pas maitriser cette langue et de devoir me contenter de la traduction. Car les mots mêmes du texte sont une revendication : ces mots qui, censurés par la morale religieuse qui sévit actuellement dans le monde arabe, risquent de disparaitre ! Le texte est beau, poétique et sensuel, truffé de citations et références à des textes anciens et des auteurs et poètes qui me sont inconnus. A travers les chapitres, l'auteure aborde les différents aspects de la sexualité dans le monde arabe avec toute la duplicité et l'hypocrisie qu'elle engendre. Elle fissure cette chape de moralité plaquée sur le monde musulman et en éclaire les pulsions et les désirs. Je vous invite à découvrir cette œuvre et à lire aussi cette interview de l'auteure publié sur le site telquel.