Gerardmer 2019 - Week-end

Samedi matin à 11h, nous sommes à l'espace Lac pour le film allemand en compétition Endzeit. On retrouve des zombies et une jeune fille un peu énervante qui a du mal à vivre avec la culpabilité d'avoir abandonné sa petite soeur. Elle décide de s'échapper de la zone sécurisée de Weimar pour partir à travers le monde infesté. Là commence une longue épopée à travers la nature (où traînent quelques zombies) parfois belle mais aussi un peu lassante et déjà vue. Le message pseudo-écolo du genre "tout le monde est mort mais c'est un nouveau commencement" me laisse assez dubitative.

En début d'après-midi, nous découvrons la sélection des courts-métrages. Ça commence par une belle surprise car Benoît Delépine (président du jury long métrage avec Gustave Kervern) nous montre en bonus son court Comme un chien, réalisé en 2010. Par contre, entre cet impromptu et la présentation du jury présidé par Julie Ferrier, la projection des films prend un peu de retard et je me rends compte qu'on ne pourra pas tous les voir si on ne veut pas louper notre prochaine séance. On en verra donc seulement 4 sur les 5 présentés. Ils ont tous des qualités. J'apprécie surtout Graines et Pleine Campagne mais le gagnant Diversion était aussi très bien.

On s'enfuit donc après le 4ème court pour rejoindre en vitesse le Paradiso où nous devons voir Lifechanger, film canadien en compétition. Un homme est obligé, pour rester en vie, de tuer régulièrement des gens dont il aspire littéralement la vie et l'apparence. Obnubilé par sa survie, la question de la moralité de ses actions ne semble pas trop le troubler. Cependant, tout en changeant de corps tous les deux jours, il cherche à se rapprocher d'une femme dont il est amoureux. Et, par elle, il va se retrouver en face de ses responsabilités. Le film est plutôt bien fichu, l'histoire est intéressante. Il lui manque cependant un petit quelque chose pour vraiment me marquer durablement.

C'est déjà le soir, la fin du festival approche et nous allons voir notre avant-dernier film en compétition à l'espace Lac. Avant ça, nous assistons à l'hommage rendu à l'acteur allemand Udo Kier qui, à 74 ans, a joué avec tous les réalisateurs dans tous les genres possibles de film. Son discours sympathique et désordonné est émaillé de multiples anectotes. On ressent son plaisir d'acteur, son goût pour les projets farfelus et son humour. Comme la coupe de l'hommage ressemble à un verre, il a demandé à ce qu'on lui serve du vin qu'il boit sur scène. Puis il vole la vedette du présentateur pour parler du prochain film en compétition dans lequel il joue un tueur nazi sanguinaire (il précisera plus tard qu'il ne joue les nazi que dans les films humoristiques et refuse les nazis réalistes).

Après cet agréable interlude, nous découvrons donc Puppet Master: the littlest Reich. Avec un titre pareil, on se demande un peu à quoi s'attendre. Le pitch enfonce le clou : des marionnettes nazi tueuses. Je découvrirai après coup que c'est en fait le "reboot" d'une série d'une dizaine de films dont la plupart sont des nanars complets. Le truc avec ce genre de films, c'est que ça peut être génial ou nul en fonction du ton choisi. Et là, c'est plutôt très réussi. Le film est résolument comique mais se prend assez au sérieux pour que l'histoire se tienne (équilibre pas toujours facile) et que ça ne soit pas juste une série de gags inutiles. Il y a un contraste déroutant entre l'aspect ridicule des marionnettes et les meurtres absurdes et idéologiques dont elles se rendent coupables d'une façon méthodique et mécanique (tourné en stop motion). Le gore est volontairement très peu réaliste, complètement théâtral, avec des effets spéciaux en carton pâte. Il y a des morts tout le temps, tous aussi ridicule les uns que les autres mais avec une cruauté cynique et sans complexe. Les festivaliers sont toujours friands de ce genre de délire sanglant et la salle applaudit à de nombreuses reprises. On sent l'approbation du public au sortir du film (approbation que je partage à mon propre étonnement) et il rafflera le Prix du Public au palmarès final. Mais pas uniquement : son humour potache, délirant et sans concessions aura su séduire le jury, dont les présidents sont les Grolandais Delépine et Kervern, et il gagnera le Grand Prix ! En tout cas, c'est une agréable surprise dans cette sélection qui se prenait peut-être un peu trop au sérieux.

Nous continuons notre soirée avec le hors-compet Freaks présenté en avant-première (rien à voir avec le film de 1932). Ça commence avec une petite fille enfermée par son père dans une maison où il insiste pour qu'elle reste cachée en permanence. À ce niveau là, on dirait un film fantastique classique et intimiste basé peut-être sur la paranoïa ou la folie. Mais pas du tout, bientôt la petite fille (qui joue très bien) se rebelle contre son père malgré toute l'affection qu'elle lui porte. L'attrait de l'extérieur est trop fort et le manque d'informations concrètes sur les raisons de sa cachette trop important. Petit à petit, le film se transforme en histoire de super-héros. Mais tout est bien dosé que ce soit les scènes d'action, les explications, l'humour, la réflexion sur la société. Les acteurs jouent bien. La relation entre le père et la fille est touchante. On est pris par l'histoire. C'est un film grand public de qualité et original qui aura sans doute une belle carrière commerciale méritée.

Et voilà déjà le dimanche matin et la fin du festival. Alors que la neige tombe de nouveau sur Gerardmer, nous découvrons le dernier film de la compétition : le Coréen The Witch Part 1: The Subversion . Je dois dire que je n'ai pas été emballée. Déjà c'est très long (plus de deux heures) et souvent bavard. Quand les films se sentent obligés de nous expliquer les enjeux par A+B au lieu de les faire comprendre par le contexte, ça m'ennuie assez. Par ailleurs, le thème est finalement assez similaire au film de la veille Freaks mais c'est moins bien fait. Là aussi, il y a une jeune fille qui se cache dont on découvre finalement le pouvoir. La partie où elle vit sa vie cachée tranquille est plutôt sympa avec l'irruption d'inquiétants personnages issus de son passé. Mais ensuite, il y a une succession de combats et de bavardages que j'ai trouvé très ennuyeux. Mon esprit s'est échappé et je pensais surtout à ce que j'allais commander le midi à la Gérômoise (ce n'est pas très bon signe pour le film). C'est donc sur cette légère déception que je termine ce festival (et sur mon délicieux repas à la Gérômoise !) Il y a eu plusieurs belles choses, pas de coup de cœur extraordinaire cette année mais pas non plus de films trop mauvais. En récompensant Puppet Master, Aniara et The Unthinkable, le jury a été en phase avec mon ressenti. Comme d'habitude, ce furent quatre belles journées et je ne me lasse pas du festival !

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Gerardmer 2019 - Vendredi

Deuxième jour, la neige est mouillée par la pluie. Nous sommes au Cinéma du Casino pour voir le film Zoo hors compétition. Imaginez : votre couple bat de l'aile, au point que vous avez du mal à rester ensemble dans une même pièce, sans parler d'échanger plus de quelques mots. En fait, ça va tellement mal que vous commencez à songer sérieusement au divorce. Mais voilà que la fin du monde arrive sous la forme d'une apocalypse zombie et que vous êtes obligés de rester confiner dans votre appartement à vous regarder dans le blanc des yeux. Par ailleurs, la perspective de la destruction de l'humanité vous pousse à relativiser un peu et vous commencez à retrouver une certaine complicité avec votre ancienne âme sœur, même si ça passe par des piques de cruauté partagée, contre vos anciens voisins par exemple. Le film de zombies intimiste avait déjà été traité dans *La Nuit a dévoré le monde * par exemple. Il est très bien fait ici, mélange de vie quotidienne sur fond de fin du monde où le couple se reconstruit tandis que l'humanité disparaît. L'humour grinçant se mêle parfois à l'émotion (voire la sentimentalité) et ça donne quelque chose de plutôt sympa.

Après le déjeuner, nous voilà au Paradiso où nous découvrons Await further instructions. Le film commence très bien. On est dans une banlieue londonienne. Un fils retrouve sa famille pour Noël avec laquelle il a visiblement pris ses distances. Il leur présente sa petite amie d'origine indienne. Le grand-père est ouvertement raciste, les autres, à peine moins. Le père est un personnage autoritaire et intransigeant. Le malaise s'installe. Dès le lendemain, les tourtereaux souhaitent s'enfuir à l'aube. Mais voilà toute la maison bouclée sous une coque métallique. Sur la télévision, un message énigmatique s'affiche "Stay indoors and await further instructions". Très vite, les messages deviennent plus inquiétants, les incitant à jeter toute la nourriture où à se frotter avec de la javel. Le père, chantre de l'autorité veut tout suivre à la lettre sans en questionner la source. Très vite, la tension monte dans la famille déjà dysfonctionnelle. Jusque là, en tant que spectatrice, je suis complètement prise dans l'histoire. Mais ensuite, les choix scénaristiques me perdent peu à peu jusqu'à la fin grand guignol qui me laisse complètement à côté. Dommage.

Nous enchaînons avec un autre film en compétition Escape Game, production américaine grand public dont j'ai déjà entendu parler. Le film se voudrait un nouveau Cube mais n'en n'a pas l'audace. Si certaines scènes sont bien conçues, les personnages restent jusqu'au bout caricaturaux et prévisibles. Au final bien peu de surprises par ici.

Après une courte pause, nous sommes de retour à l'espace Lac pour l'hommage à Eli Roth suivi du film en compétition The Unthinkable. Jusqu'à présent, c'est peut-être la surprise la plus intéressante du festival même s'il n'a pas suscité chez moi un enthousiasme démesuré. Il est produit et réalisé par un collectif suédois, Crazy Pictures, qui signe collectivement le film et s'occupe de l'ensemble de la création de la production au montage avec un budget très modeste (ce qui ne se ressent pas du tout). Cela donne une œuvre originale et poétique qui s'éloigne des sentiers battus. Le film commence comme un drame social sur un jeune adolescent en opposition frontale avec son père autoritaire et colérique. Puis, des années plus tard, la Suède se retrouve attaquée et plongée dans le chaos. Le jeune homme est de retour dans son village, face à son père et à son passé. Alors au milieu des hélicoptères qui explosent et des pluies toxiques, ressortent les regrets et les non-dits. Il y a certes des défauts, quelques longueurs sur la fin mais ça reste un beau film. On lui souhaite du succès et une belle carrière pour le jeune collectif suédois.

La journée n'est pas encore terminée. On reste pour le début de la nuit Ozploitation sur le cinéma australien. Le présentateur nous explique d'abord la renaissance des productions australiennes dans les années 60 qui avaient complètement disparu, avalées par le cinéma américain. À cette époque, le gouvernement décide de financer un peu tout et n'importe quoi pour relancer son industrie et sa culture. Naissent alors tout un tas de films de seconde zone, parfois complètement décalés. C'est dans la suite de cette mouvance qu'on trouve le premier film de la soirée, Night of Fear, qui devait être le premier épisode d'une série. Quand il fut terminé, les producteurs horrifiés décidèrent qu'il n'y aurait non seulement pas de série mais qu'il ne passerait jamais à la télévision. D'ailleurs il fut pendant un temps carrément interdit. Le film est basé sur un concept simple : un tueur psychopathe poursuit une jeune femme pour la massacrer. Il n'y a pas d'explications, d'ailleurs il n'y a pas de paroles, seulement une musique angoissante et psychédélique tandis que la victime s'enfuit à travers les bois. Les images dérangeantes et étranges inspirèrent plus tard des films tels que Massacre à la Tronçonneuse et sont précurseurs du gore (bien qu'il y ait très peu de sang). Aujourd'hui, le film a pas mal vieilli et tourne assez vite au ridicule mais reste un objet cinématographique insolite.

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Gerardmer 2019 - Jeudi

Le festival commence pour nous jeudi matin dans la petite ville couverte de neige. Après avoir récupérer nos pass à l'espace tilleul, aspergés de la musique mièvre qui se déverse tout le long du festival dans le centre-ville, nous prenons le chemin de l'espace Lac pour notre premier film Rampant de Kim Sung-Hoon. C'est un film de zombies coréen se déroulant à l'époque médiévale. Il souffre de quelques longueurs et de quelques lieux communs mais tient tout de même la route. Il est agréable de voir que ce type de grosse production un peu patapouf n'est pas réservée aux Américains.

Nous traversons ensuite la ville et rejoignons la MCL. Après un déjeuner de pâtés lorrains avalés en vitesse, nous découvrons Cabin Fever, premier film de Eli Roth qui réalisa par la suite la saga des Hostels. L'histoire classique d'une bande de jeunes en vacances dans les bois à qui il arrive des malheurs est plutôt bien menée. Comme dans Hostel, il y a toujours une certaine distance cynique, parfois même de l'humour. On retrouve aussi les éléments gores présents ici sous la forme d'une maladie assez dégoûtante qui ronge la chair de ces beaux jeunes gens. Les images jouent entre l'explicite et le suggéré et nous feraient bien sortir de la salle avec des démangeaisons.

Après cette jolie petite découverte et un goûter au Neptune, nous voilà de retour à l'espace Lac pour les deux films en compétition de la soirée. On commence par Aniara, film suédois entre science-fiction et fantastique. La Terre étant devenue inhospitalière, les humains la quittent pour rejoindre Mars. Un de ces voyages a lieu dans le grand vaisseau Aniara qui ressemble à un centre commercial ou un paquebot de croisière. Mais voilà le vaisseau dévié de sa trajectoire, en perdition dans l'immensité de l'univers. Les trois semaines initialement prévues se transforment en plusieurs années. Si les besoins vitaux des passagers ne semblent pas poser de problèmes imminents (on a fait beaucoup de progrès en autosuffisance dans l'espace), très vite c'est la morosité et même la dépression généralisée. Le film devient donc une belle fable mélancolique et poétique sur la vacuité de l'existence, l'espoir et le vide. Un peu en décalage par rapport au reste de la sélection, il arrive à imposer son rythme et son ambiance.

Nous finissons notre première journée avec The Dark, premier film d'un réalisateur américain. Une jeune fille mort-vivante hante des bois et massacre les visiteurs imprudents pour venger le meurtre dont elle a été elle-même victime. Elle rencontre un jeune garçon aveugle et, lui aussi, victime de sévices (mais toujours vivant, lui). Entre eux se lie une amitié étrange face au monde hostile. Le film a quelques lourdeurs mais reste intéressant, un bon premier pas.

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