Week-End en Bourgogne
On descend vers la Bourgogne le samedi midi sous un ciel gris et une pluie continue. En chemin, petite pause à Troyes où l'on découvre la vielle ville et la cathédrale. Vers 19h30, nous voilà à Beaune, accueillis par notre hôte au Château Georges : à 10 km de la ville, sorte de grand manoir au milieu d'un petit village.
A peine arrivés que nous voilà repartis pour le restaurant La Diligence à 10 minutes de notre gîte. Là nous profitons de notre premier repas bourguignon. Les menus sont alléchants et à des prix abordables, nous nous régalons. L'ambiance est familiale mais coquette. Des serveuses en costume noir s'agitent de tous côtés. Nous n'avons pas mangé ce midi, et depuis ce matin nous n'avons pris qu'une, certes très bonne, crêpe au chocolat à Troyes. Alors contrairement à ce qui se passe d'habitude, plus je mange, plus mon appétit s'éveille. Je goûte la spécialité locale : les œufs meurette (œufs pochés en sauce, miam, miam), ensuite j'ai des joues de bœuf confites quand Seb goûte du poulet sauce à l'époisses (c'est un fromage local). Pour l'instant, ça ne fait qu'une entrée et un plat, rien de trop original. Mais le plateau de fromage nous nargue depuis qu'on est arrivé et quel plateau ! C'est un vrai chariot de fromages qui ne fait que passer et repasser devant nos yeux depuis une heure. On craque facilement et l'on se choisit chacun notre petite assiette en vrais princes. Et évidemment, on enchaine ensuite avec le dessert, une crème brulée pour moi, un gâteau aux noisettes pour Sébastien, et l'on rentre au gîte nourris et heureux.
Le lendemain, le temps semble plus clément. Levés tôt pour le petit déjeuner, nous arrivons à Beaune en fin de matinée. C'est une petite ville dotée d'un magnifique centre médiéval tout en rues pavées et petites maisons. Nous déambulons sous le soleil, tournons plusieurs fois avant de trouver l'office du tourisme et nous dirigeons vers les hospices. Les hospices de Beaune sont "l'attraction principale" de la ville. C'est un magnifique bâtiment du XVème siècle bâti pour accueillir les malades. C'est un aussi un bâtiment religieux car on devait y soigner le corps, mais en cas d'échec, il fallait guérir l'âme des malades pour les envoyer au paradis. Ainsi, l'institution était tenu par des bonnes sœurs et la chapelle se trouvait dans la continuité de salle de soin, une simple clôture en bois servant de séparation (même mourant, on pouvait pas louper la messe). La visite est très bien faite, ponctuée de nombreuses explications sur l'histoire du bâtiment, sa vie aux différentes époques, sa rénovation au XIXème siècle etc.
Après la visite, on s'installe sur une place au soleil à la terrasse d'un salon de thé. Mais nous sommes chassés par les goûtes de pluies et terminons nos sandwichs (et pâtisseries) à l'intérieur en buvant du Lapsang souchong (délicieux thé fumé). Puis on se balade à nouveau dans la ville et ses rues calmes. Je suis assez impressionnée par le nombre de touristes, en particulier, les touristes étrangers, très nombreux ! Je ne savais pas que la Bourgogne était si populaire. On reprend la voiture et on visite un peu les alentours. La moindre parcelle de terre est ici transformée en vigne, et tous les 50 mètres, un panneau indique un vignoble où déguster et acheter du vin. Entre les vignes, percent de petits villages blancs dans lesquels trônent souvent de belles églises médiévales.
Nous rentrons au gîtes prendre l'apéritif avec notre hôte et l'autre couple de touristes parisiens. Dans le parc devant la maison, les deux gros labradors courent au devant des brebis et de leurs jeunes agneaux. Dans le salon rempli d'objets divers, se faufilent plusieurs chats aux regards apeurés. La maison est grande et accueille aussi toute la famille (nombreuse) de notre hôte : tout un tas de jeunes gens très actifs et polis que nous croisons parfois. Nous quittons cette agréable compagnie pour rejoindre le restaurant que nous avons réservé à Beaune.
Ce soir, nous dînons au Loiseau des vignes, ancien restaurant du chef Bernard Loiseau et qui vient d'obtenir sa première étoile au michelin. C'est une grande première pour nous qui n'avons jamais mangé dans un restaurant étoilé. Nous sommes installés en grande pompe sur une petite table au cœur d'une agréable salle. Autours de nous, les vins sont exposés dans une sorte de grande vitrine, les bouteilles sont ouvertes et possèdent des petits robinets. Le serveur nous explique que le système est savamment conçu pour maintenir le vin dans un environnement calculé pour l'empêcher de s'oxyder et ainsi, garder toutes les bouteilles ouvertes et offrir un très grand choix de vin au verre. On hésite longtemps devant la carte entre raison (surtout au niveau du prix) et folie et c'est la folie qui l'emporte : entrée, plat, fromage et dessert. Je prends le menu à 60 euros, Seb choisit à la carte mais ça coûte tout aussi cher. Cette fois, c'est lui qui goûte les œufs meurettes quand moi je prend du foie gras (tranche très généreuse !). Pour prendre le foie gras, j'ai du changer le menu car toutes les entrées étaient au poisson. J'ai senti le besoin de me justifier auprès du serveur et de son regard sévère : "mais je n'aime pas le poisson !" , j'avais l'impression de casser le rythme du menu prévu par le chef... En plat principal, Seb goûte à son tour les joues de bœufs confites et moi je prends les "cuisses de pigeons caramélisées". Il est vrai que l'on sent la délicatesse des mets. Tout semble mesuré, rien n'est de trop : la toute simple purée maison fond dans la bouche comme de la crème, la viande est tendre, les légumes sont savoureux. L'apothéose viendra avec le dessert. C'est tout simplement le meilleur dessert que je n'ai jamais mangé : un palet chocolat cassis. En fait, c'est un long gâteau rectangulaire formé de mousse au chocolat et de cassis. Je suis habituée au mélange chocolat / fruit, mais avec du cassis, je n'avais jamais essayé et ça me semblait difficile. Mais ici, la balance parfaite semble avoir été trouvée, chaque bouchée est un savant mélange de saveur, un vrai délice, du pur plaisir ! Seb avait pris, lui, une rose des sables à l'orange qui n'avait pas l'air mal non plus. A noter, qu'avec mon dessert, j'ai pour la première fois pris un verre de vin. C'est Sébastien qui l'avait commandé et l'ayant trouvé délicieux j'en ai commandé un moi aussi. C'était du vin blanc très sucré et qui, d'après moi, ne ressemblait pas du tout à du vin. Il nous avait été recommandé par le serveur, très calé dans son domaine. Avec l'addition (très salée), on nous apporte des petits macarons chocolat-framboise tout à fait exquis. On quitte donc le restaurant satisfaits, heureux d'avoir passé une si bonne soirée, même si elle était chère.
Le lendemain, on traine un peu au petit-dej, discutant restaurant en caressant le gros chat angora. Puis voilà l'heure de quitter notre agréable gîte et l'on prend la route de Dijon. La ville est agréable, très jolie elle aussi. On visite la magnifique église Saint Michel, puis on traverse tout le centre ville en cherchant la place Emile Zola où nous a été indiqué un resto par une amie dijonnaise. En passant, on visite la cathédrale Sainte-Bénigne et sa très belle crypte romane. Enfin, on trouve le restaurant : L'Epicerie, agréable bistrot où je prends mes derniers œufs meurettes. Enfin, nous voilà repartis pour Paris. On traverse la Bourgogne sur une jolie route ensoleillée et on rejoint l'A5 qui nous ramène chez nous. Maintenant, il ne reste plus qu'à arrêter de manger pendant une semaine pour compenser le week-end !!
Les justes d'Albert Camus à La Colline : déception
Je vais toujours au théâtre avec enthousiasme mais j'ai été très déçue par la pièce que je suis allée voir mardi : Les justes d'Albert Camus, mis en scène par Stanislas Nordey.
Je me réjouissais de découvrir le texte de Camus car je ne connaissais pas la pièce mais dès les 5 premières minutes, j'ai compris mon malheur. Les acteurs ne se regardent pas et fixent le vide d'un air profond. Ils clament leur texte vers le public, presque immobiles, découpant leurs phrases de façon artificielle et rendant la scène surréaliste. Une caricature de théâtre moderne et pourtant, nous ne sommes pas devant la dernière création contemporaine abstraite ! Prenant mon mal en patience, je décide de n'écouter que le texte. Pour cela, je dois me concentrer pour extraire le sens des phrases. Je me répète ces mêmes phrases dans ma tête avec une intonation normale et là, je vois se dérouler la scène : des terroristes sont dans un appartement, ils préparent un attentat, ils se disputent, certains se craignent ou s'admirent, des choses se passent ! Je m'imagine une mise en scène à l'opposée de celle qui se déroule devant moi, je vois la scène jouée d'une façon presque quotidienne car, pour moi, ces terroristes sont des vrais personnes et non des ectoplasmes.
Toute la première partie de la pièce est ainsi gâchée. L'exercice mental étant difficile, je décroche parfois et me laisse traverser par des pensées diverses. Quand, habituée petit à petit, je me laisse un peu prendre par le texte, une intonation ridicule, un cri faux et déplacé me fait grimacer. C'est dur de voir les choses massacrées à ce point. La deuxième partie est plus intéressante. La mise en scène prend plus de souplesses et, parallèlement, semble enfin justifiée. C'est aussi dû au jeu de Vincent Dissez qui malgré la lourde contrainte du "je n'ai pas le droit de bouger" arrive à nous transmettre la vie, l'émotion de son personnage. De façon générale, le jeu des acteurs essaie de sauver la mise et parfois, on est avec eux. Emmanuele Béart s'en sort tout à fait bien.
Malheureusement la lourdeur de la mise en scène revient et nous tue dans la dernière partie. Fatigués de déjà deux heures de spectacle laborieux, on a du mal à se concentrer dans les dernières scènes. Le texte lui même ne semble plus être qu'un débat qui tourne à vide, comme des idées dans une machine à laver. Et pourtant, je suis persuadée, qu'en tournant les choses un peu différemment, cette dernière partie pourrait prendre du sens.
Car oui, la pièce de Camus est du "théâtre d'idée" mais c'est surtout du théâtre ! Quand on joue, il faut oublier les idées, elles sont déjà là, elles sont dans le texte, les personnages ne sont pas des idées ! Au contraire, il faut leur donner de la vie, de la réalité. Dans la dernière scène, une jeune femme réclame le récit de la mort de son amant, sacrifié à la "cause". En insistant sur le débat et en posant, grandiloquement, les questions tournées et retournées dans la pièce, on ressent juste la lourdeur du propos. Alors que si l'on voyait vraiment cette jeune femme, dans toute sa contradiction, aimer et perdre, désirer et renoncer, l'idée serait vivante et nous troublerait vraiment.
Bienvenue à Egypt Farm de Rachel Cusk
Voici la critique d'un livre que j'ai reçu grâce à un partenariat livraddict avec les éditions Points.
Je ne vais pas faire de résumé de Bienvenue à Egypt Farm car ce n'est pas l'histoire qui rend ce livre intéressant. J'ai été séduite dès les premières pages par l'écriture qui sait nous plonger immédiatement dans l'atmosphère très étrange du roman. Le narrateur est le personnage central, il décrit tout ce qui l'entoure mais cependant ne semble pas y prendre part. Il est comme détaché du reste du monde. Ainsi, jamais on a vraiment idée de ce qu'il ressent. Le monde à travers ses yeux semble à fois déformé et plein de vérité, comme une loupe qui nous ferait apparaitre des détails qui donnent son sens à la vue d'ensemble.
A tout voir par ses yeux, on finit par entrer dans sa peau et son état mêlé d'incompréhension et de clairvoyance nous contamine. Lors du premier chapitre, on est, comme lui, séduit par Egypt Farm, un peu perdu au milieu de la fête. Mais derrière la joie, on sent déjà poindre le dépit et la désillusion. Le roman décrit une société bourgeoise trop imbue de sa personne, trop décadente, trop malade. On voit tous les personnages défiler, à la fois pathétiques et cruels, tourbillonner autours du narrateur dans ce qui semble être une farce ridicule. Le principal mélodrame du roman sera ainsi décrit en quelques phrases lors d'une conversation quelques pages plus loin, presque comme une plaisanterie.
A travers son narrateur, l'auteur sait trouver les détails grinçants, les images affinées pour décrire les personnages et les situations. Comme il est difficile de vous faire partager cet humour sombre qui emplit le livre, voici quelques extraits :
" Elle était toute petite, menue, avait le teint olivâtre, et faisait tout avec lenteur, très posément, restant dans la lumière, se tenant immobile, comme si elle vivait dans un cadre et ne cessait d'y poser pour des tableaux."
"C'était un grand garçon à la peau épaisse, avec des cheveux noirs qui se dressaient en boucles rebelles partout sur son crâne et un visage jaunâtre et grêlé qui affichait toujours une expression de surprise soporifique. Chaque fois que je le voyais il me rappelait non pas moi même à son age, mais d'autres personnes de cette époque que j'avais croisées sans jamais faire leur connaissance."
Avec son style très particulier, l'auteur arrive à faire vivre un univers, à nous entrainer dans son roman. Une belle découverte qui confirme mon goût pour la littérature britannique où l'on retrouve souvent ce genre d'humour un peu sombre et méchant. Je remercie livraddict et les éditions Points pour m'avoir permis de participer à ce partenariat. Pour voir les autres critiques de lecteurs, rendez-vous sur la page bibliomania du livre.