Les Sources

Samedi 31 juillet

Ce matin, nous devions nous réveiller à 8h car la route à faire était longue. Cependant, à 9h30, nous sortons de la yourte étonnés que Erica ne nous ait pas réveillés. Elle nous explique alors que Baira a dû partir en urgence car son fils de 8 mois était malade (nous apprendrons plus tard qu'il va mieux). Il est retourné à Oulan Bator. Un autre chauffeur nous a été envoyé mais il doit faire la route, lui aussi, depuis la capitale et il n'est pas encore là.

Nous nous retrouvons donc sans voiture à patienter. Nous prenons tranquillement notre petit déjeuner, la famille nous a préparé du riz au lait, c'est délicieux. Hier soir, nous sommes restés tard avec Monhbat, lui montrant des photos, discutant comme nous pouvions. Je voulais offrir quelque chose à la jeune fille mais je n'avais rien, alors je lui ai peint une petite carte postale car elle avait beaucoup apprécié ma peinture. Monhbat est avec moi alors que je peins et je lui explique ce que je fais, les couleurs, les mélanges. Il ne comprend sans doute pas tout mais écoute avec intérêt. Il prend une autre petite carte et nous fait un dessin. Pendant ce temps, j'utilise le reste de la palette pour lui peindre à lui aussi quelque chose. Je lui explique qu'il doit laisser la peinture sécher pendant la nuit et pourra revenir la chercher demain. Il n'a pas oublié et est là ce matin pour la prendre. Il demande à Erica de lui traduire la petite dédicace que j'ai écrite et qui dit simplement "For Monhbat, from Viviane". Il a beaucoup de mal à prononcer mon nom, "Bibiane" est le plus proche dont il puisse s'approcher. La jeune fille vient nous voir car elle s'est fait mal au genou. Nous ne pouvons pas beaucoup l'aider et lui proposons juste de désinfecter. Pour la consoler, je lui offre la carte que j'ai préparé pour elle et je sens bien que ça lui fait très plaisir. Je lui ai aussi écrit une dédicace, Erica a dû m'épeler son nom Enhjmaa (à prononcer plus ou moins Irma). Les cartes représentent des yourtes avec le paysage derrière, à chaque fois, j'ai aussi dessiné un chameau car c'est un peu la marque de fabrique du coin. Notre chauffeur arrive et nous allons pouvoir partir. Il a l'air très bien mais nous regretterons Baira qui, avec son français approximatif, nous a fait beaucoup rire. Petits extraits de conversation : Baira : Ca va ? Dormir, c'est bon ? Nous: Oui, très bien dormi et toi ? Baira : c'est bon Nous : La voiture, ça va ? Baira : oui, la voiture, c'est bon. Maintenant, poutit déjeuner Nous : oui très bien Baira : Bien manger, après, bien voyager ! "poutit" était un mot très utilisé, comme dans "poutit lac", ou dans "sur chouval, poutit, poutit" pour dire que nous n'irons qu'au pas. Nous disons au revoir à tout le monde et partons sans trainer car nous avons de la route. La première partie se fait sur route goudronnée et donc sans problème. Nous rejoignons ainsi Karakorum, l'ancienne capitale. Elle a été déplacé au XIVem siècle à Beijing et a été de nombreuses fois détruites (comme lors de la révolution communiste). Il en reste maintenant un grand monastère, encore actif, Erdene Zuu, construit sur les ruines de la ville. Autour, il n'y a qu'un petit village. Nous visitons donc Erdene Zuu où nous trouvons, comme toujours, plein de beaux Buddhas. Nous prenons ensuite notre déjeuner dans un restaurant de la ville. Nous goutons enfin aux traditionnels Buuz mongols : raviolis à la viande. Dans le restaurant, nous rencontrons un français qui est plus ou moins installé en Mongolie. Il y passe la moitié de l'année et organise des trecks à cheval. Nous repartons de Karakorum et quittons la route asphaltée. Nous la récupérons de temps en temps quand elle n'est pas en construction jusqu'à ce que nous partions définitivement vers la montagne. Nous arrivons alors dans une magnifique vallée. Une petite rivière coule entourée d'arbres, partout l'herbe est parsemée de fleurs. Nous nous arrêtons pour marcher un peu dans l'eau fraîche et prendre des photos de ce paysage bucolique. Nous continuons à rouler vers les montagnes. De très amusants petits animaux courent parfois autour de la voiture : ce sont comme des mini marmottes ou des écureuils de prairie. D'après le chauffeur, ce sont des "chiens de prairies" (dit en français). Ils avancent très rapidement par petits sauts agiles et se dressent parfois sur leurs pâtes arrière avant de rentrer dans un trou. En effet, il faut qu'ils se méfient des grands rapaces qui tournoient dans les airs et dont ils doivent être les proies privilégiées. Nous arrivons à notre lieu de résidence pour la nuit. Quel plaisir de s'arrêter dans un endroit si magnifique ! Nous sommes dans un camp de yourtes pour touristes. Il est niché au creux de la montagne, bordé de forêts. Les yourtes s'alignent avec chacune un numéro, comme des chambres d'hôtel. Les bâtiments en dur sont en fait de jolis petits chalets. Entre les yourtes, la végétation de la montagne pousse libre et luxuriante, pleine de fleurs colorées. A quelques détails près (comme les yourtes), on pourrait se croire dans un petit hôtel reculé d'Autriche. Nous avons une yourte pour nous deux, très joliment décorée avec des meubles en bois, et même du parquet. Il y a de vrais lits avec draps, couvertures et oreillers Nous pouvons profiter des installations sanitaires, comme les douches (avec de l'eau chaude) et de vraies toilettes. Et surtout, nous pouvons nous baigner dans les petits bassins alimentés par les sources chaudes ! Allongés dans l'eau comme dans un bain, entourés de jolis petits oiseaux, nous nous sentons un peu au paradis. Nous prenons le diner dans la très grande yourte centrale et profitons encore un peu des bassins avant d'aller nous coucher. Le lendemain matin, nous devons partir assez tôt, nous avons tout de même le temps de prendre une douche (profitons tant que nous le pouvons) et de nous baigner un peu... Agréable pose de confort au milieu de notre voyage, nous sommes maintenant prêts pour à nouveau affronter la steppe.

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Sur le chameau

Vendredi 30 juillet

C'est à nouveau Tserentogtoch qui nous réveille ce matin. Mais il est suivi de près par la jeune fille de la maison qui le fait sortir comme elle peut. Il fait froid ce matin et nous avons du mal à quitter la douce chaleur de nos sacs de couchage. Dehors, il tombe une fine bruine et il vente : les pulls et vestes ne sont pas de trop. Après le petit déjeuner, Erica nous propose d'aller chez les parents de la jeune femme qui vit ici. Nous acceptons volontiers.

Nous emmenons dans le van avec nous une partie de la famille. Le père est resté travailler : il a emmené ce matin un groupe de touristes faire du chameau. La femme est là avec son fils, le petit monstre Tserentogtoch, et la jeune fille qui l'aide pendant sa grossesse. Les parents n'habitent pas très loin, nous y sommes en 5 minutes. Nous rentrons dans la belle grande yourte. C'est celle qu'ils réservent à l'accueil des invités. Au fond, sont accrochés des trophées gagnés aux courses de chevaux, Il y a aussi de nombreux articles d'équitation et des crins de chevaux un peu partout. La femme nous sert de l'airag avec une assiette de petits fromages et gâteaux. Ici, vivent aussi la jeune sœur et le frère de la femme que nous connaissons. Le frère se marie dans quelques semaines. Dehors, on peut voir les éléments de sa future yourte entreposés. Nous sortons voir les chevaux. Le cheval de course est séparé des autres, ils l'entrainent en ce moment pour une course à venir. C'est un petit garçon de 9 ans qui doit le monter. Ce sont les enfants qui participent aux courses car ils sont plus léger. Il y a une petite fille du même age qui elle aussi participe à des courses. C'est assez dangereux car les chevaux vont vite et les courses sont longues : 50 km. Nous marchons un peu vers les pâturages. Les enfants nous suivent. Ils nous montrent les grenouilles par terre, les fourmilières, les fleurs. On s'amuse avec eux et on prend des photos. Nous passons à côté du troupeau de chevaux. Les poulains sont attachés à une corde, le nombre de cordes et le nombre de poulains fait souvent la fierté d'une famille. Nous retournons dans la yourte où la femme a préparé du thé au lait. Nous le buvons avec plaisir et reprenons gâteaux et fromage. Notre guide lui a apporté des bonbons et biscuits et en échange, elle nous offre un plein sachet de petits biscuits fait maison. Après quelques tasses de thé, nous quittons la famille en promettant d'envoyer les photos. Nous rentrons dans notre yourte où une touriste française nous rend visite. Elle fait partie du groupe qui a fait du chameau ce matin. Elle est à la fin de son voyage de trois semaines en Mongolie. On lui avait dit qu'elle faisait partie d'un groupe de quatre et finalement elle s'est retrouvée seule avec un inconnu. L'homme n'est pas venu nous voir, il est resté dans la voiture, il a l'air d'avoir mauvais caractère. Elle se plaint d'ailleurs car elle dit qu'il est extrêmement "stressé du programme" et regarde sans arrêt sa montre. Il ne fait pas confiance à son guide et à son chauffeur et refuse tout imprévu. Quelle étrange attitude quand on voyage ! Le guide et le chauffeur ont l'air d'ailleurs assez fatigués et se sont plaints, eux aussi, à nos guides. Nous sommes tout l'inverse. Nous faisons complètement confiance à Baira et Erica pour s'occuper de nous. Et les imprévus s'avèrent finalement les choses les plus intéressantes. La première famille chez qui nous sommes allés n'était pas celle prévue et c'est une des rencontres qui nous a le plus marqué. De Khogno Khan, nous retiendrons sans doute le monastère mais plus encore la visite de ce matin chez l'éleveur de chevaux et les plaisanteries avec le jeune Monhbat, le guide pour chameaux. D'ailleurs, après le déjeuner, nous partons faire le tour en chameaux guidés par Monhbat. Je trouve le chameau plus inconfortable que le cheval. Les animaux avancent lentement et nous mettons un certain temps avant de rejoindre les dunes pourtant proches. Grimper les dunes à dos de chameaux est plutôt amusant. Ça donne un petit air de Sahara, mais avec la prairie et les yourte en plus. Au bout d'un moment Monhbat insiste pour que nous descendions des chameaux et venions jouer avec lui dans le sable. A vrai dire, c'est beaucoup plus agréable. Sur la pente aiguë de la dune, nous nous laissons glisser, ou bien nous nous faisons tirer par Monhbat qui descend et remonte à toute vitesse. Il joue à s'enterrer dans le sable puis m'enterre à mon tour. C'est un moment très agréable de complicité et de jeu. En rentrant, nous discutons avec lui grâce à Erica qui traduit (il comprend plus qu'il ne parle). Il pose des questions sur notre pays, nous lui posons à lui aussi des questions. Il n'a jamais quitté la Mongolie et n'est allé qu'une fois à Oulan Bator. Nous sommes assez soulagés de rentrer enfin à la yourte car le chameau commence à être vraiment douloureux. Je décide de m'installer pour peindre. La jeune fille de la famille est impressionnée. Elle veut rester à côté de moi pour regarder. C'est, je crois, la nièce du couple et elle est là pour aider la jeune femme enceinte. Elle n'a que 11 ans mais fait un peu plus âgée (contrairement à Monhbat qui dit avoir 13 ans mais fait beaucoup plus jeune). Elle est très mignonne avec son petit visage angélique. Elle un peu timide mais très serviable, elle aide souvent Erica. En fait, elle passe souvent son temps à courir derrière Tserentogtoch pour l'empêcher de faire des bêtise. D'ailleurs il n'apprécie pas beaucoup qu'elle le délaisse pour me regarder peindre. Il commence à s'agiter et renverse mon verre d'eau. Il veut voler mes pinceaux et c'est un miracle si ma peinture s'en sort avec seulement quelques taches bleues. Finalement, Sébastien essaie d'occuper le petit diable et la jeune fille peut continuer à regarder. Le principal jeu du petit est de chevaucher son bâton en cirant "chou chou" (l'équivalent de "Hue hue"). Nous prenons notre diner dans la douce lumière du soir, le temps s'est beaucoup adouci et est maintenant très agréable. Demain, une nouvelle journée de route nous attend et nous devons ranger nos affaires. Dans la soirée, nous revoyons Monhbat. Je lui montre des photos de nos familles sur l'ordinateur. Nous lui donnons aussi un pourboire pour les chameaux. Nous avons déjà payé mais il ne reçoit pas l'argent officiel. Nous lui expliquons bien que l'argent est pour lui et qu'il peut s'acheter ce qu'il veut. Nous n'oublierons pas de prendre son adresse pour lui envoyer des photos et une lettre en anglais qu'il pourra essayer de comprendre.

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La montagne et les dunes

Jeudi 29 juillet

Ce matin, c'est Tsenrentogtoch qui vient nous réveiller en entrant inopinément dans notre yourte. Je me lève pour l'empêcher de voler nos affaires posées sur les lits. Il repart comme il est venu. La matinée est ensoleillée et venteuse. Je m'installe pour lire devant la yourte puis nous prenons le petit déjeuner à l'intérieur à cause du vent. Nous quittons ensuite le camp pour aller visiter le monastère. Il se trouve dans la montagne Khogno Khan à moins de 5 minutes en voiture. Nous aurions pu y aller à cheval mais nous ne sommes pas assez expérimentés.

En chemin, nous passons près d'un petit lac entouré de marécages. Aux alentours, paissent les chevaux, chameaux, chèvres, vaches, moutons et yaks. Sur le lac, on voit des canards et des cygnes. D'autres fois, nous avons aussi vu des grues ainsi que de très larges rapaces assez effrayants. Ils tournoient haut dans le ciel et fondent parfois vers la plaine sur ce qui doit être des mulots. On les croise aussi le long de la route nous toisant de leur haute stature. Dans l'herbe, sautent des tas de petites grenouilles, je les trouve très amusantes. Je les préfère largement aux araignées du dernier campement. Le monastère est juste à l'entrée de la montagne. Il est assez récent et a été reconstruit à la place d'un plus ancien détruit par les communistes (il avait déjà été détruit et reconstruit plusieurs fois avant ça). La montagne porte son nom en l'honneur des lamas (les moines, pas les animaux) qui ont été tués ici par les communistes. Plus loin dans la montagne se trouvent les ruines d'un autre monastère. Mais il faudrait marcher deux heures en plein soleil pour l'atteindre et je ne m'en sens pas la force. La montagne est en fait un gros massif rocailleux plein de broussailles. J'ai du mal à croire qu'il y vit des loups et des tas d'autres animaux. D'ailleurs, il y en a aussi dans la steppe : où sont-ils donc le jour ? En revenant à notre campement, nous nous arrêtons au camp de yourtes pour touristes (sorte de grand camping de yourtes) pour prendre une douche. Il y a aussi des vraies toilettes. La douche fait vraiment du bien, c'est la première que nous prenons depuis Oulan Bator, sinon, outre la bassine d'eau, on se se lave aux lingettes. Nous retournons au camp prendre notre repas de midi et là, surprise, nous rencontrons à nouveau le couple de touristes d'hier. Leur guide est une amie de la famille chez qui nous sommes et a voulu s'arrêter. Ils ne restent pas ici et repartent bientôt en direction de Karakorum. Notre agence locale, DMD, est spécialisée dans touristes français, c'est pour ça qu'on en croise tout le temps. Après le déjeuner, nous partons faire une balade à cheval. Sébastien et moi sommes accompagnés d'Erica et du chef de famille qui nous sert de guide. L'idée est d'aller jusqu'au petit lac et de revenir, une heure de balade environ. Je me sens plus à l'aise que la dernière fois. Erica tient la bride de mon cheval depuis le sien pour le forcer à suivre mais au retour, elle me laisse le guider seule. Nous trottons un peu, Seb n'aime pas car ça secoue trop. C'est assez extraordinaire d'être sur un cheval en Mongolie et de regarder les yaks dans la plaine. Avant de revenir au camp, nous repassons par les dunes pour marcher un peu dans le sable avec les chevaux. Après ça, nous sommes fatigués et nous reposons dans la yourte tandis qu'Erica est partie faire des courses à cheval avec la maitresse de maison. Quand elle revient, elle me propose de venir préparer le repas du soir avec elle : elle va nous cuisiner un repas mongol. Je l'aide à préparer la pâte et à couper les légumes. Les familles nomades se passent en général de légumes et se contentent de féculents et de viande. Nous sommes installés dans la yourte de la famille. La maitresse de maison est très jeune (25 ans peut-être). C'est la mère de Tserentogtoch et elle est enceinte d'un second enfant. Monhbat n'est pas son fils, il vient aider la famille pendant l'été avec les chameaux. Il y a aussi une jeune fille qui doit être sa nièce et un bébé, qui est le fils de la voisine. Ce dernier marche déjà mais est plus jeune que Tserentogtoch. Comme les adultes sont occupés et ne peuvent pas toujours le surveiller, ils l'attachent au pilier central de la yourte. De là, il tire tant qu'il peut pour attraper tout ce qui est à la portée de ses petites mains. Sur une petite télé en noir et blanc, passe un feuilleton mongol sous-titré en anglais. Les sous-titres doivent être là pour aider les mongols à acquérir cette langue. Monhbat arrive et est très content de nous voir. Il insiste pour que nous venions avec lui voir le chameau et nous dit que nous pouvons le monter gratuitement. Nous acceptons et montons donc pour la première fois sur le chameau. Ça ressemble assez au dromadaire que j'ai monté il y a maintenant de nombreuses années avec ma mère et ma sœur au Maroc. Pour Sébastien, c'est la première fois. Le chameau se couche sur le sol pour que nous puissions grimper dessus et se relève ensuite. Nous ne faisons que quelques pas (et quelques photos) autour des yourtes. Demain, nous partirons pour une balade plus longue dans les dunes. Nous retournons dans notre yourte pour diner avec Erica. Le plat mongol est très bon : la pâte faite de farine et d'eau a été étalée puis découpée en lamelles pour faire des sortes de pâtes cuites à l'eau avec les légumes et la viande. Ce soir, il fait beaucoup plus frais et nous restons donc dans notre yourte que nous avons soigneusement fermée avec l'aide d'Erica. Le principal problème, ce sont les mouches. Elles ne nous embêtent pas la nuit quand on dort, mais tant que la lumière est allumée, elles nous tournent autour et nous sautent dessus : pas pratique pour lire !!

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