Photo du mois : Ombres chinoises

Aujourd'hui, c'est le jour de la photo du mois !

Chaque mois, les blogueurs qui participent à La photo du mois publient une photo en fonction d'un thème.  Toutes les photos sont publiées sur les blogues respectifs des participants, le 15 de chaque mois, à midi, heure de Paris.

Ce mois-ci, le thème est "Ombres chinoises"

Je triche un peu et décale le thème, ce n'est pas une "ombre chinoise" mais une "ombre mongole", celle de la yourte à Khogno Khan dans la lumière du soir. Cette lumière est difficile à saisir, on ne l'avait que le soir à l'heure du diner. D'un seul coup, la steppe prenait des reflets dorés et le ciel s'embrasait. Ça ne durait parfois que quelques secondes ou bien jusqu'au coucher du soleil. Toutes les nuances deviennent alors contrastes, les ombres se marquent sur le sol et les couleurs flamboient...

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Naadam

Lundi 2 août

Nous nous levons tard ce matin mais rien de spécial n'est prévu donc nous ne sommes pas pressés. D'ailleurs, le chauffeur est parti avec la voiture pour aller voir un dentiste en ville car sa dent le fait souffrir. Ça m'embête un peu car mes tennis sont restés dans la voiture, or il a plu et l'herbe est mouillée. Après le petit déjeuner, je rejoins Erica dans la yourte familiale où la femme prépare les petits beignets traditionnels qui nous sont souvent servis. Sur le poêle central, les petits gâteaux sautent dans l'huile bouillante tandis que sur des bâches les enfants et Erica découpent la pâte en larges lamelles. L'homme est assis à une petite table et sculpte du bois. Il nous montre les boîtes et outils qu'il a construits.

Nous goûtons les délicieux beignets frais puis partons nous balader dans la steppe. Il faut faire attention car les yourtes sont bien cachées dans le creux des collines et une fois passée la première crête, nous ne les voyons plus. Sur notre chemin, nous croisons trois hommes à moto. Ils s'arrêtent pour nous saluer et s'assoient par terre pour échanger avec nous leur tabac prisé : c'est la petite bouteille qu'il faut renifler, nous avons appris à le faire dans la toute première famille. Nous comprenons à leurs gestes qu'ils viennent du campement voisin que nous pouvons voir d'ici. Nous les prenons en photo sur leur moto et les laissons repartir puis nous même revenons vers notre yourte. Le chauffeur revient bientôt et nous prenons le déjeuner dans la yourte. Erica est pressée car nous avons la chance qu'un Naadam ait été organisé aujourd'hui non loin d'ici. Nous allons nous y rendre avec la famille et tout le monde est impatient. Le Naadam est une grande tradition mongole. Ce sont des fêtes organisées autour de compétitions sportives tout au long de l'été. Les grands Naadams ont lieu plus tôt en juillet mais celui-ci est un petit Naadam local. Le sport le plus prisé est la course hippique mais il y a aussi la lutte traditionnelle et le tir à l'arc. Nous emportons donc toute la famille avec nous dans la voiture et partons vers le Naadam. Le couple a mis ses beaux vêtements, la femme a troqué ses grosses bottes de travail contre de jolies bottines. Nous arrivons sur place au milieu des autres voitures et des chevaux. Au centre de l'attroupement, a lieu la compétition de lutte. Les lutteurs portent de gros slips colorés avec des chemises ouvertes laissant voir leurs muscles impressionnants et des petits chapeaux pointus attestant de leurs victoires passées. Ils se prennent par les épaules et essaient de se mettre à terre. Le gagnant marche vers la foule en ouvrant les bras. De nombreux lutteurs s'affrontent. Entre les différentes manches du combat, des chanteurs entament des chansons populaires reprises par la foule. Nous nous promenons un peu. Partout des petites camionnettes vendent des beignets frits à la viande visiblement liés à ce genre de fête. Il y a aussi des étals de différentes choses : jouets, vêtements, bonbons... Mais malheureusement pour nous, aucun artisanat local, seulement des produits importés de Russie ou de Chine. Nous découvrons bientôt les chevaux préparés pour la course. Il y a plusieurs courses en fonction de l'age des chevaux. La plupart ont déjà eu lieu, il ne reste que celle réservée aux jeunes chevaux de deux ans. Par contre, ce sont toujours de jeunes enfants qui les montent. Et nous les voyons d'ailleurs, tout jeunes, parfois sans selle, arborant leur numéro et marchant doucement avec leur monture pour les entrainer. Ils partent bientôt vers le lieu de départ de la course, à 10 km de là. En attendant leur retour, nous nous installons dans la voiture d'où nous pouvons voir la lutte. Les enfants sont là aussi. Le petit garçon a reçu un nouveau jouet : un pistolet en plastique. Il s'amuse avec en mimant des tirs un peu partout. Erica achète des beignets et des bonbons que nous partageons avec la famille. Puis voilà les jeunes coureurs qui reviennent. Nous les voyons arriver de loin dans la plaine. La foule les attend et acclame le vainqueur qui passe la ligne d'arrivée bien avant les autres. Nous les regardons tous, un par un, arriver. Seuls les cinq premiers seront récompensés. Mais ici, c'est le cheval qui compte plus que le cavalier. D'ailleurs, si le cavalier tombe mais que le cheval arrive tout de même, cela compte quand même. Un des chevaux est d'ailleurs arrivé seul, des adultes sont partis à la recherche du petit, nous espérons qu'il va bien mais n'en saurons pas plus. Nous retournons à la lutte où il ne reste plus qu'une manche mais visiblement, elle n'est pas prévue pour tout de suite. En ce moment, ce sont les enfants que l'on fait lutter pour imiter les adultes. Ils ont d'ailleurs l'air très doués mais pas de prix à la clé, c'est seulement informel. Erica voudrait que nous repartions mais nous ne trouvons plus le mari qui a disparu. En fait, il est avec des amis et a un peu bu. Sa femme arrive avec du mal à le pousser dans la voiture car il ne veut pas s'en aller. D'ailleurs, il insiste pour rester regarder la dernière lutte. Seulement, en ce moment, c'est la remise des prix pour les chevaux et, après 10 minutes, Erica et la femme en ont marre et nous partons tout de même. Il aurait pu se passer encore une heure ou deux avant que la lutte ait lieu. Nous sommes vraiment très heureux d'avoir pu assister à ce évènement. Il fait entièrement partie de la culture mongole et ça aurait été dommage de ne pas le voir. Nous avons eu de la chance qu'il soit organisé justement aujourd'hui. Nous avons vu de nombreux touristes en Mongolie, mais ici, nous étions les seuls. Les gens nous lançaient des regards amusés et curieux et parfois même des petits "hello". L'évolution culturelle est amusante, il y a encore 10 ans, nous dit la femme, il n'y avait presque pas de voitures et que des chevaux. A présent, ce sont les voitures qui ont pris le pas. De nombreuses personnes portent l'habit traditionnel, elles se mettent sur leur 31 pour la fête. D'autres sont à la mode occidentale mais elles aussi essaient d'être au mieux. On voit les femmes marcher avec leurs talons aiguilles dans la poussière... Nous rentrons donc en fin d'après midi. Je m'installe dehors pour peindre mais les conditions sont assez extrêmes. Le vent souffle avec beaucoup de force. Non seulement, il me glace et fait voler mes cheveux mais je dois retenir ma peinture sur mes genoux et ma palette qui veut se faire la belle. J'arrive à faire le dessin et à peindre les grosses tendances du paysages mais pour les détails et la finition, je rentre dans la yourte, ce n'est pas possible dehors !! Erica nous prépare le dîner. Le petit garçon de la famille nous accompagne. C'est le petit-fils du couple. Il a cinq ans et parle très bien. Il dit même quelques mots d'anglais et de français. Il nous chante des chansons et nous récite des poèmes. Puis il se met à raconter à Erica des épisodes de Tom et Jerry qui n'en finissent pas. Erica essaie de nous traduire mais évidemment, ça ne fait pas beaucoup sens. Avec ce petit, nous pouvons nous rendre compte des différences de niveaux de vie et d'éducation. La petite fille dans la première famille avait à peu près le même age mais elle n'avait jamais vu d'étrangers ni entendu d'autres langues que la sienne. Et je suis contente d'avoir offert les derniers crayons de couleurs à Monhbat. Ils auraient sans doute fait plaisir à ce petit mais il a visiblement d'autres jouets et d'autres occasions de s'amuser. Monhbat va à l'école l'hiver et travaille tout l'été comme guide pour chameaux. Il n'a que peu de temps à lui et peu de choses qui lui appartiennent. Nous passons la fin de la soirée à jouer aux cartes avec les autres jeunes de la famille. Ils nous expliquent les règles de leur jeu qui sont assez compliquées. On met du temps à comprendre. Il faut dire qu'ils avaient oublié un détail assez fondamental mais qui leur semblait peut-être évident : l'ordre des cartes. En effet, cela fait : As, deux, trois, roi, reine valet, dix, neuf, huit, sept. Or, quand on ne sait pas que le deux et le trois sont des cartes maitresses et sont plus fortes que le roi, il est difficile de voir la cohérence des règles. Au bout d'un moment, nous arrivons à nous en sortir même si je ne suis pas sure que nous arriverions à y rejouer nous même, il nous manque encore trop de subtilités. Ce soir, a lune ne se lève pas tout de suite et la nuit est sombre et sans nuages. Enfin, nous pouvons voir les étoiles ! Mais il fait si sombre que ça peut être effrayant surtout que l'on sait qu'il y a des loups et qu'il nous faut marcher un peu pour atteindre les toilettes. Hier soir, les yeux brillants du chat tapi dans la nuit ont effrayé Sébastien. Même les placides moutons ont un air satanique quand on ne voit d'eux que de petites billes jaunes au milieu des ombres. Les chiens sont là qui surveillent le troupeau et aboient souvent. Chassent-ils vraiment des animaux ou leur imagination leur joue-t-elle des tours ?

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Sur la route

Dimanche 1er août

Nous partons à 10h et nous avons une longue route à faire. D'autant plus que ce ne sera que de la piste ou "bumping road". Nous nous arrêtons d'abord dans un petit village, c'est là qu'est né notre chauffeur. Puis nous roulons un peu pour aller voir ses parents qui sont éleveurs nomades. Il peut ainsi voir un peu sa fille de deux ans qui y est en ce moment ainsi que sa sœur et son neveu encore tout bébé. Les parents nous accueillent dans leur yourte au centre de laquelle le poêle chauffe une grande casserole de lait.   Ils nous servent des petits fromages faits avec du lait de yak ainsi que du thé chaud. Plus tard, ils nous font gouter un bol de lait de yak chaud et crémeux. Les yaks sont en fait de grosses vaches poilues. Il y en a beaucoup par ici car ils sont surtout élevés dans les montagnes. Nous avons déjà croisé plusieurs troupeaux.

Nous repartons et cette fois la route sera longue. Nous devons d'abord traverser les montagnes. Malgré les bosses, c'est très agréable. Les paysages sont magnifiques. Nous roulons sur le flanc des collines, le long des forêts. Nous traversons parfois même de petits bois. La voiture est entourée par les herbes hautes et fleuries. Nous nous arrêtons dans un bois pour cueillir de grosses fleurs rouges que Erica et le chauffeur veulent faire sécher pour faire en tisane. Il parait que c'est bon pour la digestion (mais méfions nous). Ils en remplissent deux bouteilles. Erica nous dit que sa fille a des problèmes de digestion et que ça l'aidera, c'est pour ça qu'il lui en faut beaucoup. C'est dans un charmant endroit comme ça que nous nous arrêtons pour déjeuner. Mais bientôt nous devons repartir, le chauffeur nous dit qu'il reste 150 km à parcourir.  Après un temps, nous quittons les montagnes et traversons une zone anciennement volcanique. La plaine est jonchée de pierres noires qui lui donnent un air un peu effrayant. Et puis nous croisons de belles rivières  au fond de larges canyons. S'il n'y avait pas de programme à suivre, je voudrais m'arrêter ici et camper dans ce paysage étrange, me baignant dans l'eau froide au milieu des cailloux noirs. Nous commençons à être fatigués et il reste encore une centaine de kilomètres. Bientôt, nous retrouvons le paysage auquel nous avons été habitué : nous avons quitté la végétation luxuriante des montagnes et retrouvons la terre sèche et poussiéreuse, l'herbe éparse qui s'étend à l'infini sur les collines. Le soleil se couche et nous ne sommes toujours pas arrivés. Nous avons passé une ville qui se trouve "à côté" de notre lieu d'arrivée mais voilà un moment que nous roulons dans la steppe, dépassant les campements sans nous arrêter. Est-ce par ce que la nuit est proche que d'un seul coup un petit renard court juste à côté de la voiture avant de se jeter prestement dans un trou ? Sur notre chemin, nous croisons aussi de nombreux aigles. Immobiles, on pourrait les confondre avec des pierres ou des morceaux de bois. Seules leurs têtes bougent, suivant notre passage de leurs yeux perçants. Parfois l'un d'eux s'envole silencieusement. Parfois aussi, ce ne sont pas des aigles mais des chouettes avec leur tête ronde qui tourne à 180 degrés et leurs deux yeux globuleux. Enfin nous arrivons. Les yourtes sont nichées dans le creux de la colline, au milieu d'un paysage accidenté. La famille nous accueille chaleureusement. C'est un vieux couple qui vit ici entourés d'enfants qui sont soit leurs neveux soit leurs petits-enfants. La femme est toute menue, elle porte un bel habit traditionnel bleu. De loin, on dirait une petite fille. Dans leur yourte, ils nous servent du thé et de petits gâteaux bien appréciables. Ils ont perdu de nombreux animaux cet hiver mais n'ont pas l'air dans le besoin. D'ailleurs, nous apprenons qu'ils ont déjà voyagé et sont allés en France où ils ont été accueillis chez des amis. Ils ont des photos d'eux sous la tour Eiffel et à divers endroits comme à la pointe du raz. Sur la carte de France, nous leur montrons où nous habitons et d'où est originaire Sébastien. Puis nous rejoignons Erica qui cuisine dans notre yourte. Le poêle apporte une douce chaleur et bientôt le dîner est prêt. Nous ne veillons pas très tard après cette longue route et sommes très heureux de nous coucher, même sur des lits un peu durs.

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