World Books Challenge : Australie, La loi de la tribu

Cet article est aussi le premier dans le cadre du défi littérature policière des 5 continents et ouvre la danse avec l'Océanie !

Bien que Arthur Upfield soit un écrivain britannique c'est lui que je choisis pour l'Australie car c'est le pays où il a passé la plus grande partie de sa vie et je le considère donc comme australien d'adoption. Sans compter que tous les "blancs" australiens sont en fait d'anciens immigrés d'Europe. Arthur Upfield y est arrivé à 22 ans, en 1810. Il faisait partie de tous ses jeunes européens qui après un échec sur le vieux continent rêvaient d'un monde meilleur. Il est connu pour ses romans policiers mettant en scène l'inspecteur Napoléon Bonaparte, né d'une mère aborigène et d'un père blanc.

Le roman que j'ai lu, La loi de la tribu, se déroule au début des années soixante dans une ferme du nord de l'Australie à la frontière du désert. Ce n'est pas vraiment l'intrigue policière elle-même qui est frappante, même si, malgré un dénouement un peu peu décevant, elle est bien menée et tient le lecteur en haleine. Non, ce qui marque dans ce roman, c'est la description de ce monde en équilibre précaire entre les fermiers blancs et les tribus aborigènes. On est à une période clé de l'histoire australienne et surtout aborigène. Les tribus ne peuvent plus ignorer la présence blanche, certains jeunes "s'assimilent" en obtenant une éducation et un métier mais il leur reste le tiraillement entre leur nouvelle identité et leur origine. La ferme est tenue par un couple blanc mais les travailleurs sont principalement aborigènes et appartiennent à la la tribu voisine. Cette dernière s'accommode comme elle peut et s'adapte à la situation tout en se battant pour préserver son mode de vie. D'autres tribus sont évoquées, les "sauvages", ceux qui n'ont pas de rapports avec les blancs et ont réussi à éviter jusqu'à présent la nouvelle civilisation qui s'installe. Chaque personnage, qu'il soit blanc ou aborigène, est traité d'une façon précise et ce petit monde prend vie sous la plume de l'auteur. Le personnage principal est l'enquêteur qui, appartenant aux deux cultures, est capable d'en comprendre les modes de pensée et de décrypter les tensions sous-jacentes à l'affaire. Un roman très agréable donc, qui nous plonge à la frontière du désert australien et nous donne envie de découvrir plus profondément la culture et l'histoire aborigène.

Commentaires

World Books Challenge : Syrie, La preuve par le miel

C'est par hasard, en flânant au rayon littérature étrangère, que je découvre ce petit livre intriguant : La preuve par le miel de Salwa Al Neimi. La Syrie est un pays qui me reste à découvrir et l'auteure est une femme ce qui m'intrigue d'autant plus. La quatrième de couverture est assez mystérieuse, j'en retiens que c'est un livre écrit par une femme et qui parle de la sexualité dans le monde arabe, j'achète !

Ce n'est pas vraiment un roman, mais ce n'est pas un essai non plus. Le style est très poétique, inspiré des textes anciens arabes et, en particulier, des textes érotiques. Il y a d'ailleurs tout un aspect érotique dans le récit lui même, mais comme l'avoue l'auteure elle même, ça reste très "soft". Pourtant, la provocation est là, assez forte pour le que le texte soit interdit dans de nombreux pays. C'est une femme qui écrit, une femme qui assume une sexualité libre et sans tabou qu'elle conçoit comme faisant intégralement partie de sa culture, de la culture arabo-musulmane. Le texte est d'ailleurs à l'origine écrit en arabe et je suis bien désolée de ne pas maitriser cette langue et de devoir me contenter de la traduction. Car les mots mêmes du texte sont une revendication : ces mots qui, censurés par la morale religieuse qui sévit actuellement dans le monde arabe, risquent de disparaitre ! Le texte est beau, poétique et sensuel, truffé de citations et références à des textes anciens et des auteurs et poètes qui me sont inconnus. A travers les chapitres, l'auteure aborde les différents aspects de la sexualité dans le monde arabe avec toute la duplicité et l'hypocrisie qu'elle engendre. Elle fissure cette chape de moralité plaquée sur le monde musulman et en éclaire les pulsions et les désirs. Je vous invite à découvrir cette œuvre et à lire aussi cette interview de l'auteure publié sur le site telquel.

Commentaires

Exposition De Nittis au petit palais

C'est un peu par hasard que je visite cette exposition et découvre par ailleurs ce peintre que je connaissais pas. De Nittis est un peintre du XIXème siècle, difficile à classer. Il est résolument de son époque, sa touche le rapproche des impressionnistes mais il suscita moins le scandale et l'indignation. Peut être est-ce pourquoi il suscite à présent moins l'engouement et n'est pas aussi connu que ces contemporains. Sa vie est en effet plutôt bourgeoise et bien rangée, ses peintures sont plébiscitées, en particulier par Edmond de Goncourt dont il est l'ami et qui l'introduit dans le salon de la princesse Mathilde. Un peintre mondain donc, un peintre de salon, c'est ce à quoi il est souvent réduit mais j'ai pu découvrir qu'il était bien plus.

L'exposition est organisée par thèmes et nous offre l'œuvre du peintre dans toute sa variété. Je commence par les peintures représentant la campagne et en particulier son Italie natale. On prend déjà toute la mesure de sa virtuosité, de son amour de la lumière et de son talent à nous la retranscrire. Tout de suite, j'aime ses ciels. Dans chacun de ses tableaux, ils s'imposent comme un élément incontournable. Parfois, ils sont bleus, éblouissants, en contraste avec la route blanche dont on ressent la chaleur étouffante. Souvent, et c'est ce que je préfère, ils sont pleins de nuages, striés de lumière, vivants. On sent qu'il s'intéresse à la forme, à la technique même du peintre pour rendre ces nuages, cette beauté et la partager avec nous mais il y a plus que ça. Il n'est certes pas un "peintre social" mais il peint le monde qui l'entoure, son époque, avec le regard d'un observateur aguerri. Le travail paysan est presque toujours présent dans ces paysages campagnards que ce soit à travers les champs labourés, les meules de foin ou les hommes qui travaillent au bord du fleuve. J'aime surtout cette peinture magnifique qu'est Le train qui passe ou la modernité du train à vapeur contraste avec les deux femmes dans le champs, le tout dans un paysage vaporeux et tourmenté comme il sait si bien les peindre.

Le train qui passe

En continuant l'exposition, je découvre aussi comment il a peint le Vésuve dont il a vu l'éruption. Il y a d'abord les petites peintures représentant le volcan endormi, calme et rouge sous le ciel bleu. Ces peintures témoignent de la modernité et de l'originalité du peintre : la terre et la roche nue dessinées dans le détail de leur géométrie sont à la frontière de l'abstraction. Puis On trouve ces vues impressionnantes du volcan en éruption, de ces nuages de cendres, de ces torrents de lave.

Enfin je découvre les peintures de Paris, celles qui m'ont le plus marquée. Elles sont comme des photos, des instantanés de la ville. Le regard du peintre est partout, notant chaque détail de ce qui l'entoure, captant les regards, les silhouettes, l'atmosphère de la ville. Il mélange très habilement le flou et le détail, la foule et le particulier. Ses thèmes sont modernes : la reconstruction de Paris, les échafaudages des Pyramides ou du Trocadéro. Ses compositions sont audacieuses, comme dans Les ruines du palais des Tuileries où le centre du tableau est laissé vide, à peine crayonné de quelques oiseaux. Au premier plan, un couple modeste dont les regards partent dans deux directions opposées, ouvrant le tableau vers le spectateur. Le regard de la femme sort du tableau, celui de l'homme va vers le chien qui lui-même regarde un couple de femmes élégamment vêtues. On remarque à nouveau le magnifique travail sur la lumière et l'ombre qui imprègne de subtilité l'ensemble des oeuvres.

Giuseppe De Nittis - La place du Carrousel et  les ruines du palais des Tuileries, 1882

Le peintre sait donner de la vie à chacun de ses personnages, capter une attitude ou un regard d'un simple trait. C'est particulièrement impressionnant dans ses nombreuses études, souvent réalisées au pastel, où la ville apparait brumeuse mais croquée dans toute sa justesse. En plus de Paris, il a aussi peint Londres et l'on retrouve le même talent d'observateur, la ville semble vivre devant nous. Enfin, je découvre aussi toutes ces "peintures de salon" pour lesquelles il est si connu. Encore des personnages, des regards perdus, de jolis clairs obscurs, une façon unique de nous faire ressentir les scènes représentées. Il y a aussi des tableaux plus personnels, comme des portraits de sa femme et de son fils. De Nittis est mort à seulement 38 ans, en plein cœur de sa carrière artistique. Son nom reste méconnu, bien loin de Monnet, Degas, ou de ses autres contemporains que pourtant il égale largement. Je termine par cette peinture, Effet de neige, qui résume bien son talent. La femme en noir est dessinée de façon très précise, son visage est délicat, son regard perdu et rêveur. La majeure partie du tableau est consacrée à la neige, là, on retrouve la touche impressionniste, on distingue à peine ce qui est dessiné. Si ce n'était les ombres noires des oiseaux, on pourrait n'y voir qu'une composition abstraite, presque inquiétante.

Effet de Neige, De Niitis

Je vous invite à visiter l'exposition qui est sans doute une occasion unique de découvrir son œuvre : au petit palais jusqu'au 16 janvier 2011.

Commentaires